TNT Express Nederland BV v AXA Versicherung AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:50
Docket NumberC-533/08
Celex Number62008CC0533
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 January 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 28 janvier 2010 (1)

Affaire C‑533/08

TNT Express Nederland BV

contre

AXA Versicherung AG

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas)]

«Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions – Règlement (CE) n° 44/2001 – Champ d’application – Conventions des États membres dans des matières particulières – Convention CMR – Litispendance devant une autre juridiction»





I – Introduction

1. La demande du Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) concerne le rapport entre le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (2), d’une part, et la convention sur le contrat de transport international de marchandises par route (CMR) signée le 19 mai 1956 à Genève (3), d’autre part.

2. L’article 71 du règlement n° 44/2001 permet de continuer à appliquer, dans des circonstances déterminées, les conventions internationales des États membres qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l’exécution des décisions. La juridiction de renvoi souhaite que la Cour fasse la lumière sur le rapport qui existe entre certaines dispositions de la CMR et du règlement. Il faudra, pour cela, se demander si la Cour est compétente à interpréter la CMR et, le cas échéant, comment il convient d’interpréter les dispositions de l’article 31 de celle-ci relatives à la litispendance et à l’exécution des décisions étrangères.

II – Le cadre juridique (4)

A – CMR

3. La CMR fixe des règles particulières en matière de contrats de transport international de marchandises par route et contient aussi bien des dispositions de droit matériel que des règles de procédure. Elle avait déjà été reconnue comme convention particulière au sens de la réglementation qui a précédé l’article 71 du règlement n° 44/2001, à savoir la convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (5), lorsque celle-ci était toujours en vigueur (6). Elle a entre‑temps été ratifiée par tous les États membres.

4. L’article 31 de la CMR dispose ce qui suit:

«1. Pour tous litiges auxquels donnent lieu les transports soumis à la présente Convention, le demandeur peut saisir, en dehors des juridictions des pays contractants désignées d’un commun accord par les parties, les juridictions du pays sur le territoire duquel:

a) le défendeur a sa résidence habituelle, son siège principal ou la succursale ou l’agence par l’intermédiaire de laquelle le contrat de transport a été conclu, ou

b) le lieu de la prise en charge de la marchandise ou celui prévu pour la livraison est situé,

et ne peut saisir que ces juridictions.

2. Lorsque dans un litige visé au paragraphe [1] du présent article une action est en instance devant une juridiction compétente aux termes de ce paragraphe, ou lorsque dans un tel litige un jugement a été prononcé par une telle juridiction, il ne peut être intenté aucune nouvelle action pour la même cause entre les mêmes parties à moins que la décision de la juridiction devant laquelle la première action a été intentée ne soit pas susceptible d’être exécutée dans le pays où la nouvelle action est intentée.

3. Lorsque dans un litige visé au paragraphe 1 du présent article un jugement rendu par une juridiction d’un pays contractant est devenu exécutoire dans ce pays, il devient également exécutoire dans chacun des autres pays contractants aussitôt après accomplissement des formalités prescrites à cet effet dans le pays intéressé. Ces formalités ne peuvent comporter aucune révision de l’affaire.

4. Les dispositions du paragraphe 3 du présent article s’appliquent aux jugements contradictoires, aux jugements par défaut et aux transactions judiciaires mais ne s’appliquent ni aux jugements qui ne sont exécutoires que par provision, ni aux condamnations en dommages et intérêts qui seraient prononcées en sus des dépens contre un demandeur en raison du rejet total ou partiel de sa demande.

[…]»

5. La compétence d’interprétation de la CMR est réglée à son article 47, qui est rédigé dans les termes suivants:

«Tout différend entre deux ou plusieurs Parties contractantes touchant l’interprétation ou l’application de la présente Convention que les Parties n’auraient pu régler par voie de négociations ou par un autre mode de règlement pourra être porté, à la requête d’une quelconque des Parties contractantes intéressées, devant la Cour internationale de Justice, pour être tranché par elle.»

B – Droit de l’Union européenne

6. L’article 351, paragraphes 1 et 2, TFUE (ancien article 307 CE) dispose ce qui suit:

«Les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les États adhérents, antérieurement à la date de leur adhésion, entre un ou plusieurs États membres, d’une part, et un ou plusieurs États tiers, d’autre part, ne sont pas affectés par les dispositions du présent traité.

Dans la mesure où ces conventions ne sont pas compatibles avec le présent traité, le ou les États membres en cause recourent à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités constatées. En cas de besoin, les États membres se prêtent une assistance mutuelle en vue d’arriver à cette fin et adoptent le cas échéant une attitude commune.»

7. Les seizième, dix-septième et vingt-cinquième considérants du règlement n° 44/2001 exposent ce qui suit:

«(16) La confiance réciproque dans la justice au sein de la Communauté justifie que les décisions rendues dans un État membre soient reconnues de plein droit, sans qu’il soit nécessaire, sauf en cas de contestation, de recourir à aucune procédure.

(17) Cette même confiance réciproque justifie que la procédure visant à rendre exécutoire, dans un État membre, une décision rendue dans un autre État membre soit efficace et rapide. À cette fin, la déclaration relative à la force exécutoire d’une décision devrait être délivrée de manière quasi automatique, après un simple contrôle formel des documents fournis, sans qu’il soit possible pour la juridiction de soulever d’office un des motifs de non-exécution prévus par le présent règlement.

[…]

(25) Le respect des engagements internationaux souscrits par les États membres justifie que le présent règlement n’affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui portent sur des matières spéciales.»

8. L’article 27 du règlement n° 44/2001 énonce les règles de litispendance qui s’appliquent lorsque des juridictions de plusieurs États membres ont été saisies de demandes ayant le même objet et la même cause:

«1. Lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.

2. Lorsque la compétence du tribunal premier saisi est établie, le tribunal saisi en second lieu se dessaisit en faveur de celui-ci.»

9. L’article 34 du règlement n° 44/2001 permet de refuser la reconnaissance d’une décision étrangère dans les cas suivants:

«Une décision n’est pas reconnue si:

1) la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis;

[…]

3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l’État membre requis;

[…]»

10. L’article 35 du règlement n° 44/2001 ajoute d’autres motifs de refus. Son paragraphe 3 dispose que:

«Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine. Le critère de l’ordre public visé à l’article 34, point 1, ne peut être appliqué aux règles de compétence.»

11. L’article 45, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 dispose que la juridiction saisie d’un recours prévu à l’article 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l’un des motifs précités.

12. L’article 71 règle le rapport entre le règlement n° 44/2001 et les conventions des États membres de la manière suivante:

«1. Le présent règlement n’affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l’exécution des décisions.

2. En vue d’assurer son interprétation uniforme, le paragraphe 1 est appliqué de la manière suivante:

a) le présent règlement ne fait pas obstacle à ce qu’un tribunal d’un État membre, partie à une convention relative à une matière particulière, puisse fonder sa compétence sur une telle convention, même si le défendeur est domicilié sur le territoire d’un État membre non partie à une telle convention. Le tribunal saisi applique, en tout cas, l’article 26 du présent règlement;

b) les décisions rendues dans un État membre par un tribunal ayant fondé sa compétence sur une convention relative à une matière particulière sont reconnues et exécutées dans les autres États membres conformément au présent règlement.

Si une convention relative à une matière particulière et à laquelle sont parties l’État membre d’origine et l’État membre requis détermine les conditions de reconnaissance et d’exécution des décisions, il est fait application de ces conditions. Il peut, en tout cas, être fait application des dispositions du présent règlement qui concernent la procédure relative à la reconnaissance et à l’exécution des décisions.»

III – Les faits et les questions préjudicielles

13. Au mois d’avril 2001, Siemens Nederland NV (ci-après «Siemens») et TNT Express Nederland BV (ci-après «TNT») ont conclu un contrat pour le transport de marchandises d’une valeur de 103 540 DEM et d’un poids de...

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