Criminal proceedings against Jozef Grundza.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:622
Docket NumberC-289/15
Celex Number62015CC0289
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 July 2016
62015CC0289

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 28 juillet 2016 ( 1 )

Affaire C‑289/15

Jozef Grundza

[demande de décision préjudicielle

formée par le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov, Slovaquie)]

«Coopération judiciaire en matière pénale — Décision-cadre 2008/909/JAI — Ressortissant de l’État d’exécution condamné dans l’État d’émission pour non-respect d’une décision officielle — Condition de la double incrimination»

I – Introduction

1.

M. Jozef Grundza est un ressortissant slovaque. Il a été intercepté au volant d’une voiture dans les rues de Prague (République tchèque) en violation d’une décision antérieure d’une autorité administrative tchèque lui interdisant de conduire des véhicules à moteur. Par la suite, il a été condamné par une juridiction tchèque à quinze mois de prison pour, entre autres, « avoir fait obstruction à l’exécution d’une décision officielle ».

2.

Sur la base de la décision-cadre 2008/909/JAI ( 2 ), l’autorité judiciaire tchèque compétente a demandé que le jugement rendu contre M. Grundza soit reconnu et que sa peine soit exécutée en Slovaquie. Toutefois, la juridiction slovaque saisie de cette demande a des doutes sur le point de savoir si la condition de la double incrimination est satisfaite en l’espèce, étant donné que la décision qui a fait l’objet d’une obstruction a été adoptée par une autorité tchèque, et non par une autorité slovaque.

3.

La présente affaire invite la Cour à interpréter la condition de la double incrimination dans le contexte de l’article 7, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/909. Quels éléments sont pertinents et à quel degré d’abstraction ces éléments doivent-ils être pris en considération pour que soit satisfaite la condition de la double incrimination ?

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

Aux termes de son article 3, paragraphe 1, la décision-cadre 2008/909 « vise à fixer les règles permettant à un État membre, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée, de reconnaître un jugement et d’exécuter la condamnation ».

5.

L’article 7, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909 contient une liste de 32 infractions pour lesquelles la condition de la double incrimination ne doit pas être contrôlée aux fins de la reconnaissance d’un jugement ou de l’exécution d’une condamnation.

6.

L’article 7, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/909 prévoit que « pour les infractions autres que celles qui sont visées au paragraphe 1, l’État d’exécution peut subordonner la reconnaissance du jugement et l’exécution de la condamnation à la condition que les faits sur lesquels porte le jugement constituent une infraction également selon son droit, quels que soient les éléments constitutifs ou la qualification de celle-ci ».

7.

L’article 9, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909 contient une liste de motifs de non-reconnaissance d’un jugement ou de non‑exécution d’une condamnation. Est pertinent pour la présente affaire le motif énuméré au point d) de cette disposition, aux termes duquel l’autorité compétente de l’État d’exécution peut refuser de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation si « dans les cas visés à l’article 7, paragraphe 3, […] le jugement concerne des faits qui ne constitueraient pas une infraction selon le droit de l’État d’exécution. Toutefois, en matière de taxes et d’impôts, de douane et de change, l’exécution d’un jugement ne peut être refusée au motif que le droit de l’État d’exécution n’impose pas le même type de taxes ou d’impôts ou ne contient pas le même type de réglementation en matière de taxes, d’impôts, de douane et de change que le droit de l’État d’émission ».

B – Le droit slovaque

8.

La décision-cadre 2008/909 a été transposée par la République slovaque par la zákon o uznávaní a výkone rozhodnutí, ktorými sa ukladá trestná sankcja spojená s odňatím slobody v Európskej Únii (loi no 549/2011 relative à la reconnaissance et à l’exécution des décisions prononçant des sanctions pénales privatives de liberté dans l’Union européenne, ci-après la « loi no 549/2011 »). À l’occasion de la transposition de l’article 7, paragraphe 3, de la décision-cadre 2008/909, la République slovaque a choisi de maintenir la condition de la double incrimination pour les infractions couvertes par cette disposition.

9.

Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la loi no 549/2011, il est en principe possible de reconnaître et d’exécuter un jugement en République slovaque si l’acte pour lequel le jugement a été rendu constitue également une infraction au regard du droit slovaque. Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, sous b), de la loi no 549/2011, « le juge refuse de reconnaître et d’exécuter la décision si le fait pour lequel a été adoptée la décision ne constitue pas une infraction selon l’ordre juridique de la République slovaque […] ».

10.

Tant le droit slovaque que le droit tchèque prévoient une infraction consistant à faire obstruction à l’exécution d’une décision officielle. La définition de cette infraction est pratiquement identique dans les deux ordres juridiques.

11.

Aux termes de l’article 337, paragraphe 1, sous a), du Trestní zákoník (code pénal, République tchèque), « toute personne qui fait obstruction à l’exécution d’une décision judiciaire ou d’un autre organe de l’autorité publique, ou qui rend celle-ci sensiblement plus difficile, en ce qu’elle exerce une activité qui lui a été interdite par cette décision ou pour laquelle lui a été retirée l’habilitation correspondante en application d’une autre disposition juridique ou pour laquelle elle a perdu l’habilitation correspondante, est passible d’une peine privative de liberté allant jusqu’à deux ans ».

12.

Aux termes de l’article 348, paragraphe 1, sous d), du Trestný zákon (code pénal, Slovaquie), « toute personne qui fait obstruction à l’exécution d’une décision judiciaire ou d’un autre organe de l’autorité publique, ou qui rend celle-ci sensiblement plus difficile, en ce qu’elle exerce une activité qui lui a été interdite par cette décision, est passible d’une peine privative de liberté allant jusqu’à deux ans ».

13.

La condition de la double incrimination a déjà été examinée dans deux décisions du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), qui sont toutes deux citées dans la décision de renvoi. Ces deux décisions concernaient le transfert de personnes condamnées et l’application de la condition de la double incrimination dans des circonstances factuellement similaires – la reconnaissance en Slovaquie d’une condamnation prononcée en République tchèque pour obstruction à l’exécution d’une décision officielle. Toutefois, ces décisions ont été rendues non pas dans le contexte particulier de la décision-cadre 2008/909, mais plutôt sous l’empire du régime légal antérieur, applicable à l’époque des faits.

14.

En 2010, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a déclaré que la condition de la double incrimination n’était pas satisfaite pour l’infraction en cause dans cette affaire, à savoir l’obstruction à l’exécution d’une décision officielle. La raison résidait dans ce que l’on appelle une analyse in concreto de la double incrimination, qui a conduit le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) à conclure que l’un des éléments de l’infraction pénale faisait défaut au regard du droit slovaque : le jugement tchèque qui devait être reconnu ne portait pas sur une décision adoptée par une autorité slovaque ( 3 ).

15.

Par la suite, toutefois, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a adopté une approche différente. Il a conclu, dans une autre affaire, que l’analyse in concreto de la double incrimination avait en fait établi l’existence d’une infraction d’obstruction à l’exécution d’une décision officielle. Le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a considéré que l’intérêt protégé de la République tchèque qui avait été affecté par l’obstruction à l’exécution de la décision officielle tchèque devait être considéré par analogie comme s’il s’agissait d’un intérêt de l’État slovaque. En d’autres termes, le fait que l’infraction pénale concerne non pas une décision officielle adoptée par l’autorité slovaque, mais une décision officielle d’une autorité tchèque, ne s’opposait pas à la conclusion que la condition de la double incrimination avait été satisfaite ( 4 ).

III – Les faits, la procédure nationale et la question préjudicielle déférée

16.

Le 12 février 2014, l’autorité municipale de Přerov (République tchèque) a imposé à M. Grundza une interdiction de conduire des véhicules à moteur. Le 9 mars 2014, M. Grundza a commis un vol en République tchèque. Le 9 août 2014, M. Grundza conduisait un véhicule à moteur à Prague et a été intercepté. Le 28 août 2014, il a été reconnu coupable de l’infraction d’obstruction à l’exécution d’une décision officielle. Finalement, le 3 octobre 2014, une condamnation cumulative ( 5 ) à quinze mois de privation de liberté a été prononcée à son encontre pour vol et obstruction à l’exécution d’une décision officielle.

17.

Par la suite, l’autorité judiciaire tchèque compétente a demandé, en application de la décision-cadre 2008/909, que le jugement prononcé à l’encontre de M. Grundza soit reconnu et que la condamnation soit exécutée en Slovaquie.

18.

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