E. Friz GmbH v Carsten von der Heyden.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:522
Date08 September 2009
Celex Number62008CC0215
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-215/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Verica Trstenjak

présentées le 8 septembre 2009 (1)

Affaire C-215/08

E. Friz GmbH

contre

Carsten von der Heyden

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Directive 85/577/CEE – Protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux – Champ d’application – Adhésion à un fonds immobilier fermé constitué sous forme de société de droit civil (societas) – Renonciation – Effet ex nunc»





Table des matières

I – Introduction

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

B – Droit interne

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

IV – Procédure devant la Cour

V – Arguments des parties

A – Recevabilité

B – Première question préjudicielle

C – Seconde question préjudicielle

VI – Appréciation de l’avocat général

A – Introduction

B – Recevabilité

C – Première question préjudicielle

1. Deux notions fondamentales

a) Fonds immobilier fermé

b) Société de droit civil

2. L’adhésion à un fonds immobilier fermé constitué sous forme de société de droit civil relève-t-elle du champ d’application de la directive 85/577?

a) Conditions d’existence d’un contrat selon la directive 85/577

b) Exceptions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 85/577

i) Contrats relatifs à des biens immobiliers

ii) Contrats relatifs aux valeurs mobilières

3. Champ d’application du HWiG

4. Proposition de réponse à la première question

D – Seconde question préjudicielle

1. Information sur le droit de renonciation?

2. Analyse sur le fond

3. Proposition de réponse à la seconde question

E – Conclusion

VII – Conclusion

I – Introduction

1. La présente affaire, qui a trait à l’interprétation de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (2), soulève deux questions de droit. Elle soulève, d’une part, la question de l’application de la directive 85/577 à l’adhésion à un fonds immobilier fermé, constitué en société de droit civil, et, d’autre part, la question de savoir si les conséquences juridiques qu’emporte le fait de se retirer de ce fonds s’accompagnent d’effets ex tunc ou ex nunc.

2. La particularité de la présente affaire tient au fait qu’il s’agit d’une problématique relevant de deux domaines juridiques: celui du droit de la protection des consommateurs et celui du droit des sociétés. Dans ce cadre, la Cour devra, pour se prononcer, tenir compte des caractéristiques particulières du contrat de société sur la base duquel est constituée la société de droit civil, et juger si la directive 85/577, qui a été élaborée pour les contrats synallagmatiques, s’applique également si un nouvel associé adhère à la société, lequel devient ainsi cocontractant du contrat de société. Parallèlement, les caractéristiques de la société de droit civil, qui repose sur le principe de l’égalité des associés, seront importantes pour apprécier les conséquences d’un retrait de la société, car, au cas où les autres associés sont, eux aussi, des consommateurs au sens de la directive 85/577, il convient de protéger tous les consommateurs, et pas seulement celui qui se retire de la société. Il ne sera donc pas possible dans la présente affaire de suivre aveuglément l’interprétation littérale des dispositions de cette directive, il faudra aussi tenir compte notamment de sa finalité bien que, ce faisant, nous nous éloignions du sens littéral strict de ses dispositions.

3. Sur le fond, la présente affaire s’inscrit dans la problématique plus large de la prise de participation en Allemagne dans des biens immobiliers anciens, connus sous l’expression «Schrottimmobilien» (biens immobiliers de pacotille) (3). L’investissement dans ceux-ci, pour lesquels les Allemands ont opté en raison surtout des avantages fiscaux qu’il procure, n’a souvent pas généré les résultats escomptés, raison pour laquelle les investisseurs ont cherché des possibilités de mettre fin à ces investissements en se prévalant également des directives communautaires en matière de protection des consommateurs. Ainsi, dans les affaires Schulte (4) et Crailsheimer Volksbank (5), la Cour s’est déjà penchée sur cette problématique dans un contexte analogue, mais liée à un autre problème juridique. Dans l’affaire Schulte, elle a expressément dit pour droit que la révocation du contrat que le consommateur avait conclu en dehors des établissements commerciaux du commerçant devait conduire à une remise des choses dans leur état initial (6). Dans la présente affaire, il conviendra donc de vérifier si cela peut également s’appliquer sans restriction au retrait d’un consommateur d’un fonds immobilier fermé constitué sous forme de société de droit civil.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

4. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 85/577:

«La présente directive s’applique aux contrats conclus entre un commerçant fournissant des biens ou des services et un consommateur:

[…]

pendant une visite du commerçant

i) chez le consommateur ou chez un autre consommateur

[…]

lorsque la visite n’a pas lieu à la demande expresse du consommateur»

5. L’article 2 de la directive 85/577 dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

– ‘consommateur’, toute personne physique qui, pour les transactions couvertes par la présente directive, agit pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle,

– ‘commerçant’, toute personne physique ou morale qui, en concluant la transaction en question, agit dans le cadre de son activité commerciale ou professionnelle, ainsi que toute personne qui agit au nom ou pour le compte d’un commerçant.»

6. Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 85/577:

«La présente directive ne s’applique pas:

a) aux contrats relatifs à la construction, à la vente et à la location des biens immobiliers ainsi qu’aux contrats portant sur d’autres droits relatifs à des biens immobiliers. Les contrats relatifs à la livraison de biens et à leur incorporation dans les biens immeubles ou les contrats relatifs à la réparation de biens immobiliers tombent sous le champ d’application de la présente directive;

[…]»

7. Aux termes de l’article 4 de la directive 85/577:

«Le commerçant est tenu d’informer par écrit le consommateur, dans le cas de transactions visées à l’article 1er, de son droit de résilier le contrat au cours des délais définis à l’article 5 ainsi que des nom et adresse d’une personne à l’égard de laquelle il peut exercer ce droit. Cette information est datée et mentionne les éléments permettant d’identifier le contrat. Elle est donnée au consommateur:

a) dans le cas de l’article 1er paragraphe 1, au moment de la conclusion du contrat;

[…]

Les États membres veillent à ce que leur législation nationale prévoie des mesures appropriées visant à protéger le consommateur lorsque l’information visée au présent article n’est pas fournie.»

8. Aux termes de l’article 5 de la directive 85/577:

«Le consommateur a le droit de renoncer aux effets de son engagement en adressant une notification dans un délai d’au moins (7) sept jours à compter du moment où le consommateur a reçu l’information visée à l’article 4 et conformément aux modalités et conditions prescrites par la législation nationale. En ce qui concerne le respect du délai, il suffit que la notification soit expédiée avant l’expiration de celui-ci.

2. La notification faite a pour effet de libérer le consommateur de toute obligation découlant du contrat résilié.»

9. Aux termes de l’article 7 de la directive 85/577:

«Si le consommateur exerce son droit de renonciation, les effets juridiques de la renonciation sont réglés conformément à la législation nationale, notamment en ce qui concerne le remboursement de paiements afférents à des biens ou à des prestations de services ainsi que la restitution de marchandises reçues.»

10. Aux termes de l’article 8 de la directive 85/577:

«La présente directive ne fait pas obstacle à ce que les États membres adoptent ou maintiennent des dispositions encore plus favorables en matière de protection des consommateurs dans le domaine couvert par elle.»

B – Droit interne

11. La directive 85/577 a été transposée en droit allemand par la loi relative à la révocation des contrats conclus par démarchage à domicile et de transactions similaires (Gesetz über den Widerruf von Haustürgeschäften und ähnlichen Geschäften), du 16 janvier 1986 (8) (ci‑après le «HWiG»). Cette loi était déjà en vigueur à l’époque des faits, mais a été abrogée le 1er janvier 2002 par la loi de modernisation du droit des obligations (Gesetz zur Modernisierung des Schuldrechts), du 26 novembre 2001 (9).

12. L’article 1er, paragraphe 1, du HWiG dispose:

«Lorsque le client a été poussé à émettre une déclaration de volonté visant à la conclusion d’un contrat portant sur une prestation à titre onéreux:

1. par des négociations orales à son lieu de travail ou dans la sphère d’un domicile privé,

[…]

cette déclaration de volonté ne prend effet que si le client ne l’a pas révoquée par écrit dans un délai d’une semaine.»

13. L’article 3, paragraphe 1, du HWiG dispose:

«En cas de révocation, chaque partie est tenue de restituer à l’autre partie les prestations reçues. La révocation n’est pas exclue par la détérioration ou la perte de l’objet ou une autre impossibilité de restituer l’objet reçu. Si le client est responsable de la détérioration, de la perte ou de l’autre impossibilité, il est tenu de s’acquitter de la différence de valeur ou de la valeur de l’objet auprès de l’autre partie au contrat.»

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

14. Le 23 juillet 1991, M. Carsten von der Heyden a, sur la base de négociations qui se sont déroulées à son domicile, adhéré à un fonds immobilier fermé...

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