European Commission v Ireland and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:298
CourtCourt of Justice (European Union)
Date12 May 2009
Docket NumberC-89/08
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Celex Number62008CC0089

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 12 mai 2009 (1)

Affaire C‑89/08 P

Commission des Communautés européennes

contre

Irlande,

République française,

République italienne,

Eurallumina SpA,

Aughinish Alumina Ltd


«Pourvoi – Aides d’État – Défaut de motivation – Office du juge – Violation de l’obligation de motivation – Moyen d’ordre public devant être soulevé d’office par le juge communautaire – Principe du contradictoire»





1. La présente affaire devrait permettre à la Cour de préciser les obligations qui découlent du principe du contradictoire pour le juge communautaire lorsque celui‑ci soulève d’office un moyen de droit d’ordre public.

2. Elle a pour cadre le pourvoi formé par la Commission des Communautés européennes à l’encontre de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 décembre 2007, Irlande e.a./Commission (2), dans lequel cette juridiction a annulé la décision 2006/323/CE de la Commission, du 7 décembre 2005, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (3).

3. Dans la décision litigieuse, la Commission a qualifié d’aides d’État incompatibles avec le marché commun des exonérations de droits d’accises sur les huiles minérales qui avaient été autorisées par le Conseil de l’Union européenne sur sa proposition, plusieurs années auparavant, conformément aux directives pertinentes en matière de droit d’accise.

4. Dans cette décision, elle a estimé que ces exonérations constituaient non pas des aides existantes, mais des aides nouvelles, qui devaient donc, en principe, faire l’objet d’une récupération auprès de leurs bénéficiaires. La Commission a admis, cependant, que les décisions du Conseil les autorisant avaient fait naître une confiance légitime dans leur conformité avec les règles du marché commun. Elle a donc ordonné leur récupération à compter seulement de la date de publication au Journal officiel des Communautés européennes de l’ouverture de la procédure formelle d’examen desdites exonérations au regard des règles en matière d’aides d’État.

5. La décision litigieuse a fait l’objet d’un recours en annulation de la part de l’Irlande, de la République française et de la République italienne, ainsi que de deux sociétés, Eurallumina SpA (4) et Aughinish Alumina Ltd (5).

6. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé d’office le moyen selon lequel ladite décision était entachée d’un défaut de motivation en ce qu’il était affirmé dans celle‑ci, sans explication, que les exonérations litigieuses ne constituaient pas des aides existantes au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil (6).

7. Il a prononcé l’annulation de la décision litigieuse sur le fondement de ce moyen sans recueillir au préalable les observations des parties sur ce dernier.

8. La Commission, au soutien de sa demande d’annulation de l’arrêt attaqué, invoque plusieurs moyens. Elle fait valoir, premièrement, que le Tribunal n’avait pas le droit de soulever d’office le moyen en cause et, deuxièmement, qu’il a violé le principe du contradictoire. Elle demande également à la Cour de juger que l’arrêt attaqué est erroné en ce qu’il juge que la décision litigieuse est entachée d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne la non‑application de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999.

9. Nous proposerons à la Cour de juger que le Tribunal était parfaitement en droit de soulever d’office ce moyen, mais qu’il était tenu, conformément au principe du contradictoire, de recueillir les observations des parties sur ledit moyen. Nous en déduirons que la méconnaissance de cette exigence justifie l’annulation de l’arrêt attaqué.

10. Nous inviterons également la Cour à juger que la décision litigieuse n’est pas entachée d’un défaut de motivation en ce qui concerne la non-application de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, et à renvoyer le dossier au Tribunal pour l’examen des moyens d’annulation de ladite décision invoqués par les trois États membres et les deux sociétés.

I – Le cadre juridique

A – Les directives relatives aux droits d’accises sur les huiles minérales

11. Les droits d’accises sur les huiles minérales ont fait l’objet de plusieurs directives, à savoir les directives 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (7), 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (8), et 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (9), qui a abrogé les directives 92/81 et 92/82 avec effet au 31 décembre 2003.

12. L’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81 permettait au Conseil, sur proposition de la Commission, d’autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions de taux d’accise autres que celles prévues par ladite directive.

13. La directive 2003/96 a prévu, à son article 2, paragraphe 4, sous b), deuxième tiret, qu’elle ne s’appliquait pas aux produits énergétiques à double usage, c’est‑à‑dire à ceux qui sont destinés à être utilisés à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. Ainsi, depuis le 31 décembre 2003, date d’entrée en application de cette directive, il n’y a plus de taux minimal de l’accise sur le fioul lourd utilisé dans la production d’alumine. En outre, à son article 18, paragraphe 1, la directive 2003/96 a autorisé les États membres, sous réserve d’un examen préalable du Conseil, à continuer d’appliquer, jusqu’au 31 décembre 2006, les taux réduits ou les exonérations énumérés à son annexe II, laquelle mentionne les exonérations de droits d’accises sur le fioul lourd utilisé comme combustible dans la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne.

B – Le régime des aides d’État

1. Le traité CE

14. L’article 87, paragraphe 1, CE dispose:

«Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

15. L’article 88 CE prévoit:

«1. La Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

[…]

3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.»

2. Le règlement n° 659/1999

16. Aux termes de l’article 1er, sous b), du règlement n° 659/1999, la notion d’«aide existante» recouvre:

«[…]

v) toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation.»

II – Les antécédents du litige

17. L’Irlande depuis 1983, la République italienne depuis 1993 et la République française depuis 1997 exonèrent de droit d’accise les huiles minérales utilisées pour la production d’alumine, respectivement, dans la région du Shannon, en Sardaigne et dans la région de Gardanne.

18. Ces exonérations ont été autorisées, respectivement, par les décisions 92/510/CEE du Conseil (10), 93/697/CE du Conseil (11) et 97/425/CE du Conseil (12). Ces autorisations ont été prorogées par le Conseil à plusieurs reprises et, en dernier lieu, par la décision 2001/224/CE (13), jusqu’au 31 décembre 2006.

19. Au point cinq des motifs de la décision 2001/224, il était indiqué que celle‑ci ne préjugeait pas de l’issue d’éventuelles procédures relatives aux distorsions de fonctionnement du marché unique qui pourraient être intentées notamment en vertu des articles 87 CE et 88 CE et qu’elle ne dispensait pas les États membres, conformément à l’article 88 CE, de l’obligation de notifier à la Commission les aides d’État susceptibles d’être instituées.

20. Par trois décisions du 30 octobre 2001, publiées au Journal officiel des Communautés européennes le 2 février 2002 (14), la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard de chacune des exonérations en cause. À l’issue de cette procédure, la Commission a adopté la décision litigieuse.

21. Dans cette décision, la Commission a considéré que les exonérations accordées antérieurement au 1er janvier 2004, date d’entrée en application de la directive 2003/96, constituaient des aides d’État au sens...

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