Skatteverket v A.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:493
Docket NumberC-101/05
Celex Number62005CC0101
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 September 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 11 septembre 2007 (1)

Affaire C‑101/05

Skatteverket

contre

A

[demande de décision préjudicielle formée par le Regeringsrätten (Suède)]

«Libre circulation des capitaux – Relations avec un pays tiers – Législation fiscale – Imposition des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale – Notion de ‘restriction à un mouvement de capitaux’ – Justification – Efficacité des contrôles fiscaux»





1. La liberté de circulation des capitaux, contrairement aux autres libertés de circulation instituées par le traité CE, ne s’applique pas uniquement entre les États membres. Elle prohibe également les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers. Dans la présente procédure préjudicielle, la Cour est invitée à préciser si cette liberté de circulation a la même portée dans les relations entre les États membres et les pays tiers que dans le cadre intracommunautaire.

2. Cette procédure a pour origine une contestation à propos de l’octroi, à une personne physique résidant en Suède, de l’exonération de l’impôt sur le revenu des dividendes qui lui ont été distribués par une société établie en Suisse sous la forme d’actions qu’elle détient dans une filiale.

3. Conformément à la législation suédoise applicable, cette exonération est soumise à plusieurs conditions. Le Royaume de Suède, estimant qu’il devait pouvoir contrôler le respect de ces conditions lorsque la société distributrice est établie à l’étranger, a prévu que ladite exonération ne pouvait être accordée que si cette société est établie dans un pays de l’Espace économique européen (EEE) ou dans un État avec lequel il a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements.

4. Il s’agit de déterminer si une telle législation doit être analysée comme une restriction à un mouvement de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE et, le cas échéant, si cette restriction peut être justifiée.

5. Dans les présentes conclusions, nous exposerons que les notions de «mouvement de capitaux» et de «restriction», visées à l’article 56, paragraphe 1, CE doivent avoir la même portée tant en ce qui concerne les opérations entre les États membres et les pays tiers qu’en ce qui concerne les relations entre les États membres. Nous en déduirons que la législation nationale en cause constitue bien une restriction à un mouvement de capitaux au sens de cette disposition.

6. Nous examinerons ensuite dans quelle mesure cette restriction peut être justifiée.

7. Nous rappellerons que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux peut justifier une restriction à la liberté de circulation des capitaux si la mesure en cause est propre à atteindre cet objectif et si elle n’excède pas ce qui est nécessaire pour y parvenir. Nous indiquerons que, dans les relations entre les États membres et les pays tiers, ce motif de restriction peut justifier que le bénéfice d’un avantage fiscal soit soumis à l’existence d’une convention prévoyant l’échange de renseignements lorsque cet avantage est soumis en droit national à des conditions que les autorités fiscales de l’État membre concerné ne sont pas en mesure de vérifier par leurs propres moyens.

8. Nous en déduirons que la restriction en cause est conforme aux articles 56 CE et 58 CE si le juge national constate que l’exonération de l’imposition sur le revenu des dividendes distribués sous la forme d’actions dans une filiale est soumise à des conditions dont le contrôle, par les autorités fiscales nationales, nécessite des informations que seules les autorités compétentes du pays dans lequel la société mère distributrice est établie peuvent obtenir.

I – La réglementation nationale

9. En vertu de la loi suédoise nº 1229 de 1999 (2), les dividendes versés à une personne physique par une société anonyme sont normalement soumis à l’impôt sur le revenu.

10. Conformément à l’article 16 figurant au chapitre 42 de la loi suédoise, les dividendes distribués par une société anonyme suédoise sous la forme d’actions dans une filiale ne sont pas inclus dans le revenu imposable à condition que:

1) la distribution soit effectuée proportionnellement au nombre d’actions détenues dans la société mère;

2) les actions de la société mère soient cotées en Bourse;

3) toutes les parts de la société mère dans la filiale soient distribuées;

4) après la distribution, les parts sociales dans la filiale ne soient pas détenues par une société appartenant au même groupe que la société mère;

5) la filiale soit une société anonyme suédoise ou une société étrangère, et

6) l’activité principale de la filiale soit à caractère industriel ou commercial ou consiste, directement ou indirectement, à détenir des parts dans des sociétés dont l’activité principale est à caractère industriel ou commercial et dans lesquelles la filiale détient, directement ou indirectement, des parts sociales représentant un nombre de droits de vote supérieur à la moitié des droits de vote de toutes les parts sociales de la société.

11. Ces dispositions sont entrées en vigueur pour la première fois en 1992 et s’appliquaient uniquement aux bénéfices distribués par des sociétés anonymes suédoises. Lesdites dispositions ont été abrogées en 1994 puis réintroduites à partir de 1995.

12. Le gouvernement suédois explique que cette législation a été adoptée afin de faciliter les restructurations d’entreprises et les partages de sociétés. Grâce à ladite législation, un actionnaire ayant reçu des bénéfices d’une société mère distributrice sous la forme d’actions que celle‑ci détient dans une filiale peut retarder l’imposition des bénéfices ainsi distribués jusqu’à la vente des actions reçues.

13. Cette distribution de bénéfices n’est pas imposée, selon ce gouvernement, parce que les actions détenues dans la société mère sont considérées comme ayant perdu la valeur représentée par les actions dans la filiale. En réalité, ladite distribution a pour seul effet que les propriétaires indirects de la filiale deviennent ses propriétaires directs sans que la valeur des actions détenues soit modifiée. Au moment de la distribution, le prix d’acquisition des actions dans la société mère se trouve réparti entre ces dernières et les actions dans la filiale. Lors de la cession, la plus‑value ou la perte en capital est donc déterminée sur la base de la fraction correspondante du prix d’acquisition.

14. En vertu de l’article 16a figurant au chapitre 42 de la loi suédoise, ajouté en 2001, l’exonération prévue à l’article 16 figurant au même chapitre s’applique également si la distribution d’actions est effectuée par une société étrangère qui a un statut analogue à celui d’une société anonyme suédoise et qui est établie dans un pays de l’EEE ou dans un État avec lequel le Royaume de Suède a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l’échange de renseignements.

15. Le 7 mai 1965, la Confédération suisse et le Royaume de Suède ont conclu une convention en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (3). En ce qui concerne la répartition du pouvoir d’imposition des dividendes, elle est réglée par l’article 10 de cette convention (4).

16. La convention ne contient pas de disposition relative à un échange de renseignements entre les autorités compétentes des deux États contractants. L’article 27 de celle‑ci prévoit une procédure amiable entre ces autorités en vue d’éviter une imposition non conforme à ses dispositions ainsi que pour résoudre les difficultés ou dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l’interprétation ou l’application de celles‑ci (5).

17. En outre, il ressort du point 5 du protocole de négociation et de signature établi lors de la conclusion de la convention que la délégation suisse a jugé que les seuls éléments qui devaient pouvoir faire l’objet d’un échange de renseignements étaient ceux nécessaires à une bonne application de la convention et ceux permettant d’éviter qu’il en soit fait une application abusive. Il ressort du même point que le Royaume de Suède a pris acte de cette explication et a renoncé à une disposition conventionnelle expresse sur l’échange de renseignements.

18. Par ailleurs, le 17 août 1993, un arrangement a été conclu entre la Confédération suisse et le Royaume de Suède (ci‑après l’«arrangement») concernant l’exécution des articles 10 et 11 de la convention (6). Cet arrangement précise, d’une part, la procédure à suivre par un particulier pour obtenir un dégrèvement de l’impôt conformément auxdits articles 10 et 11 et, d’autre part, le traitement de telles demandes par les autorités fiscales des États contractants.

II – Le litige au principal et la question préjudicielle

19. A, une personne physique résidant en Suède, est actionnaire de la société X, dont le siège se trouve en Suisse et qui envisage de distribuer les actions qu’elle détient dans l’une de ses filiales. A a demandé au Skatterättsnämnden (commission de droit fiscal) un avis préalable sur la question de savoir si une telle distribution était exonérée d’impôt. Selon A, la société X a un statut analogue à celui d’une société anonyme suédoise et les conditions d’exonération requises par la loi suédoise sont remplies, hormis celle tenant à la localisation du siège de cette société.

20. Dans son avis notifié le 19 février 2003, le Skatterättsnämnden a répondu que la distribution envisagée devait être exonérée d’impôt en application des dispositions du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux.

21. D’une part, il a estimé que la condition énoncée à l’article 16a figurant au chapitre 42 de la loi suédoise, tenant à l’existence d’une disposition prévoyant un échange de renseignements, n’est pas satisfaite. En effet, cette condition ferait référence à une coopération telle que celle prévue à l’article 26 du modèle de convention fiscale...

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