Shamso Abdullahi v Bundesasylamt.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:473
Docket NumberC-394/12
Celex Number62012CC0394
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 July 2013
62012CC0394

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 11 juillet 2013 ( 1 )

Affaire C‑394/12

Shamso Abdullahi

contre

Bundesasylamt

[demande de décision préjudicielle formée par l’Asylgerichtshof (Autriche)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Droit d’asile — Article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Règlement (CE) no 343/2003 — Détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile — Demande d’asile présentée dans un État membre après être entré successivement dans l’Union par deux États membres — Effet de la prise en charge par l’État membre par lequel a eu lieu la deuxième entrée — Droit du demandeur à s’opposer à la prise en charge par cet État membre — Portée du contrôle juridictionnel prévu à l’article 19, paragraphe 2, du règlement (CE) no 343/2003 — Arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10

1.

La présente affaire offre une nouvelle fois à la Cour l’occasion d’affiner sa jurisprudence au sujet du règlement (CE) no 343/2003 ( 2 ), spécialement, en l’occurrence, quant à la portée du recours prévu à l’article 19, paragraphe 2, dudit règlement et à l’application du critère du règlement no 343/2003 qui attribue la responsabilité de l’examen d’une demande d’asile à l’État membre dans lequel le demandeur est entré de manière irrégulière. En outre, cette affaire pose à nouveau la question des États membres qui se trouvent dans la situation qui a donné lieu à l’arrêt du 21 décembre 2011, N. S. e.a. ( 3 ).

2.

Je proposerai à la Cour une interprétation restrictive de la portée du recours prévu à l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 343/2003, dont il découlerait qu’il n’y aurait pas lieu de répondre aux autres questions, sur lesquelles je me prononcerai néanmoins, à titre purement subsidiaire. De cette manière, la présente affaire devrait permettre à la Cour d’établir un modèle pour l’application des critères du règlement en question dans les cas dans lesquels on conclurait que l’État membre en principe responsable ne peut pas l’être pour des raisons de garantie des droits fondamentaux.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le règlement no 343/2003

3.

Aux termes de son article 1er, ce «règlement établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers».

4.

En vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement no 343/2003:

«1. Les États membres examinent toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un pays tiers à l’un quelconque d’entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l’État membre concerné. La demande d’asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.

2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d’asile qui lui est présentée par un ressortissant d’un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet État devient l’État membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe l’État membre antérieurement responsable, celui qui conduit une procédure de détermination de l’État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge.»

5.

En vertu de l’article 4, paragraphe 1, de ce même règlement, «[l]e processus de détermination de l’État membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu’une demande d’asile est introduite pour la première fois auprès d’un État membre».

6.

Le chapitre III du règlement no 343/2003, intitulé «Hiérarchie des critères», énumère, à ses articles 5 à 14, les critères pertinents pour déterminer l’«État membre responsable» au sens de l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement.

7.

L’article 16 du règlement no 343/2003, par lequel débute le chapitre V dudit règlement, intitulé «Prise en charge et reprise en charge», dispose, à ses paragraphes 1 et 3:

«1. L’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile en vertu du présent règlement est tenu de:

a)

prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 17 à 19, le demandeur d’asile qui a introduit une demande dans un autre État membre;

b)

mener à terme l’examen de la demande d’asile;

c)

reprendre en charge […] le demandeur d’asile dont la demande est en cours d’examen et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre État membre;

d)

reprendre en charge […] le demandeur d’asile qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a formulé une demande d’asile dans un autre État membre;

e)

reprendre en charge […] le ressortissant d’un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre État membre.

[…]

3. Les obligations prévues au paragraphe 1 cessent si le ressortissant d’un pays tiers a quitté le territoire des États membres pendant une durée d’au moins trois mois, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’État membre responsable.»

8.

Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, du même règlement, «[l]’État membre auprès duquel une demande d’asile a été introduite et qui estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l’introduction de la demande d’asile».

9.

L’article 18 du règlement no 343/2003 est libellé dans les termes suivants:

«1. L’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et doit statuer sur la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.

[…]

7. L’absence de réponse à l’expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d’un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne l’obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris une bonne organisation de son arrivée.»

10.

L’article 19 du règlement no 343/2003 est libellé dans les termes suivants:

«1. Lorsque l’État membre requis accepte la prise en charge d’un demandeur, l’État membre dans lequel la demande d’asile a été introduite notifie au demandeur la décision de ne pas examiner la demande, ainsi que l’obligation de le transférer vers l’État membre responsable.

2. La décision visée au paragraphe 1 est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s’il se rend par ses propres moyens dans l’État membre responsable. Cette décision est susceptible d’un recours ou d’une révision. Ce recours ou cette révision n’a pas d’effet suspensif sur l’exécution du transfert, sauf lorsque les tribunaux ou les instances compétentes le décident, au cas par cas, si la législation nationale le permet.

[…]

4. Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l’État membre auprès duquel la demande d’asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement du demandeur d’asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d’asile prend la fuite.

[…]»

2. La directive 2005/85/CE

11.

La directive 2005/85/CE ( 4 ) dispose, à son article 39, paragraphe 1:

«Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants:

a)

une décision concernant leur demande d’asile […]

[…]»

B – Le droit autrichien

12.

La loi fédérale sur l’octroi de l’asile (Bundesgesetz über die Gewährung von Asyl), de 2005, établit, à son article 18, que le Bundesasylamt et l’Asylgerichtshof (Autriche) doivent d’office veiller à tous les stades de la procédure à ce que les indications utiles aux fins de la décision soient données ou que les indications lacunaires sur les circonstances invoquées à l’appui de la demande soient complétées, les documents de preuve de ces indications dénommés ou les preuves produites complétées et, généralement, que soient fournis tous les renseignements qui paraissent nécessaires pour étayer la demande.

II – Les faits

13.

Mme Abdullahi, ressortissante somalienne, est entrée illégalement en Grèce par la Turquie en juillet 2011. De là, avec l’aide d’un réseau d’immigration illégale, après avoir traversé la Macédoine, la Serbie et la Hongrie, elle est parvenue en Autriche, où elle a été appréhendée à proximité de la frontière avec la Hongrie.

14.

Le 29 août 2011, elle a présenté une demande de protection internationale en Autriche. Le 7 septembre 2011, le Bundesasylamt a remis à la Hongrie une demande de prise en charge au titre de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 343/2003. La Hongrie a marqué son accord par lettre du 29 septembre 2011.

15.

Le 30 septembre 2011, le Bundesasylamt a rejeté la demande d’asile de la requérante au principal en Autriche comme irrecevable et a ordonné son éloignement vers la Hongrie.

16.

Mme Abdullahi a formé un recours devant l’Asylgerichtshof, qui l’a admis avec effet suspensif. La Hongrie a été informée...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-La-Neuve v Moussa Abdida.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 18 Diciembre 2014
    ...scheme of Directive 2008/115, which must be taken into account when interpreting its provisions (see, to that effect, judgment in Abdullahi, C‑394/12, EU:C:2013:813, paragraph 51), that Article 9(1)(b) of that directive must cover all situations in which a Member State is required to suspen......
3 cases
  • Shamso Abdullahi v Bundesasylamt.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 Diciembre 2013
    ...de los criterios de responsabilidad relativos al examen de la solicitud de asilo — Alcance del control jurisdiccional» En el asunto C‑394/12, que tiene por objeto una petición de decisión prejudicial planteada, con arreglo al artículo 267 TFUE, por el Asylgerichtshof (Austria), mediante res......
  • Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-La-Neuve v Moussa Abdida.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 18 Diciembre 2014
    ...scheme of Directive 2008/115, which must be taken into account when interpreting its provisions (see, to that effect, judgment in Abdullahi, C‑394/12, EU:C:2013:813, paragraph 51), that Article 9(1)(b) of that directive must cover all situations in which a Member State is required to suspen......
  • Juan Carlos Sánchez Morcillo and María del Carmen Abril García v Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 5 Junio 2014
    ...de la Cour KÖGÁZ e.a., C‑283/06 et C‑312/06, EU:C:2006:602, point 9; Plantanol, C‑201/08, EU:C:2008:385, point 10, ainsi que Abdullahi, C‑394/12, EU:C:2012:623, point 11 Toutefois, en l’espèce, au-delà du nombre de débiteurs concernés dont fait état la juridiction de renvoi, le risque, pour......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT