Stichting Al-Aqsa v Council of the European Union (C-539/10 P) and Kingdom of the Netherlands v Stichting Al-Aqsa (C-550/10 P).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:321
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑539/10,C‑550/10
Date06 June 2012
Procedure TypeRecurso de casación - inadmisible
Celex Number62010CC0539
62010CC0539

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME VERICA TRSTENJAK

présentées le 6 juin 2012 ( 1 )

Affaires jointes C‑539/10 P et C‑550/10 P

Stichting Al-Aqsa contre Conseil de l’Union européenne

et

Royaume des Pays-Bas contre Stichting Al-Aqsa

«Pourvoi — Politique étrangère et de sécurité commune — Adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Gel des avoirs — Position commune 2001/931/PESC — Article 1er, paragraphes 4 et 6 — Règlement (CE) no 2580/2001 — Articles 2 et 3 — Conditions du maintien d’une personne ou organisation sur la liste des personnes, entités ou organismes visés par une mesure de gel d’avoirs — Décision d’une autorité nationale compétente — Suppression d’une mesure nationale»

I – Introduction

1.

Le présent pourvoi a pour objet le gel des avoirs de la Stichting Al-Aqsa (ci-après «Al-Aqsa») dans le cadre de mesures prises par l’Union européenne en vue de lutter contre le terrorisme.

2.

Les dangers résultant du terrorisme ont conduit l’Organisation des Nations unies ainsi que l’Union et ses États membres à adopter des mesures restrictives. L’objectif de ces mesures est de retirer aux personnes ou aux organisations, dont on présume qu’elles favorisent les activités terroristes, leurs possibilités de financement en gelant leurs avoirs.

3.

Prenant acte de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 28 septembre 2001 ( 2 ), le Conseil de l’Union européenne a défini, dans sa position commune 2001/931/PESC ( 3 ), les grandes lignes d’un système de mesures de lutte contre le terrorisme.

4.

En vertu de ce système, lorsque l’Union dispose d’informations dont il résulte qu’une autorité a pris une décision d’ouverture d’enquête ou de poursuites pour un acte terroriste, la personne ou l’entité concernée peut être inscrite sur une liste de personnes et d’organisations dont les avoirs sont gelés ( 4 ). Une première liste de ce type était déjà jointe à ladite position commune.

5.

Le règlement (CE) no 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ( 5 ), s’inscrit dans le prolongement du système prévu par la position commune 2001/931. Il se présente comme une mesure jugée nécessaire au niveau de l’Union pour mieux atteindre les objectifs de la position commune 2001/931, et doit compléter les procédures administratives et judiciaires relatives aux organisations terroristes dans l’Union et les pays tiers ( 6 ). Dans ce contexte, il incombe au Conseil, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, d’établir, de réviser et le cas échéant de modifier, en fonction des critères de la position commune 2001/931 ( 7 ), une liste de personnes et d’organisations dont les avoirs doivent être gelés. Le Conseil a établi sa première liste, conformément à l’article 2 du règlement no 2580/2001, dès le 27 décembre 2001, soit concomitamment à l’adoption de ce règlement.

6.

Dans le cadre d’une révision régulière de cette liste, le Conseil doit vérifier si le maintien sur la liste des personnes ou des entités concernées ainsi que le gel de leurs avoirs restent justifiés. Si la justification disparaît, la liste doit être modifiée en conséquence. Dans l’exercice de cette fonction, le Conseil adopte périodiquement des actes en application du règlement no 2580/2001, au moyen desquels il remplace la liste en vigueur, après vérification, par une nouvelle liste.

7.

La vérification et, le cas échéant, la modification desdites listes sont au cœur des présentes affaires jointes. Il s’agit concrètement, en particulier, de savoir jusqu’à quel point le Conseil doit tenir compte de la situation factuelle et juridique existant dans l’État membre et de son évolution, pour apprécier si une personne ou une organisation doivent être maintenues sur la liste et si leurs avoirs doivent rester gelés.

II – Le cadre juridique

A – La position commune 2001/931

8.

L’article 1er de la position commune 2001/931 prévoit:

«[…]

4. La liste à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits. Les personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil de sécurité des Nations unies comme [liés] au terrorisme et à l’encontre [desquels] il a ordonné des sanctions peuvent être [inclus] dans la liste.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par ‘autorité compétente’, une autorité judiciaire, ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine.

[…]

6. Les noms des personnes et entités [repris] sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié.»

B – Le règlement no 2580/2001

9.

L’article 2 du règlement no 2580/2001 ( 8 ) dispose:

«1. À l’exception des dérogations autorisées dans le cadre des articles 5 et 6:

a)

tous les fonds détenus par, en possession de ou appartenant à une personne physique ou morale, un groupe ou une entité inclus dans la liste visée au paragraphe 3 [sont gelés]

[…]

3. Le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels le présent règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4, 5 et 6, de la position commune 2001/931/PESC. Cette liste mentionne:

i)

les personnes physiques commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation;

ii)

les personnes morales, groupes ou entités commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation;

iii)

les personnes morales, groupes ou entités détenus ou contrôlés par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, groupes ou entités visés aux points i) et ii) ou

iv)

les personnes physiques ou morales, groupes ou entités agissant pour le compte ou sous les ordres d’une ou de plusieurs personnes physiques ou morales, groupes ou entités visés aux points i) et ii).»

10.

Les exceptions mentionnées à l’article 2, paragraphe 1, prévoient en substance que les avoirs gelés peuvent être mis à disposition dans la mesure nécessaire pour couvrir les besoins fondamentaux de l’intéressé ou des membres de sa famille ( 9 ) et que, dans certaines conditions, d’autres autorisations de mise à disposition spécifiques peuvent être accordées ( 10 ).

III – Les antécédents du litige

11.

Al-Aqsa conteste depuis l’année 2003 devant les tribunaux ( 11 ) le gel de ses avoirs ainsi que plusieurs mesures prises successivement à son encontre par le Conseil, sur le fondement desquelles elle a été incluse puis maintenue dans les listes correspondantes du Conseil.

12.

Toutefois, les mesures du Conseil ont en dernière analyse pour origine l’arrêté ministériel de 2003 relatif aux sanctions contre le terrorisme (Sanctieregeling terrorisme 2003) ( 12 ) (ci-après l’«arrêté ministériel de 2003»), sur lequel nous allons nous arrêter en raison de son importance centrale pour le gel des avoirs d’Al-Aqsa.

13.

L’arrêté ministériel de 2003 a été adopté sur le fondement de la loi des sanctions de 1977 (Sanctiewet 1977), en référence à la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 28 septembre 2001. Par cet arrêté ministériel, les avoirs d’Al-Aqsa ont été gelés en quelque sorte à titre de mesure provisoire ( 13 ) jusqu’à l’entrée en vigueur d’un acte de l’Union à cet effet ( 14 ), parce qu’elle allouerait des fonds à une organisation soutenant le terrorisme ( 15 ).

14.

Dans une procédure de référé intentée aux Pays-Bas, Al-Aqsa avait demandé que soit ordonné le sursis à l’exécution de cet arrêté ministériel. Par une décision du 3 juin 2003 ( 16 ), le Rechtbank te ’s-Gravenhage, après avoir pris connaissance de documents confidentiels des services secrets néerlandais a toutefois jugé qu’il existait suffisamment d’éléments pour considérer qu’Al-Aqsa soutenait, grâce à ses fonds, une organisation terroriste ( 17 ), comme l’affirmait la motivation de l’arrêté ministériel de 2003, et n’a donc pas fait droit à la demande de sursis à l’exécution de la mesure de gels d’avoirs présentée par Al-Aqsa.

15.

L’arrêté ministériel de 2003 a cependant été rapidement abrogé ( 18 ) avec effet au 3 août 2003, au motif qu’il était «dépassé» après l’adoption de la décision 2003/480/CE du Conseil, du 27 juin 2003, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 et abrogeant la décision 2002/974/CE ( 19 ), Al-Aqsa figurant désormais dans une liste du Conseil relative au gel des avoirs.

16.

Après l’abrogation de l’arrêté ministériel de 2003, Al-Aqsa est cependant restée inscrite sur ladite liste du Conseil ainsi que sur les listes qui lui ont succédé, parce que le Conseil ne voyait pas de raison d’introduire une modification concernant Al-Aqsa.

17.

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