Sari Kiiski v Tampereen kaupunki.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:170
Date15 March 2007
Celex Number62006CC0116
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-116/06

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 15 mars 2007 (1)

Affaire C‑116/06

Sari Kiiski

contre

Tampereen kaupunki

[demande de décision préjudicielle formée par le Tampereen käräjäoikeus (Finlande)]

«Égalité de traitement entre hommes et femmes – Conditions d’emploi – Protection des travailleuses enceintes – Congé parental, congé parental d’éducation – Modification de la durée d’un congé parental d’éducation déjà accordé en raison d’une nouvelle grossesse – Directives 76/207/CEE, 92/85/CEE et 96/34/CE»





I – Introduction

1. La présente affaire offre l’occasion de continuer à préciser le statut juridique des travailleuses enceintes en droit communautaire.

2. Un congé parental d’éducation a été accordé, sur sa demande, à un professeur finlandais, Mme Sari Kiiski, pour lui permettre de s’occuper de son premier enfant (2). Dès avant le début de son congé parental d’éducation, Mme Kiiski a toutefois appris qu’elle était de nouveau enceinte. Elle a envisagé par conséquent d’organiser la prise en charge de son enfant selon des modalités différentes de celles qu’elle avait prévues à l’origine et demandé à pouvoir écourter la durée du congé d’éducation qui lui avait déjà été accordé. Son employeur a cependant refusé de faire droit à cette demande, au motif qu’une modification de la durée d’un congé parental d’éducation, une fois que celui-ci a été accordé, n’était possible que pour un motif légitime et que la nouvelle grossesse ne constituait pas un tel motif. Une demande ultérieure, introduite par Mme Kiiski alors qu’elle se trouvait déjà en congé parental d’éducation et visant à obtenir qu’il soit mis fin au congé en cause et que lui soit accordé un congé de maternité, a été également refusée pour le même motif.

3. Dans ce contexte, Mme Kiiski se sent discriminée en raison de son sexe et lésée dans ses droits en tant que travailleuse enceinte. En substance, elle exige, en excipant de sa grossesse, un traitement différent de celui accordé aux autres travailleurs, indépendamment de leur sexe.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. Le cadre de la présente affaire en droit communautaire est constitué, d’une part, par la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (3), dans la version de la directive 2002/73/CE (4), et, d’autre part, par la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (5). Il faut mentionner également la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (6).

5. Selon l’article 2 de la directive 76/207, dans sa version modifiée par la directive 2002/73:

«1. Le principe de l’égalité de traitement au sens des dispositions ci-après implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial.

2. Aux fins de la présente directive, on entend par:

– discrimination directe’: la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable,

– ‘discrimination indirecte’: la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires,

[...]

7. La présente directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité.

Une femme en congé de maternité a le droit, au terme de ce congé, de retrouver son emploi ou un emploi équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elle aurait eu droit durant son absence.

Tout traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive 92/85/CEE constitue une discrimination au sens de la présente directive.

La présente directive s’entend également sans préjudice des dispositions de la directive 96/34/CE […] et de la directive 92/85/CEE […]»

6. L’article 8 de la directive 92/85 est rédigé comme suit:

«Congé de maternité

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les travailleuses au sens de l’article 2 bénéficient d’un congé de maternité d’au moins quatorze semaines continues, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.

2. Le congé de maternité visé au paragraphe 1 doit inclure un congé de maternité obligatoire d’au moins deux semaines, réparties avant et/ou après l’accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.»

7. L’article 11 de la directive 92/85 dispose (extraits):

«Droits liés au contrat de travail

En vue de garantir aux travailleuses, au sens de l’article 2, l’exercice des droits de protection de leur sécurité et de leur santé reconnus dans le présent article, il est prévu que:

[…]

2) dans le cas visé à l’article 8, doivent être assurés:

a) les droits liés au contrat de travail des travailleuses au sens de l’article 2, autres que ceux visés au point b);

b) le maintien d’une rémunération et/ou le bénéfice d’une prestation adéquate des travailleuses au sens de l’article 2;

3) la prestation visée au point 2 b) est jugée adéquate lorsqu’elle assure des revenus au moins équivalents à ceux que recevrait la travailleuse concernée dans le cas d’une interruption de ses activités pour des raisons liées à son état de santé, dans la limite d’un plafond éventuel déterminé par les législations nationales;

4) les États membres ont la faculté de soumettre le droit à la rémunération ou à la prestation visée au point 1 et au point 2 b) à la condition que la travailleuse concernée remplisse les conditions d’ouverture du droit à ces avantages prévues par les législations nationales.

Ces conditions ne peuvent en aucun cas prévoir des périodes de travail préalable supérieures à douze mois immédiatement avant la date présumée de l’accouchement.»

8. L’accord-cadre sur le congé parental joint à la directive 96/34 comporte, dans ses considérations générales, au paragraphe 6, l’indication suivante:

«Les mesures pour concilier la vie professionnelle et familiale devraient encourager l’introduction de nouveaux modes flexibles d’organisation du travail et du temps, plus adaptés aux besoins changeants de la société et qui devraient prendre en compte à la fois les besoins des entreprises et ceux des travailleurs.»

9. Selon l’article 2, paragraphe 3, de l’accord-cadre sur le congé parental, les conditions d’accès et les modalités d’application du congé parental sont définies par la loi et/ou les conventions collectives dans les États membres, dans le respect des prescriptions minimales du présent accord. Les États membres et/ou les partenaires sociaux peuvent notamment, conformément à l’article précité, sous e),

«définir les circonstances dans lesquelles l’employeur, après consultation conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales, est autorisé à reporter l’octroi du congé parental pour des raisons justifiables liées au fonctionnement de l’entreprise (par exemple lorsque le travail est de nature saisonnière, lorsqu’un remplaçant ne peut être trouvé pendant la période de notification, lorsqu’une proportion significative de la main-d’oeuvre demande le congé parental en même temps, lorsqu’une fonction particulière est d’une importance stratégique) […]»

10. En outre, la clause 2, paragraphe 7, de l’accord-cadre sur le congé parental comporte la règle suivante:

«Les États membres et/ou les partenaires sociaux définissent le régime du contrat ou de la relation de travail pour la période du congé parental.»

B – Le droit national

11. Aux termes de l’article 29 de la loi finlandaise relative aux fonctionnaires communaux (7), les fonctionnaires concernés ont droit à un congé parental d’éducation, comme cela est prévu par le chapitre 4, articles 1 à 8 de la loi finlandaise relative au contrat de travail (8).

12. La convention collective communale (9) régissant les conditions de travail des fonctionnaires des communes en 2003/2004, applicable dans la ville de Tampere (ci-après la «convention collective»), renvoie, en ce qui concerne le congé parental, à la loi relative au contrat de travail. En outre, en application du chapitre V, articles 11 et 12, de ladite convention collective, le fonctionnaire a le droit, pour un motif imprévisible et légitime, d’obtenir, sur demande, une modification de la date et de la durée du congé parental d’éducation qui lui a été accordé. Sont considérés comme motifs légitimes tous changements imprévisibles et essentiels dans les possibilités pratiques de s’occuper d’un enfant, changements que le fonctionnaire n’a pu prendre en compte au moment où il a demandé un congé parental (10).

13. D’après les circulaires d’application de la convention collective précitée, le fait que l’enfant ou l’autre parent tombe gravement malade ou décède et le divorce figurent par exemple parmi les motifs légitimes. En revanche, ne sont pas en général des motifs légitimes un déménagement dans une autre localité, une nouvelle relation de travail ou un nouvel état de grossesse. S’il est mis fin au congé parental d’éducation, le...

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