Proceedings brought by X.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:333
Date15 May 2014
Celex Number62013CC0318
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-318/13
62013CC0318

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 15 mai 2014 ( 1 )

Affaire C‑318/13

X

[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande)]

«Directive 79/7/CEE — Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale — Article 4, paragraphe 1 — Assurance accident des travailleurs salariés — Législation nationale — Indemnisation forfaitaire du préjudice permanent à la suite d’un accident du travail — Calcul du montant — Montants différents pour les hommes et pour les femmes en raison d’une espérance de vie statistiquement différente selon les sexes — Responsabilité de l’État membre — Violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union»

I – Introduction

1.

Le fait que les femmes aient, statistiquement parlant, une espérance de vie supérieure à celle des hommes est connu. Cela suffit-il toutefois pour autant à justifier, sans examen concret du cas d’espèce, que la prestation forfaitaire versée en une seule fois aux hommes par l’assurance accident des travailleurs salariés au titre de l’indemnisation de problèmes de santé ressentis à vie soit inférieure à celle perçue par les femmes?

2.

Cette question est au centre de la présente affaire. À la suite de l’arrêt «Test-Achats» ( 2 ), elle offre à la Cour l’occasion de préciser sa jurisprudence relative au principe du droit de l’Union de l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans le cadre d’une nouvelle affaire ayant trait au droit des assurances.

3.

Dans le cas présent, il convient premièrement d’examiner si ce principe s’oppose à des règles de droit nationales qui, pour le calcul du montant d’un droit à une prestation d’assurance, prennent en compte des paramètres qui sont fondés de manière déterminante sur l’espérance de vie statistiquement différente des hommes et des femmes. Deuxièmement, au cas où le droit national s’avérerait être contraire au droit de l’Union, il se pose la question de la responsabilité de l’État membre et, le cas échéant, troisièmement, la question de la limitation dans le temps des effets de l’arrêt.

II – Cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive 79/7/CEE ( 3 )

4.

La directive 79/7 s’applique notamment, aux termes de son article 3, paragraphe 1, aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques d’invalidité, d’accident du travail et de maladie professionnelle.

5.

L’article 4 de la directive 79/7 est ainsi libellé:

«1. Le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement […], en particulier en ce qui concerne:

[…]

[…]

le calcul des prestations […] et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.

2. Le principe de l’égalité de traitement ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme en raison de la maternité.»

2. La directive 2004/113/CE ( 4 )

6.

Avant que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 ait été déclaré invalide ( 5 ), cette disposition permettait dans certaines conditions un traitement différent en fonction du sexe selon les modalités suivantes:

«Nonobstant le paragraphe 1, les États membres peuvent décider avant le 21 décembre 2007 d’autoriser des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. […]»

3. La directive 2006/54/CE ( 6 )

7.

L’article 5 de la directive 2006/54, intitulé «Interdiction de toute discrimination», prévoit les dispositions suivantes en ce qui concerne les régimes professionnels de sécurité sociale ( 7 ):

«Sans préjudice de l’article 4 [ ( 8 )], toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les régimes professionnels de sécurité sociale, en particulier en ce qui concerne:

[…]

c)

le calcul des prestations […] et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations».

8.

L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/54 prévoit ce qui suit:

«Sont à classer au nombre des dispositions contraires au principe de l’égalité de traitement celles qui se fondent sur le sexe, soit directement, soit indirectement, pour:

[…]

h)

fixer des niveaux différents pour les prestations, sauf dans la mesure nécessaire pour tenir compte d’éléments de calcul actuariel qui sont différents pour les deux sexes dans le cas de régimes à cotisations définies; dans le cas de régimes à prestations définies, financées par capitalisation, certains éléments peuvent être inégaux dans la mesure où l’inégalité des montants est due aux conséquences de l’utilisation de facteurs actuariels différents selon le sexe lors de la mise en œuvre du financement du régime;

[…]»

B – Le droit finlandais

9.

Il ressort des observations du gouvernement finlandais que la loi oblige les employeurs finlandais à assurer leurs salariés auprès de compagnies d’assurances privées contre le risque de dommages permanents pour la santé résultant d’accidents du travail.

10.

En cas de sinistre, les prestations d’assurance sont versées soit sous la forme de rente, soit sous la forme d’une indemnisation forfaitaire (ci-après l’«indemnité pour préjudice permanent»). Lorsqu’il s’agit de dommages présentant un degré de gravité moindre, la prestation est obligatoirement versée en une seule fois sous la forme d’une indemnisation forfaitaire ( 9 ).

11.

Le montant de cette indemnité forfaitaire dépend de l’espérance de vie moyenne de la personne lésée. Entrent en ligne de compte à cet égard, d’une part, l’âge et, d’autre part – pour l’estimation de l’espérance de vie résiduelle –, le sexe de la personne lésée. Étant donné que l’on se fonde, pour les hommes, sur une espérance de vie statistiquement plus courte, le droit finlandais a pour effet d’octroyer à une femme se trouvant dans une situation par ailleurs comparable à celle d’un homme une indemnité supérieure à celle dont bénéficierait celui-ci.

III – Faits de l’affaire au principal et questions préjudicielles

12.

En 2005, M. X s’est vu allouer par l’organisme d’assurances compétent, sous la forme d’une somme forfaitaire versée en une seule fois, une indemnité pour préjudice permanent à titre de réparation d’un accident du travail dont il avait été victime en 1991. Une femme dans la même situation aurait obtenu 278,89 euros de plus, uniquement en raison de son sexe et de son espérance de vie statistiquement supérieure ( 10 ).

13.

Un recours de M. X visant à ce que son indemnité pour préjudice permanent soit elle aussi calculée en fonction des critères plus avantageux applicables aux femmes a été rejeté en 2008 par une décision définitive du vakuutusoikeus (tribunal des assurances sociales), statuant en dernière instance dans cette affaire.

14.

Par un recours introduit en 2009, M. X exige désormais de l’État finlandais des dommages et intérêts d’un montant correspondant à la différence entre ces deux sommes, majorée des intérêts de retard.

15.

La juridiction de renvoi a soumis à la Cour les questions préjudicielles suivantes, aux fins d’une décision à titre préjudiciel:

«1)

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant, pour le calcul d’une prestation sociale légale versée en raison d’un accident du travail, l’utilisation, comme facteur actuariel, de la différence d’espérance de vie entre les hommes et les femmes, lorsque l’utilisation de ce facteur conduit à ce que la réparation versée en une seule fois au titre de ladite prestation est inférieure, lorsqu’elle est allouée à un homme, à celle que percevrait une femme du même âge et dans une situation analogue par ailleurs?

2)

En cas de réponse affirmative à cette première question, y a-t-il en l’espèce violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, en tant que condition de la mise en œuvre de la responsabilité de l’État membre, compte tenu notamment du fait que:

la Cour ne s’est pas expressément prononcée, dans sa jurisprudence, sur la licéité d’une prise en compte de facteurs actuariels fondés sur le sexe lors de la détermination de prestations versées au titre d’un régime légal de sécurité sociale et relevant du champ d’application de la directive 79/7;

la Cour a constaté, dans l’arrêt du 1er mars 2011, Association belge des Consommateurs Test-Achats e.a. (C-236/09, Rec. p. I-773), que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 (directive du Conseil, du 13 décembre 2004, mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services), qui autorise la prise en compte de tels facteurs, était invalide, mais tout en précisant qu’il n’en serait ainsi qu’à l’expiration d’une période de transition, et que

le législateur de l’Union, dans les directives 2004/113/CE et 2006/54/CE (directive du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail), a approuvé, sous certaines conditions, la prise en compte de facteurs actuariels fondés sur le sexe lors du calcul des prestations visées par ces directives, laissant ainsi le législateur national supposer que ces facteurs...

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