CaixaBank France v Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:187
Docket NumberC-442/02
Celex Number62002CC0442
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 March 2004
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. ANTONIO TIZZANO
présentées le 25 mars 2004(1)



Affaire C-442/02

CaixaBank France
contre
Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie


[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d'État (France)]

«Liberté d'établissement – Établissements de crédit – Législation nationale qui interdit la rémunération des dépôts à vue – Éventuelle incompatibilité avec le droit communautaire»






1. Dans la présente affaire, la Cour est saisie de la question de savoir si les règles nationales d'un État membre qui interdisent la rémunération des dépôts à vue libellés en euros constituent des restrictions à la liberté d'établissement contraires à l'article 43 CE, lorsqu'elles s'appliquent à la filiale, constituée dans cet État membre, par une personne morale d'un autre État membre. I – Cadre juridiqueLe droit communautaire 2. La présente affaire porte essentiellement sur les dispositions du traité CE relatives à la liberté d'établissement, notamment l'article 43 CE. 3. Il y a lieu de mentionner également la directive 2000/12/CE (2) , laquelle, sans être directement pertinente pour la solution des questions posées par la juridiction de renvoi, a été invoquée à plusieurs reprises au cours du débat devant la Cour. 4. Nous rappelons donc en premier lieu que la directive a entièrement recodifié les régimes relatifs à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services dans le secteur du crédit bancaire, introduits par différentes directives précédentes sur le fondement des articles 43 CE et suivants. 5. La directive dispose notamment que seuls les établissements de crédit ayant reçu l'agrément des autorités compétentes d'un État membre peuvent exercer à titre professionnel des activités de réception de dépôts ou d'autres fonds remboursables du public (articles 1er, 3 et 4); il est également prévu que lesdits établissements, qui sont dotés de la personnalité juridique et qui satisfont toute une série d'exigences harmonisées (3) , peuvent exercer les activités de crédit agréées, outre dans l'État membre ayant octroyé l'agrément et où les établissements ont leur siège social, dans n'importe quel autre État membre, par le biais d'une succursale dépourvue de personnalité juridique ou par voie de prestation de services, selon un système de reconnaissance mutuelle des agréments (article 18). Le droit national 6. L'article L.312-3 du code monétaire et financier (partie législative) (ci‑après le «code monétaire») régit la rémunération des comptes à vue ou à moins de cinq ans et dispose: «Nonobstant toutes dispositions contraires, il est interdit à tout établissement de crédit qui reçoit du public des fonds en compte à vue à moins de cinq ans, et par quelque moyen que ce soit, de verser sur ces fonds une rémunération supérieure à celle fixée [par règlement du comité de la réglementation bancaire et financière ou] [ 4 –La loi nº 2003-706, du 1er août 2003, art. 46 III 2º (publiée au Journal officiel du 2 août 2003), a supprimé dans l'article L.312-13 les mots indiqués entre crochets; l'article 47 de cette même loi dispose cependant que les règlements du comité de la réglementation bancaire demeurent applicables. Il n'y a donc pas eu de modification substantielle du cadre juridique pertinent pour la présente espèce, comme le gouvernement français l'a expressément confirmé en réponse à une question posée par la Cour.] par le ministre chargé de l'économie» 5 –Cette note ne concerne que le texte italien des présentes conclusions.. 7. Le règlement n° 86-13 du comité de la réglementation bancaire et financière (6) (ci-après le «comité de la réglementation bancaire») a interdit la rémunération des comptes à vue (7) . 8. L'interdiction s'applique aux comptes à vue libellés en euros ouverts par les résidents en France. II – Faits et procédure 9. Au cours de l'année 2002, la société Caixa Bank France, filiale française de la société espagnole Caixa Holding, a informé le comité de la réglementation bancaire de son intention de mettre sur le marché un compte à vue rémunéré à 2 % à partir d'un encours de 1 500 euros. 10. Par une décision du 16 avril 2002, le comité de la réglementation bancaire a interdit à Caixa Bank France de conclure avec des personnes résidant en France de nouvelles conventions portant sur des comptes à vue rémunérés et lui a enjoint de dénoncer les clauses des conventions déjà passées prévoyant une telle rémunération. 11. La société a attaqué cette décision devant le Conseil d'État en faisant valoir que l'interdiction de rémunérer les comptes à vue des résidents serait contraire aux dispositions du traité relatives à la liberté d'établissement. 12. Ayant reconnu l'importance de la question, le Conseil État a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes: «1) Dans le silence de la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, l'interdiction faite par un État membre aux établissements bancaires régulièrement installés sur son territoire de rémunérer des dépôts ‘à vue’ et d'autres fonds remboursables constitue‑t‑elle une entrave à la liberté d'établissement? 2) Dans le cas de réponse positive à la première question, quelle est la nature des raisons d'intérêt général qui pourraient, le cas échéant, être invoquées pour justifier une telle entrave?» 13. Caixa Bank France, BNP Paribas et d'autres banques françaises parties intervenantes au principal, le gouvernement français et la Commission ont présenté des observations devant la Cour. III – Analyse juridiqueSur la première question 14. Les positions des parties sur cette question peuvent être résumées comme suit. 15. Caixa Bank France et la Commission font essentiellement valoir que l'application de la mesure de qua constituerait une entrave à l'exercice effectif et rentable de l'activité de crédit, entrave interdite en vertu de l'article 43 CE, tel qu'interprété par la jurisprudence communautaire, et notamment dans les arrêts Kraus (8) , Gebhard (9) et Pfeiffer (10) , eu égard aux arguments que nous examinerons, le cas échéant, plus loin. 16. La Commission estime en outre qu'il y a lieu d'apprécier la compatibilité de la réglementation française avec le traité également en ce qui concerne son éventuelle application aux succursales d'établissements de crédit établis dans un autre État membre. De ce point de vue également, ladite réglementation serait contraire au droit communautaire, dans la mesure où elle comporterait une violation du régime harmonisé mis en place, pour les succursales, par la directive 2000/12. 17. Selon le gouvernement français et les banques françaises intervenantes, en revanche, l'article 43 CE, tel qu'interprété par la Cour (11) , impose essentiellement à l'État d'établissement de réserver aux ressortissants des autres États membres le même traitement que les nationaux quant aux conditions d'accès et d'exercice des activités non salariées, en interdisant toute discrimination, qu'elle soit directe ou simplement indirecte voire dissimulée, fondée sur la nationalité des ressortissants communautaires. 18. En tout état de cause, des mesures nationales indistinctement applicables ne pourraient constituer une restriction à la liberté d'établissement que lorsqu'elles visent l'accès à une activité professionnelle, mais non lorsqu'elles se bornent à réglementer les conditions de son exercice, comme c'est le cas en l'espèce (12) . 19. Les effets restrictifs d'une mesure comme celle qui nous occupe seraient quoi qu'il en soit trop aléatoires et indirects pour pouvoir être considérés comme des restrictions à la liberté d'établissement contraires au traité. 20. À la suite de ces considérations, nous allons maintenant exposer notre analyse de la présente affaire. a) Prémisse 21. Il y a lieu d'observer, tout d'abord, que le Conseil État demande à la Cour si le traité s'oppose à ce que la mesure litigieuse soit appliquée à une filiale française d'une banque déjà établie dans un autre État membre. L'affaire porte donc sur l'exercice de liberté de circulation par le biais de l'établissement d'une filiale en tant que société dotée d'une personnalité juridique autonome. 22. C'est donc à cette hypothèse que doit se limiter la réponse de la Cour. Contrairement à la Commission (voir supra, point 16), nous ne pensons pas qu'il soit possible d'étendre l'objet de la question aux hypothèses d'application de la mesure en cause à une banque qui entendrait exercer en France l'activité de crédit par le biais d'une succursale. En plus de ne pas faire l'objet de la question posée par la juridiction nationale, cette hypothèse n'est en effet pas pertinente en vue de la solution du litige qui est pendant devant elle. b) Sur la notion de restriction à la liberté d'établissement 23. Cela étant précisé, nous en venons au fond de la question en observant, à titre liminaire, que même si elle n'a pas pour objet le régime de l'accès aux activités de crédit la mesure en question comporte vraisemblablement – et les observations des parties convergent dans une certaine mesure sur ce point – un important effet sur les conditions économiques d'exercice de ces activités. Ladite mesure exclut, en effet, qu'un produit bancaire aussi important que le dépôt en compte à vue puisse produire des intérêts, en rendant ainsi plus difficile la concurrence entre les banques pour ce type de produit, d'une part, et en permettant, en revanche, de maintenir la gratuité des services bancaires de base qui autrement seraient potentiellement déficitaires, d'autre part. 24. Cependant, les parties ont des opinions essentiellement divergentes...

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