Spector Photo Group NV and Chris Van Raemdonck v Commissie voor het Bank-, Financie- en Assurantiewezen (CBFA).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:534
Date10 September 2009
Celex Number62008CC0045
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-45/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 10 septembre 2009 (1)

Affaire C‑45/08

Spector Photo Group NV

Chris Van Raemdonck

contre

Commissie voor het Bank-, Financie- en Assurantiewezen (CBFA)

[demande de décision préjudicielle formée par le hof van beroep te Brussel (Belgique)]

«Opérations d’initiés – Utilisation d’informations privilégiées – Directive 2003/6/CE»





I – Introduction

1. La présente demande de décision à titre préjudiciel a pour objet l’interdiction des opérations d’initiés au sens de la directive 2003/6/CE, sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (2). Cette directive interdit d’utiliser des informations privilégiées dans les opérations portant sur des instruments financiers. La question centrale posée par la juridiction de renvoi est celle de savoir si l’on est en présence d’une opération d’initié du simple fait que le détenteur d’une information privilégiée a agi en connaissance de cette information.

II – Cadre juridique

A – Le droit communautaire

2. L’article 2, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2003/6 dispose:

«Les États membres interdisent à toute personne visée au deuxième alinéa qui détient une information privilégiée d’utiliser cette information en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son compte propre ou pour le compte d’autrui, soit directement, soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information.»

3. L’article 2, paragraphe 1, de la précédente directive 89/592/CEE (3) disposait:

«Chaque État membre interdit aux personnes qui […] disposent d’une information privilégiée, d’acquérir ou de céder pour compte propre ou pour compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les valeurs mobilières de l’émetteur ou des émetteurs concernés par cette information, en exploitant en connaissance de cause cette information privilégiée.»

B – Le droit national

4. Les dispositions du droit belge concernant les opérations d’initiés se trouvent dans la loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (ci-après la «loi sur la surveillance du secteur financier»).

5. L’article 25 de la loi sur la surveillance du secteur financier, dans sa version résultant de la loi du 2 août 2002, applicable à des faits commis entre le 1er juin et le 31 décembre 2003 (ci-après l’«article 25, ancienne version») disposait:

«Il est interdit à toute personne qui dispose d’une information privilégiée d’utiliser cette information en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son compte propre ou pour le compte d’autrui, directement ou indirectement, les instruments financiers sur lesquels porte l’information ou des instruments financiers connexes [...]»

6. La version de l’article 25 en vigueur depuis le 1er janvier 2004, introduite par la loi du 22 décembre 2003 (ci-après l’«article 25, nouvelle version»), dispose:

«Il est interdit à toute personne qui dispose d’une information privilégiée dont elle savait ou devrait savoir qu’elle a un caractère privilégié:

a) d’acquérir ou de céder ou de tenter d’acquérir ou de céder, pour son compte propre ou pour le compte d’autrui, directement ou indirectement, les instruments financiers sur lesquels porte l’information ou des instruments financiers connexes [...]».

III – Faits et questions préjudicielles

7. Spector Photo Group NV (ci-après «Spector») est une entreprise cotée en Bourse. En 1999, elle a adopté un programme d’options sur actions pour ses propres employés ainsi que pour ceux des entreprises qui lui sont liées.

8. Le 21 mai 2003, conformément à la loi, Spector a informé la Bourse Euronext Brussels de son intention d’acheter des actions propres, en exécution de son programme d’option sur actions. Ensuite, dans la période du 28 mai au 30 août 2003, Spector a effectivement acheté, au total, 27 773 actions. L’achat s’est opéré moyennant six ordres: cinq ordres pour 2 000 actions, qui ont été intégralement exécutés, et un ordre pour 18 000 actions, qui a été exécuté à hauteur de 17 773 actions.

9. D’après l’ordonnance de renvoi, le comité de direction de la Commission bancaire, financière et de l’assurance (Commissie voor het Bank-, Financie- en Assurantiewezen, ci-après le «CBFA») a alors chargé l’auditeur interne d’une enquête relative à l’abus d’information privilégiée concernant deux achats d’actions qui avaient été effectués pour le compte de Spector: un ordre du 11 août, portant sur 2 000 actions et un ordre du 13 août, portant sur 18 000 actions.

10. Les ordres litigieux avaient été placés par M. Chris Van Raemdonck, pour le compte de Spector (4).

11. L’auditeur a constaté que, à partir du 13 août 2003, le programme d’achat a été modifié a posteriori, tant en ce qui concerne le nombre d’actions qu’en ce qui concerne les limites de prix et que les achats ont, en outre, pris un caractère urgent sans qu’une justification ait pu être avancée. L’auditeur a vu en cela une opération d’initié interdite. Il a relevé que Spector et Van Raemdonck auraient pressenti que, après que le public eut été informé des données sur le chiffre d’affaires et de l’intention de Spector de racheter une autre entreprise, le cours de l’action monterait. Ils seraient donc tous deux partis du principe qu’après la divulgation de ces informations il aurait fallu payer un prix plus élevé, ce qui aurait entraîné un désavantage financier pour Spector. Après la divulgation des données sur le chiffre d’affaires, le cours aurait en effet grimpé de 8 %. Les indications contenues dans l’ordonnance de renvoi ne permettent pas de savoir avec certitude si l’auditeur a conclu à une violation de l’interdiction des opérations d’initiés également quant à l’ordre du 11 août.

12. L’auditeur a considéré qu’il y avait un lien entre, d’une part, l’ordre d’achat du 13 août 2003, la modification de la limite de prix et les achats effectués ultérieurement, et, d’autre part, les informations concernant le rachat de l’entreprise et le chiffre d’affaires dont disposaient Spector et M. Van Raemdonck.

13. Par décision du 28 novembre 2006 (ci-après la «décision attaquée»), le CBFA a, en tout état de cause, qualifié l’ordre du 13 août 2003 d’opération d’initié effectuée par Spector et M. Van Raemdonck, et a infligé à ces derniers (ci-après les «demandeurs») une amende, en ordonnant la publication nominative de la sanction.

14. Les demandeurs ont attaqué cette décision devant le hof van beroep te Brussel. Par ordonnance du 1er février 2008, ce dernier a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les dispositions de la directive relative aux abus de marché, et en particulier son article 2, constituent-elles une harmonisation complète, sous réserve des dispositions qui autorisent en termes explicites les États membres à mettre en œuvre librement leurs mesures ou les dispositions de cette directive concernent-elles, dans leur totalité, une harmonisation minimale?

2) Doit-on comprendre l’article 2, paragraphe 1, de la directive relative aux abus de marché en ce sens que le seul fait qu’une personne visée à l’article 2, premier alinéa, [qui] détient une information privilégiée acquiert ou cède ou tente d’acquérir ou de céder, pour son compte propre ou pour le compte d’autrui, des instruments financiers auxquels se rapporte cette information implique d’emblée qu’elle utilise son information privilégiée?

3) Si la deuxième question appelle une réponse négative, convient-il d’admettre que, aux fins de l’application de l’article 2 de la directive relative aux abus de marché, il est nécessaire que soit prise une décision délibérée d’utilisation de l’information privilégiée?

Si une telle décision peut aussi ne pas être une décision écrite, est-il alors nécessaire que la décision d’utilisation ressorte de circonstances qui ne sont susceptibles d’aucune autre explication ou suffit-il que ces circonstances puissent être comprises comme revêtant une telle signification?

4) Si, pour constater le caractère proportionné d’une sanction administrative, mentionné à l’article 14 de la directive relative aux abus de marché, le bénéfice réalisé doit être pris en compte, faut-il d’admettre que le fait de rendre publique l’information qu’il convient de qualifier de privilégiée a effectivement influencé de façon sensible le cours de l’instrument financier?

Dans l’affirmative, quel doit être le niveau minimal de modification de cours constaté pour que cette modification puisse être qualifiée de sensible?

5) Indépendamment du caractère sensible ou non que doit revêtir le mouvement du cours après que l’information a été rendue publique, quelle période faut-il prendre en considération, après que l’information a été rendue publique, pour déterminer le niveau du mouvement du cours et à quelle date faut-il se placer pour évaluer le bénéfice patrimonial réalisé, aux fins de la définition de la sanction appropriée?

6) À la lumière de la vérification du caractère proportionné de la sanction, convient-il de comprendre l’article 14 de la directive relative aux abus de marché en ce sens que, si un État membre a prévu la possibilité d’une sanction pénale s’ajoutant à la sanction administrative, aux fins de l’appréciation du caractère proportionné de la sanction, il faut prendre en considération la possibilité et/ou le niveau d’une sanction pénale pécuniaire?»

IV – Appréciation juridique

A – Sur la recevabilité de la demande de décision à titre préjudiciel

15. Les gouvernements belge et allemand, ainsi que le CBFA, ont émis des doutes quant à la recevabilité de la présente demande de décision à titre préjudiciel. D’après eux, la juridiction de renvoi pose ici des questions hypothétiques, dont la réponse n’est pas pertinente aux fins de la résolution du litige au principal. Ces doutes trouvent leur source dans le fait que la juridiction de renvoi semble demander...

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