Opinion of Advocate General Wahl delivered on 7 April 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:212
CourtCourt of Justice (European Union)
Date07 April 2016
Celex Number62014CC0455
Procedure TypeRecurso de anulación
62014CC0455

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 7 avril 2016 ( *1 )

Affaire C‑455/14 P

H

contre

Conseil de l’Union européenne

et

Commission européenne

«Pourvoi — Politique étrangère et de sécurité commune (PESC)– Expert national détaché à la Mission de police de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine — Décision de réaffectation — Article 24, paragraphe 1, TUEArticle 275 TFUE — Compétence de la Cour de justice de l’Union européenne — Compétences des juridictions nationales — Catégories d’actes relevant de la PESC — Notion de “mesures restrictives”»

1.

Le traité de Lisbonne a abandonné la structure de l’Union européenne fondée sur trois piliers et a intégré les dispositions sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) dans le cadre général de l’Union. Cela n’a cependant pas conduit à une « communautarisation » complète de la PESC puisque cette politique demeure « soumise à des règles et procédures spécifiques» ( *2 ).

2.

L’une des caractéristiques notables du cadre spécial conçu par les rédacteurs des traités pour la PESC est le caractère limité des compétences accordées à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), en sa qualité d’institution de l’Union, dans ce domaine. On peut affirmer sans grand risque de se tromper qu’en dépit de l’extension relative de ses compétences, l’exercice par la CJUE du contrôle juridictionnel des matières relevant de la PESC ne se manifeste que dans des circonstances exceptionnelles. Pourtant, les contours précis de cette compétence ne sont pas totalement clairs.

3.

La présente affaire offre à la Cour de justice (ci-après la « Cour ») l’une des premières occasions de déterminer l’étendue de sa compétence en ce qui concerne la PESC. La question décisive dans cette procédure est en fait celle de savoir si le Tribunal de l’Union européenne était compétent pour connaître d’un recours en annulation visant des décisions adoptées par le chef d’une mission de l’Union établie en vertu de la PESC. La complexité et le caractère sensible de la question en cause sont également illustrés par le fait que les positions défendues par les trois parties à cette procédure divergent fortement les unes des autres. Il est intéressant de noter que toutes ces parties estiment que les motifs avancés dans l’ordonnance attaquée sont erronés, bien que pour des raisons différentes.

I – Le cadre juridique

4.

La Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie‑Herzégovine a été mise en place pour la première fois par l’action commune du Conseil 2002/210/PESC, du 11 mars 2002, relative à la Mission de police de l’Union européenne ( *3 ), pour une période d’un an, et a été par la suite prorogée plusieurs fois, dernièrement par la décision 2009/906/PESC du Conseil, du 8 décembre 2009, concernant la MPUE en Bosnie-Herzégovine ( *4 ). Les dispositions pertinentes de la décision 2009/906 sont les suivantes.

5.

Aux termes de l’article 5 de la décision 2009/906, intitulé « Commandant d’opération civil » :

« 1.

Le directeur de la capacité civile de planification et de conduite (CPCC) est le commandant d’opération civil de la MPUE.

2.

Le commandant d’opération civil, sous le contrôle politique et la direction stratégique du Comité politique et de sécurité (COPS) et sous l’autorité générale du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité […], exerce le commandement et le contrôle de la MPUE au niveau stratégique.

3.

Le commandant d’opération civil veille à la mise en œuvre adéquate et effective des décisions du Conseil ainsi que de celles du COPS, y compris en donnant s’il y a lieu des instructions au niveau stratégique au chef de la mission, ainsi qu’en le conseillant et en lui apportant un appui technique.

4.

L’ensemble du personnel détaché reste sous le commandement intégral des autorités nationales de l’État d’origine ou de l’institution de l’Union européenne concernée. Les autorités nationales transfèrent le contrôle opérationnel (OPCON) de leurs effectifs, équipes et unités au commandant d’opération civil. »

6.

L’article 6, intitulé « Chef de la mission », dispose ce qui suit :

« 1.

Le chef de la mission est responsable de la MPUE sur le théâtre des opérations et en exerce le commandement et le contrôle.

2.

Le chef de la mission exerce le commandement et le contrôle des effectifs, des équipes et des unités fournis par les États contributeurs et affectés par le commandant d’opération civil, ainsi que la responsabilité administrative et logistique, y compris en ce qui concerne les moyens, les ressources et les informations mis à la disposition de la MPUE.

3.

Le chef de la mission donne des instructions à l’ensemble du personnel de la MPUE afin que celle-ci soit menée d’une façon efficace sur le théâtre [des opérations], en assurant sa coordination et sa gestion au quotidien, et conformément aux instructions données au niveau stratégique par le commandant d’opération civil.

[…]

5.

Le chef de la mission est responsable des questions de discipline touchant le personnel. Pour le personnel détaché, les actions disciplinaires sont du ressort de l’autorité nationale ou de l’autorité de l’Union européenne concernée.

[…] »

7.

L’article 7, paragraphe 2, de la décision 2009/906, dans sa partie pertinente, dispose que « [l]e personnel de la MPUE consiste essentiellement en agents détachés par les États membres ou les institutions de l’Union européenne ».

8.

En vertu de l’article 8, paragraphe 2, intitulé « Statut de la mission et du personnel de la MPUE » :

« Il appartient à l’État ou à l’institution de l’Union européenne ayant détaché un agent de répondre à toute plainte liée au détachement, qu’elle émane de cet agent ou qu’elle le concerne. Il appartient à l’État ou à l’institution de l’Union européenne en question d’intenter toute action contre l’agent détaché ».

9.

L’article 9, intitulé « Chaîne de commandement », dispose ce qui suit :

« 1.

La MPUE possède une chaîne de commandement unifiée, dans la mesure où il s’agit d’une opération de gestion de crise.

2.

Le COPS exerce, sous la responsabilité du Conseil, le contrôle politique et la direction stratégique de la MPUE.

3.

Le commandant d’opération civil, sous le contrôle politique et la direction stratégique du COPS et sous l’autorité générale du [haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité], est le commandant au niveau stratégique de la MPUE ; en cette qualité, il donne des instructions au chef de la mission, auquel il fournit par ailleurs des conseils et un appui technique.

4.

Le commandant d’opération civil rend compte au Conseil par l’intermédiaire du [haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité].

5.

Le chef de la mission exerce le commandement et le contrôle de la MPUE sur le théâtre des opérations et relève directement du commandant d’opération civil. »

10.

Enfin, aux termes de l’article 10 de la décision 2009/806, intitulé « Contrôle politique et direction stratégique » :

« 1.

Le COPS exerce, sous la responsabilité du Conseil, le contrôle politique et la direction stratégique de la MPUE. Le Conseil autorise le COPS à prendre les décisions appropriées à cet effet, conformément à l’article 38, troisième alinéa, du traité [UE]. […] Le Conseil reste investi du pouvoir de décision en ce qui concerne les objectifs et la fin de la MPUE.

2.

Le COPS rend compte au Conseil à intervalles réguliers.

3.

Le COPS reçoit régulièrement, et en tant que de besoin, du commandant d’opération civil et du chef de la mission des rapports sur les questions qui sont de leur ressort. »

II – Les antécédents du litige

11.

La requérante dans la présente affaire, H, est une magistrate italienne qui a été détachée auprès de la MPUE à Sarajevo (Bosnie‑Herzégovine) par décret du ministre de la Justice italien du 16 octobre 2008, afin d’y exercer les fonctions de criminal justice unit adviser à compter du 14 novembre 2008. Son détachement a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2009 afin qu’elle exerce les fonctions de chief legal officer, puis prorogé une nouvelle fois jusqu’au 31 décembre 2010.

12.

Par décision du 7 avril 2010, signée par le chef du personnel de la MPUE, la requérante a été réaffectée pour des raisons opérationnelles au poste de « criminal justice advisor – prosecutor» au bureau régional de Banja Luka (Bosnie‑Herzégovine) à compter du 19 avril 2010.

13.

Après avoir reçu la décision du 7 avril 2010, la requérante a introduit une plainte auprès des autorités italiennes, estimant que la décision était illégale pour diverses raisons. Par un courrier électronique du 15 avril 2010, un fonctionnaire de la représentation permanente de la République italienne auprès de l’Union européenne a fait savoir à la requérante que la décision du 7 avril 2010 avait été suspendue.

14.

Par décision du 30 avril 2010, le chef de la mission a répondu à la plainte de la requérante et a confirmé la décision du 7 avril 2010 en précisant qu’il l’avait adoptée lui-même en raison de la nécessité de disposer de conseils en matière pénale au bureau de Banja Luka (Bosnie-Herzégovine).

15.

Le 4 juin 2010, la requérante a saisi le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) d’un recours contre...

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