Opinion of Advocate General Kokott delivered on 26 July 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:606
Date26 July 2017
Celex Number62016CC0358
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-358/16
62016CC0358

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 26 juillet 2017 ( 1 )

Affaire C‑358/16

UBS Europe SE, venant aux droits de UBS (Luxembourg) SA,

Alain Hondequin et consorts

contre

DV,

EU

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour administrative (Luxembourg)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2004/39/CE – Article 54, paragraphes 1 et 3 – Accès à des informations dans le recours juridictionnel engagé contre une décision de l’autorité nationale de surveillance du secteur financier – Secret professionnel – Régime dérogatoire pour les cas relevant du droit pénal – Droit à une bonne administration – Droit à une protection juridictionnelle effective »

I. Introduction

1.

Une autorité de surveillance du secteur financier peut-elle refuser au destinataire d’un acte faisant grief l’accès à des documents à décharge, concernant un tiers, en invoquant le secret professionnel visé à l’article 54 de la directive 2004/39/CE concernant les marchés d’instruments financiers ( 2 ), ( 3 ) ?

2.

Cette question se pose en l’espèce dans le contexte d’une décision de l’autorité luxembourgeoise de surveillance du secteur financier retirant à DV l’honorabilité professionnelle requise pour assumer les fonctions de direction dans les entreprises d’investissement. Cette décision a été rendue en raison du rôle qu’il avait joué dans la constitution et la gestion d’une entreprise impliquée dans le scandale financier Madoff ( 4 ).

3.

Dans cette demande de décision préjudicielle de la Cour administrative (Luxembourg), il appartient à la Cour de relever le défi de concilier la protection du secret professionnel et celle des droits de la défense.

4.

Tout d’abord, il convient dès lors d’examiner si des circonstances telles que celles en cause ici relèvent de l’exception au secret professionnel prévue à l’article 54 de la directive 2004/39 pour les « cas relevant du droit pénal ». Ensuite, il convient d’examiner, au regard des garanties d’un procès équitable et d’un recours juridictionnel effectif, si les contours du secret professionnel tracés à l’article 54 de la directive 2004/39 respectent à suffisance le droit d’accès au dossier du destinataire d’une mesure présentant les caractéristiques de celle en cause.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5.

En l’espèce, le cadre juridique est constitué par les articles 41, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), ainsi que par la directive 2004/39.

6.

Pour commencer, on se référera aux considérants 2, 44, 63 et 71 de la directive 2004/39 :

« (2)

[…] il convient d’atteindre le degré d’harmonisation nécessaire pour offrir aux investisseurs un niveau élevé de protection et pour permettre aux entreprises d’investissement de fournir leurs services dans toute la Communauté, qui constitue un marché unique, sur la base de la surveillance exercée dans l’État membre d’origine […]

[…]

(44)

Dans le double objectif de protéger les investisseurs et d’assurer le bon fonctionnement des marchés des valeurs mobilières […]

[…]

(63)

Il est nécessaire de renforcer les dispositions concernant l’échange d’informations entre les autorités compétentes des différents États membres ainsi que les obligations réciproques de ces autorités en matière d’assistance et de coopération. Dans un contexte d’activité transfrontalière croissante, les autorités compétentes devraient se fournir mutuellement les informations nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, de manière à garantir l’application effective de la présente directive, y compris lorsqu’une infraction ou une suspicion d’infraction peut être du ressort des autorités compétentes de plusieurs États membres. Dans cet échange d’informations, le secret professionnel s’impose toutefois, pour assurer la transmission sans heurts desdites informations ainsi que la protection des droits des personnes concernées.

[…]

(71)

L’objectif qui consiste à créer un marché financier intégré où les investisseurs jouissent d’une protection suffisante et où l’efficacité et l’intégrité du marché au sens général sont préservées requiert de fixer des règles communes applicables aux entreprises d’investissement où qu’elles aient été agréées dans la Communauté et régissant le fonctionnement des marchés réglementés et des autres systèmes de négociation, de façon à éviter que l’opacité d’un seul marché ou un dysfonctionnement de celui-ci ne compromette le fonctionnement efficace du système financier européen dans son ensemble. […] »

7.

La directive régit en son titre II l’agrément des entreprises d’investissement et les conditions d’exercice de leur activité.

8.

L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/39 établit l’obligation d’obtenir un agrément :

« Chaque État membre exige que la fourniture de services d’investissement ou l’exercice d’activités d’investissement en tant qu’occupation ou activité habituelle à titre professionnel fasse l’objet d’un agrément préalable conformément aux dispositions du présent chapitre. […] »

9.

Aux termes de l’article 8, , sous c), de la directive 2004/39, les autorités compétentes peuvent retirer son agrément à toute entreprise d’investissement qui « ne remplit plus les conditions dans lesquelles l’agrément a été accordé ».

10.

L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 3, de la directive 2004/39 concerne les conditions d’agrément visant les personnes dirigeant une entreprise d’investissement :

« 1. Les États membres exigent que les personnes qui dirigent effectivement l’activité d’une entreprise d’investissement jouissent d’une honorabilité et d’une expérience suffisantes pour garantir la gestion saine et prudente de cette entreprise. […]

[…]

3. L’autorité compétente refuse l’agrément si elle n’est pas convaincue que les personnes qui dirigeront effectivement l’activité de l’entreprise d’investissement jouissent d’une honorabilité et d’une expérience suffisantes ou s’il existe des raisons objectives et démontrables d’estimer que le changement de direction proposé risquerait de compromettre la gestion saine et prudente de l’entreprise d’investissement. »

11.

L’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/39 précise que les conditions de l’agrément initial, et notamment celles de l’article 9, paragraphe 3, de cette directive, doivent être remplies en permanence :

« Les États membres exigent d’une entreprise d’investissement agréée sur leur territoire qu’elle se conforme en permanence aux conditions de l’agrément initial prévues au chapitre premier du présent titre. »

12.

Le chapitre premier du titre IV (« Autorités compétentes ») de la directive 2004/39 comporte des règles sur la désignation des autorités compétentes, leurs pouvoirs et les procédures de recours.

13.

Ainsi, l’article 50, paragraphe 1, de la directive 2004/39 dispose que les États membres veillent à ce que « [l]es autorités compétentes soient investies de tous les pouvoirs de surveillance et d’enquête nécessaires à l’exercice de leurs fonctions ». L’article 50, paragraphe 2, sous l), de cette directive range parmi ces pouvoirs, notamment, le droit de « transmettre une affaire en vue de poursuites pénales ».

14.

L’article 51, paragraphe 1, de la directive 2004/39 concerne les conséquences éventuelles d’une violation des dispositions adoptées en application de cette directive :

« 1. Sans préjudice des procédures relatives au retrait d’un agrément ni de leur droit d’appliquer des sanctions pénales, les États membres veillent, conformément à leur droit national, à ce que puissent être prises des mesures ou appliquées des sanctions administratives appropriées à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions adoptées en application de la présente directive. Ils font en sorte que ces mesures soient effectives, proportionnées et dissuasives. »

15.

L’article 54 de la directive, intitulé « Secret professionnel », dispose en ses paragraphes 1 à 3 :

« 1. Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes, toute personne travaillant ou ayant travaillé pour les autorités compétentes ou pour les entités délégataires des tâches de celles‑ci conformément à l’article 48, paragraphe 2, ainsi que les contrôleurs des comptes ou les experts mandatés par les autorités compétentes soient tenus au secret professionnel. Aucune information confidentielle reçue par ces personnes dans l’exercice de leurs fonctions ne peut être divulguée à quelque autre personne ou autorité que ce soit, sauf sous une forme résumée ou agrégée empêchant l’identification des entreprises d’investissement, des opérateurs de marchés, des marchés réglementés ou de toute autre personne concernés, sans préjudice des cas relevant du droit pénal ou des autres dispositions de la présente directive.

2. Lorsqu’une entreprise d’investissement, un opérateur de marché ou un marché réglementé a été déclaré en faillite ou qu’il est mis en liquidation forcée, les informations confidentielles qui ne concernent pas des tiers peuvent être divulguées dans le cadre de procédures civiles ou commerciales à condition d’être nécessaires au déroulement de la procédure.

3. Sans préjudice des cas relevant du droit pénal, les autorités compétentes, organismes ou personnes physiques ou morales autres que les autorités compétentes, qui reçoivent des informations confidentielles au titre de la présente directive, peuvent uniquement les utiliser dans l’exécution de leurs tâches et pour l’exercice de leurs fonctions dans le cas des autorités compétentes dans le cadre du champ...

To continue reading

Request your trial
5 practice notes
  • Opinion of Advocate General Bot delivered on 12 December 2017.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 December 2017
    ...paragraphs 31 and 32), and recitals 44 and 63 of Directive 2004/39. 31 Opinion of Advocate General Kokott in UBS Europe and Others (C‑358/16, EU:C:2017:606, point 32 Opinion of Advocate General Kokott in UBS Europe and Others (C‑358/16, EU:C:2017:606, point 30). 33 C‑140/13, EU:C:2014:2362.......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 15 July 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 July 2021
    ...P, EU:C:2020:192, paragraph 66 and the case-law cited). 37 See, to that effect, judgment of 13 September 2018, UBS Europe and Others (C‑358/16, EU:C:2018:715, paragraph 61 and the case-law cited). 38 See, to that effect, judgment of 20 January 2021, Commission v Printeos (C‑301/19 P, EU:C:2......
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 11 April 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 April 2018
    ...General Wathelet in Berlioz Investment Fund, C‑682/15, EU:C:2017:2, point 67, and of Advocate General Kokott in UBS Europe and Others, C‑358/16, EU:C:2017:606, point 81 The first paragraph of Article 266 TFEU states: ‘The institution, body, office, or entity whose act has been declared void......
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 12 June 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 June 2018
    ...EU:C:2014:2362, paragraph 32). 28 On this exception see the recent Opinion of Advocate General Kokott in UBS Europe and Others (C‑358/16, 29 Judgment of 12 November 2014, Altmann and Others (C‑140/13, EU:C:2014:2362, paragraph 38). 30 Judgment of 12 November 2014, Altmann and Others (C‑140/......
  • Request a trial to view additional results
5 cases
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 15 July 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 July 2021
    ...P, EU:C:2020:192, paragraph 66 and the case-law cited). 37 See, to that effect, judgment of 13 September 2018, UBS Europe and Others (C‑358/16, EU:C:2018:715, paragraph 61 and the case-law cited). 38 See, to that effect, judgment of 20 January 2021, Commission v Printeos (C‑301/19 P, EU:C:2......
  • Opinion of Advocate General Bot delivered on 12 December 2017.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 December 2017
    ...paragraphs 31 and 32), and recitals 44 and 63 of Directive 2004/39. 31 Opinion of Advocate General Kokott in UBS Europe and Others (C‑358/16, EU:C:2017:606, point 32 Opinion of Advocate General Kokott in UBS Europe and Others (C‑358/16, EU:C:2017:606, point 30). 33 C‑140/13, EU:C:2014:2362.......
  • UBS Europe SE and Alain Hondequin and Others v DV and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 13 September 2018
    ...pénal – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 47 et 48 – Droits de la défense – Accès au dossier » Dans l’affaire C‑358/16, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour administrative (Luxembourg), pa......
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 12 June 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 June 2018
    ...EU:C:2014:2362, paragraph 32). 28 On this exception see the recent Opinion of Advocate General Kokott in UBS Europe and Others (C‑358/16, 29 Judgment of 12 November 2014, Altmann and Others (C‑140/13, EU:C:2014:2362, paragraph 38). 30 Judgment of 12 November 2014, Altmann and Others (C‑140/......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT