Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 27 February 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:120
Date27 February 2018
Celex Number62016CC0135
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Docket NumberC-135/16
62016CC0135

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 27 février 2018 ( 1 )

Affaire C‑135/16

Georgsmarienhütte GmbH,

Stahlwerk Bous GmbH,

Schmiedag GmbH,

Harz Guss Zorge GmbH

contre

République fédérale d’Allemagne

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (tribunal administratif de Francfort‑sur‑le‑Main, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel en appréciation de validité – Décision (UE) 2015/1585 de la Commission, du 25 novembre 2014, relative au régime d’aides SA.33995 (2013/C) (ex 2013/NN) – Aide accordée par l’Allemagne en faveur des énergies d’origine renouvelable – Plafonnement du prélèvement EEG en faveur des entreprises grosses consommatrices d’énergie – Recevabilité du renvoi préjudiciel – Application de la jurisprudence TWD – Notion d’“aide d’État” – Avantage – Caractère sélectif de l’aide – Transfert de ressources d’État – Flux financiers en opérateurs privés contrôlés par des pouvoirs publics »

1.

La législation allemande en vigueur depuis le 1er janvier 2012 a instauré un mécanisme de promotion de l’électricité provenant de sources renouvelables (ci‑après l’« électricité EEG »). Plus précisément, cette législation a établi un régime de soutien au profit des producteurs de ce type d’énergie, auxquels elle garantissait, par des tarifs réglementés et des primes de marché, la perception d’un prix plus élevé que celui de l’électricité vendue sur le marché.

2.

Un prélèvement (ci‑après le « prélèvement EEG ») a été approuvé afin de financer ce régime de soutien, prélèvement qui, en pratique, serait payé par les consommateurs finals. Les entreprises ferroviaires et celles consommant de grandes quantités d’électricité (ci‑après les « entreprises énergivores ») ( 2 ) étaient, en principe, également soumises au prélèvement EEG. Le législateur allemand a cependant décidé de diminuer le montant de leur prélèvement, cette mesure visant à contribuer à la diminution des coûts de ces entreprises et, par conséquent, à soutenir leur compétitivité.

3.

Le 25 novembre 2014, la Commission européenne a considéré que la réduction du prélèvement EEG accordée à ces entreprises constituait une aide d’État, qui n’était compatible avec le marché intérieur que si elle respectait certaines conditions détaillées à l’article 3 de la décision (UE) 2015/1585 de la Commission, du 25 novembre 2014, relative au régime d’aides SA.33995 (2013/C) (ex 2013/NN) [appliqué par l’Allemagne en faveur de l’électricité d’origine renouvelable et des gros consommateurs d’énergie] ( 3 ).

4.

Les aides (sous leur forme de réduction du prélèvement EEG) qui ne respecteraient pas les conditions indiquées dans la décision 2015/1585 ont été déclarées incompatibles avec le marché intérieur. Tel était le cas de certaines entreprises du groupe Georgsmarienhütte GmbH, et les autorités allemandes leur ont immédiatement réclamé, en exécution de cette décision, le remboursement des montants respectivement perçus.

5.

Certaines entreprises obligées de rembourser le montant des aides ont contesté la décision des autorités allemandes devant la juridiction de renvoi, en soutenant que la décision 2015/1585 n’était pas valide. Le gouvernement allemand a quant à lui introduit devant le Tribunal un recours en annulation contre cette même décision (affaire T‑47/15), qui a été rejeté par un arrêt rendu le 10 mai 2016 ( 4 ).

6.

La juridiction de renvoi, réceptive aux arguments des entreprises qui se sont pourvues devant elle pour attaquer la décision 2015/1585, pose une question préjudicielle en appréciation de la validité de cette décision qui soulève de singulières difficultés, tant du point de vue procédural que sur le fond.

7.

En ce qui concerne l’approche procédurale, la Cour devra se prononcer sur l’applicabilité de la jurisprudence TWD Textilwerke Deggendorf ( 5 ) à une affaire telle que celle qui nous occupe, dans laquelle différentes entreprises choisissent de contester devant les juridictions nationales les décisions nationales de récupération des aides déclarées illégales par la Commission.

8.

La Cour devra notamment déterminer a) si elle privilégie le recours direct en annulation et juge irrecevables les renvois préjudiciels ayant un contenu similaire ; ou b) si, à l’inverse, elle accorde aux entreprises la faculté de porter leurs contestations devant les juridictions nationales en les invitant à poser une question préjudicielle en appréciation de la validité de la décision de la Commission déclarant l’aide illégale.

9.

Sur le fond, le litige s’inscrit dans la longue saga des affaires d’aides d’État dans le secteur de l’énergie. La réduction du prélèvement EEG pour certaines entreprises énergivores se situe au croisement des mesures analysées dans la jurisprudence PreussenElektra ( 6 ) et de celles analysées dans la jurisprudence Association Vent De Colère! e.a. ( 7 ). En l’espèce, la Cour devra trancher le débat sur le contrôle étatique plus ou moins important des fonds mobilisés par des opérateurs privés, envisagé en tant qu’élément constitutif de la notion d’« aide d’État ».

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union : la décision 2015/1585

10.

Conformément à l’article 1er de cette décision :

« L’aide d’État en faveur du soutien à la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et de gaz de mine, y compris son mécanisme de financement, qui a été octroyée en vertu de la Erneuerbare-Energien-Gesetz de 2012 (ci‑après la “loi EEG de 2012”), illégalement appliquée par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, du traité, est compatible avec le marché intérieur sous réserve de l’exécution par l’Allemagne de l’engagement exposé à l’annexe I. »

11.

Aux termes de l’article 3 de la décision 2015/1585 :

« 1. L’aide d’État consistant en des réductions du prélèvement destiné à financer le soutien apporté à l’électricité produite à partir de sources renouvelables (ci‑après le “prélèvement EEG”) au cours des années 2013 et 2014 en faveur des gros consommateurs d’énergie (Besondere Ausgleichsregelung, ci‑après la “BesAR”), illégalement appliquée par l’Allemagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, du traité, est compatible avec le marché intérieur pour autant qu’elle relève de l’une des quatre catégories exposées au présent paragraphe.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise qui relève d’un secteur mentionné à l’annexe 3 des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (ci‑après les “lignes directrices de 2014”), elle est compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté au moins 15 % des coûts supplémentaires encourus par les fournisseurs d’électricité en raison des obligations d’acheter de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui sont ensuite répercutés sur leurs clients. Si l’entreprise a acquitté moins de 15 % de ces coûts supplémentaires, l’aide d’État est néanmoins compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté un montant correspondant à au moins 4 % de sa valeur ajoutée brute ou, pour les entreprises présentant une électro-intensité d’au moins 20 %, à au moins 0,5 % de sa valeur ajoutée brute.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise qui ne relève pas d’un secteur mentionné à l’annexe 3 des lignes directrices de 2014 mais qui présentait une électro-intensité d’au moins 20 % en 2012 et relevait, cette année‑là, d’un secteur affichant une intensité des échanges d’au moins 4 % au niveau de l’Union, elle est compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté au moins 15 % des coûts supplémentaires encourus par les fournisseurs d’électricité en raison des obligations d’acheter de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui sont ensuite répercutés sur les consommateurs d’électricité. Si l’entreprise a acquitté moins de 15 % de ces coûts supplémentaires, l’aide d’État est néanmoins compatible avec le marché intérieur si l’entreprise a acquitté un montant correspondant à au moins 4 % de sa valeur ajoutée brute ou, pour les entreprises présentant une électro-intensité d’au moins 20 %, à au moins 0,5 % de sa valeur ajoutée brute.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise éligible au bénéfice d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur sur la base du deuxième ou du troisième alinéa, mais lorsque le montant du prélèvement EEG payé par cette entreprise n’a pas atteint le niveau requis par ces alinéas, les parts suivantes de l’aide sont compatibles avec le marché intérieur :

a)

pour 2013, la part de l’aide qui excède 125 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013;

b)

pour 2014, la part de l’aide qui excède 150 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013.

Lorsque l’aide d’État a été accordée à une entreprise non admissible au bénéfice d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur sur la base du deuxième ou du troisième alinéa, et lorsque l’entreprise a acquitté moins de 20 % des coûts supplémentaires du prélèvement sans réduction, les parts suivantes de l’aide sont compatibles avec le marché intérieur :

a)

pour 2013, la part de l’aide qui excède 125 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013 ;

b)

pour 2014, la part de l’aide qui excède 150 % du prélèvement que l’entreprise a effectivement payé en 2013.

2. Toute aide qui n’est pas couverte par le paragraphe 1 est incompatible avec le marché intérieur. »

12.

En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la décision 2015/1585 :

« L’Allemagne procède à la récupération auprès des...

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