Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 3 September 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:648
Date03 September 2020
Celex Number62019CC0616
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 3 septembre 2020 (1)

Affaire C616/19

M.S.,

M.W.,

G.S.

contre

Minister for Justice and Equality


[demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Recevabilité d’une demande de protection internationale dans un État membre après avoir obtenu la protection subsidiaire dans un autre État membre – Demande dans un État membre soumis au règlement (UE) nº 604/2013 mais pas à la directive 2013/32/UEDirective 2005/85/CE – Motifs d’irrecevabilité – Article 25, paragraphe 2, sous a) et d) – Notion d’“État membre en question” »






I. Introduction

1. La demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande) porte sur l’interprétation des règles en matière de recevabilité prévue par la directive 2005/85/CE (2) relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

2. Les questions adressées à la Cour sont soulevées dans le cadre de trois litiges (3) opposant trois ressortissants de pays tiers demandant à l’Irlande l’octroi du statut de réfugié, ces personnes ayant, par ailleurs, obtenu une protection subsidiaire en Italie.

3. Le problème d’interprétation intervient dans un contexte très particulier, à savoir que l’Irlande a notifié son intention de participer à l’adoption et à l’application du règlement (UE) nº 604/2013 (4), de sorte qu’elle est soumise à ce règlement, mais elle n’a pas participé à l’adoption de la directive 2013/32/UE (5) en matière de procédure qui lui est associée et n’est pas liée par cette dernière ni soumise à son application. Cet État membre reste soumis à la directive précédemment en vigueur en matière de procédure, la directive 2005/85, qui était associée au règlement (CE) nº 343/2003 (6) (ci‑après, le « règlement Dublin II »).

4. La Cour est ainsi confrontée à une question d’interprétation d’une disposition de la directive 2005/85 en dehors du cadre du règlement Dublin II envisagé par le législateur de l’Union.

5. À l’issue d’une analyse des règles de recevabilité concernées dans le contexte particulier en cause, je proposerai à celle-ci de juger que ces règles ne s’opposent pas à ce que l’Irlande considère comme irrecevables des demandes, telles que celles des ressortissants de pays tiers en cause au principal, visant à obtenir le statut de réfugié lorsque ceux-ci se sont vu accorder une protection subsidiaire par un autre État membre.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Les règlements Dublin II et Dublin III

6. Le règlement Dublin III a abrogé et remplacé le règlement Dublin II.

7. Tandis que le règlement Dublin II établissait, selon son article 1er, lu en combinaison avec son article 2, sous c), uniquement les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile, au sens de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 (ci-après la « convention de Genève »), le règlement Dublin III a, ainsi qu’il résulte de son article 1er, désormais pour objet d’établir de tels critères et mécanismes en ce qui concerne les demandes de protection internationale qui, selon la définition figurant à l’article 2, sous b), de ce règlement qui renvoie à celle énoncée à l’article 2, sous h), de la directive 2011/95/UE (7), sont celles tendant à l’obtention du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire.

2. La directive 2005/85

8. La directive 2005/85 est associée au règlement Dublin II.

9. Aux termes de l’article 1er de la directive 2005/85, celle-ci a pour objet d’établir des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

10. Le considérant 22 de cette directive est rédigé comme suit :

« Les États membres devraient examiner toutes les demandes au fond, c’est-à-dire évaluer si le demandeur concerné peut prétendre au statut de réfugié conformément à la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts [(8)], sauf dispositions contraires de la présente directive, notamment lorsqu’on peut raisonnablement supposer qu’un autre pays procéderait à l’examen ou accorderait une protection suffisante. Notamment, les États membres ne devraient pas être tenus d’examiner une demande d’asile au fond lorsqu’un premier pays d’asile a octroyé au demandeur le statut de réfugié ou lui a accordé à un autre titre une protection suffisante et que le demandeur sera réadmis dans ce pays. »

11. L’article 25 de ladite directive, intitulé « Demandes irrecevables », dispose :

« 1. Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement [Dublin II], les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en application de la [directive 2004/83], lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2. Les États membres peuvent considérer une demande comme irrecevable en vertu du présent article lorsque :

a) le statut de réfugié a été accordé par un autre État membre ;

b) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 26 ;

c) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 27 ;

d) le demandeur est autorisé à rester dans l’État membre en question pour un autre motif lui ayant permis de se voir accorder un statut équivalant aux droits et avantages du statut de réfugié, conformément à la [directive 2004/83] ;

e) le demandeur est autorisé à rester sur le territoire de l’État membre en question pour d’autres motifs le mettant à l’abri de tout refoulement en attendant le résultat d’une procédure permettant de déterminer un statut au titre du point d) ;

f) le demandeur a introduit une demande identique après une décision finale ;

g) une personne à charge du demandeur dépose une demande après avoir, conformément à l’article 6, paragraphe 3, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande faite en son nom et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

3. La directive 2013/32

12. La directive 2013/32 est associée au règlement Dublin III. Cette directive a opéré une refonte de la directive 2005/85.

13. Le considérant 58 de la directive 2013/32 énonce :

« Conformément aux articles 1er et 2 et à l’article 4 bis, paragraphe 1, du protocole nº 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé aux traités [UE et FUE], et sans préjudice de l’article 4 dudit protocole, ces États membres ne participent pas à l’adoption de la présente directive et ne sont pas liés par celle-ci ni soumis à son application. »

14. Selon l’article 1er de cette directive, celle-ci a pour objet d’établir des procédures communes d’octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95.

15. L’article 33 de ladite directive, intitulé « Demandes irrecevables », est libellé comme suit :

« 1. Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement [Dublin III], les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la [directive 2011/95], lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2. Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a) une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

b) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;

c) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;

d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95 ; ou

e) une personne à charge du demandeur introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom, et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

B. Le droit irlandais

16. Aux termes de l’article 21, paragraphe 2, sous a), de l’International Protection Act 2015 (loi de 2015 relative à la protection internationale), une demande de protection internationale est considérée comme irrecevable lorsque le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire a été accordé au demandeur par un autre État membre.

III. Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

17. M.S., M.W. et G.S. sont des ressortissants de pays tiers, originaires d’Afghanistan pour les deux premiers et de Géorgie pour le troisième, qui, après avoir obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire en Italie, sont entrés en Irlande au cours de l’année 2017 et y ont présenté une demande de protection internationale devant l’International Protection Office (Office de la protection internationale, Irlande).

18. Par décisions des 1er décembre 2017, 2 février 2018 et 29 juin 2018, l’Office...

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