Corporación Dermoestética SA v To Me Group Advertising Media.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:62
Docket NumberC-500/06
Celex Number62006CC0500
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date31 January 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 31 janvier 2008 (1)

Affaire C‑500/06

Corporación Dermoestética SA

contre

To Me Group Advertising Media Srl

[demande de décision préjudicielle formée par le Giudice di pace di Genova (Italie)]

«Législation nationale interdisant la publicité en matière de traitements médico‑chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques sur les chaînes de télévision à diffusion nationale et autorisant cette publicité sur les chaînes de télévision à diffusion locale sous certaines conditions»





1. La présente procédure préjudicielle concerne les dispositions de la législation italienne relative à la publicité pour les professions médicales et les cliniques privées. Selon ces dispositions, la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées est interdite sur les chaînes de télévision à diffusion nationale. Cependant, cette publicité sur les chaînes de télévision à diffusion locale et par l’intermédiaire d’autres moyens de communication est permise à condition, d’une part, d’obtenir l’autorisation de l’autorité locale compétente, sans que les conditions à remplir pour cette autorisation soient précisées, et, d’autre part, que la dépense afférente à ladite publicité ne dépasse pas 5 % du revenu déclaré au titre de l’année précédente.

2. La juridiction de renvoi cherche à savoir si l’interdiction de faire de la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées sur les chaînes de télévision à diffusion nationale prévue par cette législation est compatible avec le droit communautaire, alors que cette publicité est autorisée, sous certaines conditions, sur les chaînes de télévision à diffusion locale.

3. Dans les présentes conclusions, nous indiquerons que cette interdiction de faire une telle publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.

4. Nous exposerons également que, si un État membre peut imposer valablement des restrictions à l’exercice de ces libertés dans le but de protéger un intérêt légitime tel que la santé publique, il importe cependant que la mesure en cause soit propre à atteindre cet objectif et qu’elle n’excède pas ce qui est nécessaire à cet effet. Nous indiquerons que, à partir du moment où la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées est autorisée, sous certaines conditions, sur les chaînes de télévision à diffusion locale, l’interdiction d’une même publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale ne satisfait pas à l’exigence de proportionnalité et n’est donc pas compatible avec le droit communautaire.

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. Le traité CE

5. L’article 43, premier alinéa, CE prohibe les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre. Selon l’article 43, second alinéa, CE, la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises.

6. L’article 49, premier alinéa, CE prohibe les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté européenne à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

7. En vertu des articles 48 CE et 55 CE, les droits instaurés par les articles 43 CE et 49 CE bénéficient également aux sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté.

8. Aux termes de l’article 47, paragraphe 3, CE et en application de l’article 55 CE, la levée des restrictions contraires aux articles 43 CE et 49 CE, en ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, est subordonnée à la coordination de leurs conditions d’exercice. Toutefois, le Conseil de l’Union européenne et la Commission des Communautés européennes ont admis que l’effet direct des articles 43 CE et 49 CE, reconnu respectivement dans les arrêts Reyners (2) et van Binsbergen (3) à compter du 1er janvier 1970, date de la fin de la période de transition, valait également pour les professions de santé (4). En outre, les activités médicales, paramédicales et pharmaceutiques ont fait l’objet de directives de coordination (5).

9. Selon les articles 46, paragraphe 1, CE et 55 CE, les articles 43 CE et 49 CE ne font pas obstacle aux restrictions justifiées par des raisons de santé publique.

2. Le droit dérivé

10. Le législateur communautaire, dans le cadre de la directive 89/552/CEE (6), a coordonné les réglementations nationales régissant la publicité diffusée par la télévision.

11. La notion de «publicité télévisée» est définie à l’article 1er, sous c), de la directive 89/552 comme signifiant «toute forme de message télévisé, que ce soit contre rémunération ou paiement similaire, ou de diffusion à des fins d’autopromotion par une entreprise publique ou privée dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou d’une profession libérale dans le but de promouvoir la fourniture, moyennant paiement, de biens ou de services, y compris les biens immeubles, ou de droits et d’obligations».

12. Selon l’article 12, sous d), de cette directive, la publicité télévisée et le téléachat ne doivent pas encourager des comportements préjudiciables à la santé ou à la sécurité.

13. Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de ladite directive, «[l]a publicité télévisée pour les médicaments et les traitements médicaux qui sont seulement disponibles sur prescription médicale dans l’État membre de la compétence duquel relève l’organisme de radiodiffusion télévisuelle est interdite». Selon le même article, paragraphe 2, le téléachat concernant, notamment, des traitements médicaux est interdit.

14. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la même directive, les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par celle‑ci.

B – Le droit national

15. La publicité pour les professions médicales et les cliniques privées est régie, en Italie, par la loi n° 175, du 5 février 1992 (7), telle que modifiée d’abord par la loi n° 42, du 26 février 1999 (8), puis par la loi n° 362, du 14 octobre 1999 (9), et enfin par la loi n° 112, du 3 mai 2004 (10) (ci‑après la «loi de 1992»).

16. Les dispositions de la loi de 1992 qui sont pertinentes pour la présente procédure sont les suivantes:

«Article premier

1. La publicité concernant l’exercice des professions médicales et des professions médicales auxiliaires prévues et réglementées par la législation en vigueur n’est autorisée que sous forme de plaques apposées sur le bâtiment dans lequel est exercée l’activité professionnelle ainsi que par des annonces publiées dans les annuaires téléphoniques, dans les annuaires professionnels généraux, dans des périodiques exclusivement destinés aux praticiens des professions médicales, dans des journaux et des revues d’information et sur les chaînes de radio et de télévision locales.

2. Les plaques et annonces visées au paragraphe 1 ne peuvent contenir que les indications suivantes:

a) nom, prénom, adresse, numéro de téléphone et éventuelle adresse professionnelle, horaire des visites ou d’ouverture au public;

b) qualifications, titres académiques, titres de spécialisation et de carrière, sans abréviations susceptibles d’induire en erreur;

c) distinctions honorifiques attribuées ou reconnues par l’État.

3. L’utilisation de la qualité de spécialiste n’est consentie qu’à ceux qui ont obtenu le diplôme correspondant conformément aux dispositions en vigueur. Il est interdit de faire usage de titres, y compris de titres de spécialisation obtenus à l’étranger, s’ils ne sont pas reconnus par l’État.

4. Un médecin non spécialiste peut faire mention de la spécialité particulière qu’il exerce en utilisant des expressions reprenant la dénomination officielle de la spécialité et n’induisant pas en erreur ou ne portant pas à équivoque quant à la possession du titre de spécialisation […]

5. Les dispositions du présent article s’appliquent également aux associations de médecins et aux mentions apposées sur les carnets d’ordonnances par les médecins chirurgiens, les odontologistes, les prothésistes dentaires et les vétérinaires et sur les cartes professionnelles utilisées par ceux qui exercent les autres professions visées au paragraphe 1.

Article 2

1. La publicité sous forme de plaques et d’annonces visées à l’article 1er requiert l’autorisation du maire, qui la délivre sur agrément de l’ordre professionnel auprès duquel est inscrit le demandeur. […]

2. Aux fins de la délivrance de l’autorisation municipale, le professionnel doit adresser sa demande auprès de l’ordre ou du groupement professionnel compétent, accompagnée d’une description détaillée du type, des caractéristiques et du contenu de l’annonce publicitaire. L’ordre ou le groupement professionnel transmet la demande au maire, en y joignant son agrément, dans un délai de trente jours à partir de la date à laquelle elle a été présentée.

3. Aux fins de la délivrance de l’agrément, l’ordre ou le groupement professionnel doit vérifier que les dispositions prévues à l’article 1er sont respectées et que les caractéristiques esthétiques de la plaque, de l’annonce ou des enseignes visées à l’article 4 sont conformes aux dispositions édictées par un règlement spécifique émanant du ministre de la Santé...

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