European Commission v Republic of Austria.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:527
Date06 September 2012
Docket NumberC‑555/10
Celex Number62010CC0555
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
CourtCourt of Justice (European Union)
62010CC0555

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 6 septembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑555/10

Commission européenne

contre

République d’Autriche

«Recours en manquement — Directive 91/440/CEE — Développement de chemins de fer communautaires — Directive 2001/14/CE — Répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire — Article 6, paragraphe 3, et annexe II de la directive 91/440Article 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14 — Gestionnaire de l’infrastructure — Indépendance organisationnelle et décisionnelle — Structure de holding»

I – Introduction

1.

Par le présent recours en manquement, la Commission européenne demande à la Cour de constater que la République d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, et de l’annexe II de la directive 91/440/CEE ( 2 ), telle que modifiée par la directive 2001/12/CE ( 3 ) (ci-après la «directive 91/440»), ainsi que des articles 4, paragraphe 2, et 14, paragraphe 2, de la directive 2001/14/CE ( 4 ), telle que modifiée par la directive 2004/49/CE ( 5 ) (ci-après la «directive 2001/14»). La République d’Autriche conclut au rejet du recours de la Commission.

2.

La présente affaire s’inscrit dans une série de recours en manquement ( 6 ), introduits par la Commission en 2010 et en 2011, et portant sur l’application par les États membres des directives 91/440 et 2001/14, dont l’objet principal est l’accès équitable et non discriminatoire des entreprises ferroviaires à l’infrastructure, à savoir au réseau ferroviaire. Ces recours sont inédits, car ils offrent à la Cour la première possibilité de s’exprimer sur la libéralisation des chemins de fer dans l’Union européenne et notamment d’interpréter ce qu’il est convenu d’appeler le «premier paquet ferroviaire».

3.

S’agissant du moyen unique relatif à l’indépendance exigée dans l’exercice des fonctions essentielles, les problèmes juridiques relatifs au droit de l’Union dans cette affaire me semblent être mutatis mutandis les mêmes que ceux portant sur le premier grief dans l’affaire Commission/Allemagne (C‑556/10), car les deux États membres ont adopté le modèle de holding, où les fonctions essentielles du gestionnaire de l’infrastructure ont été déléguées à une société séparée au sein d’un groupe de sociétés qui comprend également des entreprises ferroviaires. Pour cette raison, l’argumentation juridique présentée dans mes conclusions dans la présente affaire est applicable aussi dans le cadre de l’affaire Commission/Allemagne, précitée, en dépit de certaines différences dans les réglementations nationales.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

Le quatrième considérant de la directive 91/440 énonce:

«considérant que le développement futur et une exploitation efficace du réseau ferroviaire peuvent être facilités par une séparation entre l’exploitation des services de transport et la gestion de l’infrastructure; que, dans ces conditions, il est nécessaire que ces deux activités aient obligatoirement des comptes distincts et puissent être gérées séparément».

5.

L’article 6, paragraphes 1 à 3, de la directive 91/440 prévoit:

«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la tenue et la publication de comptes de profits et pertes séparés et de bilans séparés, d’une part, pour les activités relatives à la fourniture de services de transport par des entreprises ferroviaires et, d’autre part, pour celles relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire. Les aides publiques versées à l’une de ces deux activités ne peuvent pas être transférées à l’autre.

Les comptes relatifs aux deux activités sont tenus de façon à refléter cette interdiction.

2. Les États membres peuvent, en outre, prévoir que cette séparation comporte des divisions organiques distinctes au sein d’une même entreprise ou que la gestion de l’infrastructure est assurée par une entité distincte.

3. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les fonctions essentielles en vue de garantir un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure, qui sont énumérées à l’annexe II, sont confiées à des instances ou entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire. Quelles que soient les structures organisationnelles, cet objectif doit être atteint d’une manière probante.

Les États membres peuvent, toutefois, confier aux entreprises ferroviaires ou à toute autre entité la perception des redevances et la responsabilité de la gestion des infrastructures, par exemple, tels que, l’entretien et le financement.»

6.

L’annexe II de la directive 91/440 mentionne la liste des fonctions essentielles visées à l’article 6, paragraphe 3:

préparation et adoption des décisions concernant la délivrance de licences aux entreprises ferroviaires, y compris l’octroi de licences individuelles,

adoption des décisions concernant la répartition des sillons, y compris la définition et l’évaluation de la disponibilité, ainsi que l’attribution de sillons individuels,

adoption des décisions concernant la tarification de l’infrastructure,

contrôle du respect des obligations de service public requises pour la fourniture de certains services.»

7.

Les considérants 11 et 16 de la directive 2001/14 énoncent:

«(11)

Il y a lieu que les systèmes de tarification et de répartition des capacités assurent à toutes les entreprises un accès égal et non discriminatoire et s’efforcent, dans la mesure du possible, de répondre aux besoins de tous les utilisateurs et de tous les types de trafic, et ce, de manière équitable et non discriminatoire.

[…]

(16)

Il y a lieu que les systèmes de tarification et de répartition des capacités permettent une concurrence équitable dans la fourniture de services ferroviaires.»

8.

L’article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/14 dispose:

«Si le gestionnaire de l’infrastructure n’est pas indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel ou décisionnel, les fonctions décrites dans le présent chapitre, autres que celles de recouvrement des redevances, sont assumées par un organisme de tarification qui est indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel.»

9.

Aux termes de l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/14:

«1. Les États membres peuvent mettre en place un cadre pour la répartition des capacités de l’infrastructure, mais en respectant l’indépendance de gestion prévue à l’article 4 de la directive 91/440/CEE. Des règles spécifiques de répartition des capacités sont établies. Le gestionnaire de l’infrastructure accomplit les procédures de répartition de ces capacités. Il veille notamment à ce que les capacités d’infrastructure soient réparties sur une base équitable et non discriminatoire et dans le respect du droit communautaire.

2. Si le gestionnaire de l’infrastructure n’est pas indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel ou décisionnel, les fonctions visées au paragraphe 1 et décrites au présent chapitre sont assumées par un organisme de répartition qui est indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel.»

B – Le droit national

10.

La deuxième partie de la loi sur les chemins de fer fédéraux (Bundesbahngesetz) ( 7 ), qui comprend les articles 2 à 4, est intitulée «ÖBB-Holding AG».

11.

L’article 2, paragraphe 1, de cette loi dispose:

«Constitution et création

1. Le ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie doit constituer et créer une société de capitaux par actions dotée d’un capital social de 1,9 milliards d’euros, dénommée ‘Österreichische Bundesbahnen-Holding Aktiengesellschaft’ (ci-après ‘ÖBB-Holding AG’), ayant son siège à Vienne et dont les actions sont réservées exclusivement à l’État fédéral. La création de la société ne fait pas l’objet d’un examen.»

12.

Aux termes de l’article 3 de ladite loi:

«Gestion des titres de participation

La gestion des titres de participation est assurée au nom de l’État fédéral par le ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie.»

13.

L’article 4 de ladite loi prévoit:

«1. ÖBB-Holding AG a pour objet social l’exercice de ses droits de propriété dans les sociétés dans lesquelles elle détient une participation directe ou indirecte, aux fins de fixer une orientation stratégique.

2. La société a pour principales tâches:

1)

d’assurer la coordination générale de l’élaboration et de la mise en œuvre des stratégies des sociétés;

2)

de garantir la transparence des fonds publics engagés.

3. ÖBB-Holding AG peut en outre prendre toutes les mesures nécessaires ou opportunes au regard de l’objet social qui lui a été assigné et de ses principales tâches. Il peut s’agir notamment, en matière de ressources humaines, de mesures stratégiques relatives à la compensation de personnel entre les sociétés.»

14.

La troisième partie de la loi sur les chemins de fer fédéraux est intitulée «Restructuration de la société des chemins de fer autrichiens».

15.

L’article 25 de la loi fédérale sur les chemins de fer dispose:

«Aux fins de la mise en œuvre de la restructuration de la société des chemins de fer autrichiens, ÖBB-Holding AG est tenue de constituer et de créer, au plus tard le 31 mai 2004, une société de capitaux par actions dotée d’un capital social de 70000 euros, dénommée ‘ÖBB-Infrastruktur Betrieb Aktiengesellschaft’...

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