Safa Nicu Sepahan Co. v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:658
CourtCourt of Justice (European Union)
Date08 September 2016
Docket NumberC-45/15
Celex Number62015CC0045
Procedure TypeRecurso de anulación
62015CC0045

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 8 septembre 2016 ( 1 )

Affaire C‑45/15 P

Safa Nicu Sepahan Co.

contre

Conseil de l’Union européenne

«Pourvoi — Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Liste des personnes et des entités auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques — Responsabilité non contractuelle — Violation suffisamment caractérisée — Préjudice matériel — Préjudice immatériel»

1.

La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

2.

La requérante dans la présente affaire, Safa Nicu Sepahan Co., est une société anonyme iranienne qui a figuré pendant une période de presque trois ans sur les listes des entités concourant à la prolifération nucléaire adoptées par des règlements du Conseil de l’Union européenne. Devant le Tribunal de l’Union européenne, elle a contesté la légalité de cette inscription et a demandé à être indemnisée des dommages matériels et immatériels qui, selon elle, en ont découlé. Par son arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986 ; ci-après : l’«arrêt attaqué»), le Tribunal a annulé les actes portant inscription du nom de la requérante sur les listes en cause, a rejeté la demande d’indemnisation au titre des préjudices matériels et a condamné le Conseil à verser une indemnité de 50000 euros au titre du préjudice immatériel subi par la requérante ( 2 ).

3.

La présente affaire a pour objet, d’une part, un pourvoi introduit par la requérante contre le rejet de sa demande d’indemnisation des dommages matériels ainsi que contre le montant de l’indemnisation accordée au titre des dommages immatériels et, d’autre part, un pourvoi incident du Conseil visant à contester l’existence, en l’espèce, des conditions pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne ainsi que contre sa condamnation à réparer le préjudice immatériel causé à la requérante.

I – Les antécédents du litige et l’arrêt attaqué

4.

Les antécédents du litige, figurant aux points 1 à 13 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit pour le besoin de la présente affaire.

5.

Le nom d’une entité identifiée comme « Safa Nicu » a été inscrit sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC ( 3 ), par la décision 2011/299/PESC ( 4 ) et, par voie de conséquence, sur la liste figurant à l’annexe VIII du règlement (UE) no 961/2010 ( 5 ), par le règlement d’exécution (UE) no 503/2011 ( 6 ). Dans la motivation de la décision 2011/299 et du règlement d’exécution no 503/2011, ladite entité a été décrite comme une « [e]ntreprise de communications qui a fourni du matériel pour l’installation de Fordow (Qom), construite sans avoir été déclarée à l’[Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)] ».

6.

Par lettre du 7 juin 2011, la requérante a demandé au Conseil de modifier l’annexe VIII du règlement no 961/2010 soit en complétant et en corrigeant l’inscription de l’entité identifiée comme « Safa Nicu » sur les listes en cause, soit en la supprimant. N’ayant pas reçu de réponse, la requérante a adressé une nouvelle lettre au Conseil le 23 juin 2011.

7.

L’inscription a été maintenue par la décision 2011/783/PESC ( 7 ) et par le règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 ( 8 ). La mention « Safa Nicu » a néanmoins été remplacée par d’autres mentions et cinq adresses en Iran, aux Émirats arabes unis et en Afghanistan ont été ajoutées en tant qu’informations d’identification concernant l’entité visée.

8.

Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante du maintien de son nom sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Il a constaté que les observations présentées par la requérante le 7 juin 2011 ne justifiaient pas la levée des mesures restrictives et il a précisé que l’inscription de l’entité identifiée comme « Safa Nicu » visait bien la requérante. Par lettre du 11 décembre 2012, le Conseil a communiqué à la requérante le règlement (UE) no 267/2012 ( 9 ), abrogeant le règlement no 961/2010, et l’a informée de ce que son nom avait été maintenu sur la liste de l’annexe IX de ce règlement.

9.

Par décision 2014/222/PESC ( 10 ), le nom de la requérante a été retiré de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et, par le règlement d’exécution (UE) no 397/2014 ( 11 ), son nom a été retiré, par voie de conséquence, de la liste de l’annexe IX du règlement no 267/2012.

10.

Le 22 juillet 2011, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal visant, d’une part, à obtenir l’annulation partielle des règlements nos 503/2011 et 267/2012, en ce qu’ils visaient la requérante et ses sociétés affiliées, et, d’autre part, à faire condamner le Conseil à lui verser une indemnité de 7662737,40 euros assortie d’intérêts au taux de 5 % par an à partir du 1er janvier 2013, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices tant matériels que moraux subis du fait de l’adoption des mesures restrictives la visant.

11.

Au soutien de sa demande d’annulation, la requérante invoquait trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur d’appréciation ainsi que d’un « abus de pouvoir » et, le troisième, d’une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. Après avoir écarté le premier moyen ( 12 ) et déclaré irrecevable le grief du deuxième moyen, tiré d’un « abus de pouvoir », aux points 32 à 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et accueilli le grief du deuxième moyen tiré d’une erreur d’appréciation. Il a, par conséquent, annulé l’inscription du nom de la requérante dans les listes en cause, sans examiner le troisième moyen de recours (point 40 des motifs et point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué) ( 13 ).

12.

S’agissant de la demande de dommages et intérêts, le Tribunal a, tout d’abord, constaté que la condition de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union tenant à l’illégalité du comportement reproché au Conseil était remplie en l’espèce, ce dernier s’étant rendu responsable d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (points 49 à 69 des motifs de l’arrêt attaqué).

13.

Il a ensuite examiné les conditions liées à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité pour les différents préjudices invoqués.

14.

En ce qui concerne le préjudice immatériel, que la requérante avait évalué, en dernier lieu, à un montant de 2 millions d’euros, le Tribunal a reconnu que lesdites conditions étaient remplies en l’espèce et, évaluant ce préjudice ex aequo et bono, a conclu que l’allocation d’un montant de 50000 euros constituait une indemnisation adéquate (points 78 à 92 des motifs et point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué).

15.

Le Tribunal a, en revanche, rejeté la demande d’indemnisation des préjudices matériels invoqués par la requérante. Pour chaque chef de préjudice, il a conclu que cette dernière n’avait pas apporté suffisamment de preuves soit sur la réalité ou l’étendue du dommage prétendument subi, soit sur l’existence d’un lien de causalité entre ce dommage et le comportement reproché au Conseil (points 93 à 148 des motifs et point 4 du dispositif de l’arrêt attaqué).

16.

Pour ce qui concerne la demande relative à l’octroi d’intérêts, le Tribunal, d’une part, a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder des intérêts pour la période précédant le jour du prononcé de l’arrêt attaqué et, d’autre part, a conclu que le Conseil devait s’acquitter d’intérêts moratoires, à compter du prononcé de l’arrêt attaqué jusqu’au complet paiement de l’indemnité accordée (points 150 à 152 de l’arrêt attaqué et point 3 du dispositif).

II – Les conclusions des parties

17.

Dans son pourvoi, la requérante demande à la Cour d’annuler partiellement l’arrêt attaqué dans la mesure où il n’a pas reconnu et indemnisé le préjudice matériel qu’elle aurait subi ainsi que dans la mesure où il ne lui a accordé qu’une somme de 50000 euros au titre d’indemnisation du préjudice immatériel. Elle demande, en outre, à la Cour d’exercer son pouvoir de pleine juridiction et, à titre principal, de lui octroyer une somme de 5662737,40 euros, majorée d’intérêts, pour les dommages matériels ainsi qu’une somme de 2 millions d’euros, majorée d’intérêts, pour les dommages immatériels et de condamner le Conseil aux dépens, y inclus ceux afférents à la procédure devant le Tribunal. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour de lui accorder un montant déterminé ex aequo et bono, plus intérêts, pour les dommages matériels, ainsi qu’un montant non inférieur à 50000 euros, plus intérêts, pour les dommages immatériels, et de condamner le Conseil aux dépens, y inclus ceux afférents à la procédure devant le Tribunal. À titre plus subsidiaire, la requérante demande à la Cour de renvoyer l’affaire au Tribunal afin que celui-ci réexamine le montant des dommages et prononce un nouvel arrêt en sa faveur.

18.

Dans son mémoire en réponse au pourvoi incident du Conseil, la requérante demande à la Cour de rejeter le pourvoi incident comme étant non fondé. Elle...

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