Heiko Koelzsch v État du Grand Duchy of Luxemburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:789
Docket NumberC-29/10
Celex Number62010CC0029
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 December 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK,

présentées le 16 décembre 2010 (1)

Affaire C‑29/10

Heiko Koelzsch

contre

Grand-Duché de Luxembourg

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel (Luxembourg)]

«Convention de Rome du 18 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles – Article 6 – Contrats de travail – Dispositions impératives relatives à la protection des travailleurs – Pays dans lequel le travailleur accomplit habituellement son travail – Travailleur qui exerce son activité dans plusieurs pays – Jurisprudence relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles – Pays où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur – Premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome»





Table des matières

I – Introduction

II – Le cadre juridique

A – La convention de Rome

B – La convention de Bruxelles

C – Le droit de l’Union

1. Le règlement Rome I

2. Le règlement n° 44/2001

D – Le droit national

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V – Arguments des parties

A – Sur la compétence de la Cour

B – Sur la question préjudicielle

VI – Appréciation de Mme l’avocat général

A – Introduction

B – Sur la compétence de la Cour

C – Sur la question de la base juridique pour la responsabilité de l’État dans la présente affaire

D – Analyse de la question préjudicielle

1. Sur la convention de Rome et la protection du travailleur en tant que partie au contrat la plus faible

2. Sur la jurisprudence de la Cour relative à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles

3. Sur la possibilité d’appliquer la jurisprudence relative à la convention de Bruxelles à l’interprétation de la convention de Rome

a) Interprétation littérale

b) Interprétation historique

c) Interprétation systématique

d) Interprétation téléologique

e) Limites de l’interprétation parallèle

4. Critères que le juge national doit prendre en compte

E – Conclusion

VII – Conclusions

I – Introduction

1. La présente affaire concerne l’interprétation de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (ci-après la «convention de Rome») (2). Cette convention a été conclue dans le but d’uniformiser les règles de conflit des États contractants. Elle a accru la sécurité juridique et éliminé l’incertitude quant au droit applicable aux relations contractuelles. La convention de Rome a été remplacée par le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (3) (ci-après le «règlement Rome I») (4). Ce règlement s’applique aux contrats conclus après le 17 décembre 2009 (5). Puisque, dans la présente affaire, le contrat de travail en cause a été conclu en 1998, ce sont les dispositions de la convention de Rome qui s’appliquent à son égard.

2. La Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la «Cour») est appelée, dans la présente affaire, à répondre à une question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 6 de la convention de Rome en liaison avec le droit applicable aux contrats de travail. Cette affaire n’est certes pas la première où la Cour est appelée à interpréter la convention de Rome (6), mais ce sera la première où elle interprétera l’article 6 de cette convention à l’égard du droit applicable aux contrats de travail (7). Dans ce contexte, la Cour devra avant tout examiner si la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32) peut constituer une source d’inspiration pour l’interprétation de l’article 6 de la convention de Rome ou, plus précisément, l’interprétation de la notion de «lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail» contenue dans cet article (8). Elle devra à cette occasion, d’une part, partir du fait que les deux instruments juridiques emploient une terminologie similaire et, d’autre part, tenir compte des limites de l’interprétation parallèle de la convention de Bruxelles et de la convention de Rome.

3. La question préjudicielle dans cette affaire se pose dans le cadre d’un litige opposant M. Koelzsch, un conducteur de transports internationaux domicilié en Allemagne, au Grand-Duché de Luxembourg et concernant une action en dommages-intérêts en raison de la prétendue application erronée des dispositions de la convention de Rome par les juridictions luxembourgeoises. M. Koelzsch soutient dans le cadre de ce litige que c’est le droit allemand et non le droit luxembourgeois qui s’applique à la question de la résiliation du contrat de travail, invoquant à cet égard les dispositions impératives sur la protection des droits des travailleurs contenues en droit allemand. Les juridictions du travail luxembourgeoises ayant appliqué au litige les dispositions du droit luxembourgeois et non du droit allemand, M. Koelzsch a introduit une action en dommages-intérêts contre l’État luxembourgeois fondée sur une allégation de fonctionnement défectueux de ses juridictions.

II – Le cadre juridique

A – La convention de Rome

4. L’article 3 de la convention de Rome, intitulé «Liberté de choix», dispose:

«1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

[…]»

5. Aux termes de l’article 4 de la convention de Rome, intitulé «Loi applicable à défaut de choix»:

«1. Dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays.

[…]»

6. En vertu de l’article 6 de la convention de Rome, intitulé «Contrat individuel de travail»:

«1. Nonobstant les dispositions de l’article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.

2. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi:

a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou

b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur,

à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.»

7. Le premier protocole concernant l’interprétation par la Cour de justice de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (9) (ci-après le «premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome»), dispose en son article 1er:

«La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur l’interprétation:

a) de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 […];

b) des conventions relatives à l’adhésion à la convention de Rome des États qui sont devenus membres des Communautés européennes après la date de son ouverture à la signature;

[…]»

8. L’article 2 du premier protocole concernant l’interprétation de la convention de Rome dispose:

«Toute juridiction visée ci-après a la faculté de demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur une question soulevée dans une affaire pendante devant elle et portant sur l’interprétation des dispositions que comportent les instruments mentionnés à l’article 1er, lorsqu’elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement:

[…]

b) les juridictions des États contractants lorsqu’elles statuent en appel.»

B – La convention de Bruxelles

9. La convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après la «convention de Bruxelles») (10) dispose à l’article 5:

«Le défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant:

1) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée; en matière de contrat individuel de travail, ce lieu est celui où le travailleur accomplit habituellement son travail; lorsque le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, l’employeur peut être également attrait devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur.» (11)

C – Le droit de l’Union (12)

1. Le règlement Rome I

10. Le règlement Rome I dispose au septième considérant:

«Le champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) […]»

11. Aux termes de l’article 3 du règlement...

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