Sophia Marie Nicole Sanders v David Verhaegen (C-400/13) and Barbara Huber v Manfred Huber (C-408/13).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2171
Docket NumberC-408/13,C-400/13
Celex Number62013CC0400
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date04 September 2014
62013CC0400

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 4 septembre 2014 ( 1 )

Affaires jointes C‑400/13 et C‑408/13

Sophia Marie Nicole Sanders,

représentée par Marianne Sanders,

contre

David Verhaegen

[demande de décision préjudicielle

formée par l’Amtsgericht Düsseldorf (Allemagne)]

et

Barbara Huber

contre

Manfred Huber

[demande de décision préjudicielle

formée par l’Amtsgericht Karlsruhe (Allemagne)]

«Coopération judiciaire en matière civile — Compétence en matière d’obligations alimentaires — Article 3, sous b), du règlement (CE) no 4/2009 — Action contre une personne ayant sa résidence habituelle dans un autre État — Législation d’un État membre attribuant dans un tel cas une compétence exclusive à la juridiction de première instance établie au siège de la juridiction d’appel régionale dans le ressort de laquelle est située la résidence habituelle de la partie demeurant dans cet État membre — Exclusion d’une telle concentration des compétences»

I – Introduction

1.

Dans les présentes affaires jointes, les demandes de décision préjudicielle présentées par l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal cantonal de Düsseldorf, Allemagne) et par l’Amtsgericht Karlsruhe (tribunal cantonal de Karlsruhe, Allemagne) portent, en substance, sur l’interprétation de l’article 3, sous a) et b), du règlement (CE) no 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires ( 2 ).

2.

Les points a) et b) dudit article 3, parmi d’autres dispositions de ce règlement, régissent la compétence ratione loci des juridictions des États membres ( 3 ) en la matière, en désignant, de façon alternative, «la juridiction du lieu où le défendeur a sa résidence habituelle» ou «la juridiction du lieu où le créancier a sa résidence habituelle», étant précisé que le demandeur peut librement choisir entre ces chefs de compétence.

3.

Ces affaires s’inscrivent dans le cadre de deux litiges relatifs à des demandes de pension alimentaire opposant, d’une part, une enfant mineure à son père et, d’autre part, une femme mariée à son époux. Lesdites demandes ont été introduites respectivement devant l’Amtsgericht (juridiction de première instance cantonale) de chacune des villes allemandes où résident habituellement les créancières d’aliments concernées. Toutefois, faisant application d’une disposition ayant mis en œuvre les cas visés par l’article 3, sous a) et b), du règlement no 4/2009 dans le droit allemand, chacune de ces juridictions s’est dessaisie au profit de l’Amtsgericht établi dans la ville où siège l’Oberlandesgericht (juridiction d’appel régionale) dans le ressort duquel lesdites demanderesses résident.

4.

La Cour est ainsi invitée à déterminer si l’article 3 dudit règlement, lequel est d’applicabilité directe dans les ordres juridiques des États membres, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal qui, en matière d’obligations alimentaires, a pour effet de concentrer la compétence judiciaire transfrontalière au profit d’une juridiction qui n’est pas celle dont le ressort ordinaire comprend la localité où réside habituellement la partie demeurant sur le territoire national.

5.

Bien que le règlement no 4/2009 soit d’application depuis le 18 juin 2011 ( 4 ), la Cour n’a encore jamais eu l’opportunité de se prononcer sur l’interprétation des dispositions qu’il contient ( 5 ). Partant, il conviendra, notamment, de s’interroger sur la possibilité, voire la nécessité, de tenir compte des enseignements résultant de la jurisprudence de la Cour relative à d’autres instruments applicables entre les États membres dans le domaine de la compétence judiciaire en matière civile et, si tel est le cas, de déterminer dans quelle mesure un raisonnement par analogie serait pertinent pour interpréter l’article 3 du règlement no 4/2009.

6.

Ce questionnement surgit, en particulier, au vu des similitudes existant entre le libellé dudit article et celui des dispositions relatives à la compétence en matière d’obligations alimentaires qui figurent dans la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 6 ) (ci-après la «convention de Bruxelles») ainsi que dans le règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 7 ) (ci‑après le «règlement Bruxelles I»), lequel s’inscrit dans le prolongement de cette convention ( 8 ).

II – Le cadre juridique

A – Le règlement no 4/2009

7.

Le considérant 3 du règlement no 4/2009 fait expressément référence, entre autres instruments, au règlement Bruxelles I. Son considérant 44 précise que ce règlement modifie le règlement Bruxelles I «en remplaçant les dispositions de celui‑ci applicables en matière d’obligations alimentaires». Son considérant 15 ajoute qu’«[a]fin de préserver les intérêts des créanciers d’aliments et de favoriser une bonne administration de la justice au sein de l’Union européenne, les règles relatives à la compétence telles qu’elles résultent du règlement [Bruxelles I] devraient être adaptées […] [notamment en ce que] plus aucun renvoi aux règles de compétence du droit national ne devrait désormais être envisagé […]».

8.

L’article 3, sous a) et b), du règlement no 4/2009 prévoit que «[s]ont compétentes pour statuer en matière d’obligations alimentaires dans les États membres:

a)

la juridiction du lieu où le défendeur a sa résidence habituelle, ou

b)

la juridiction du lieu où le créancier a sa résidence habituelle, […]».

B – Le droit allemand

9.

Le règlement no 4/2009 a été mis en œuvre en droit allemand par la loi du 23 mai 2011 sur le recouvrement des créances alimentaires dans les relations avec les États étrangers (Auslandsunterhaltsgesetz, ci‑après l’«AUG») ( 9 ).

10.

Dans sa version applicable au moment des faits, l’article 28, paragraphe 1, première phrase, de cette loi, intitulé «Concentration de compétences; […]», prévoit que «[l]orsqu’une partie n’a pas sa résidence habituelle sur le territoire national, l’Amtsgericht du siège de l’Oberlandesgericht dans le ressort duquel la partie défenderesse ou le créancier a sa résidence habituelle est exclusivement compétent pour connaître des demandes en matière d’obligations alimentaires dans les cas visés par l’article 3, sous a) et b), du règlement [no 4/2009]».

III – Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

A – L’affaire Sanders (C‑400/13)

11.

Le 29 mai 2013, l’enfant mineure Sophia Marie Nicole Sanders, représentée par sa mère, a saisi l’Amtsgericht siégeant à Mettmann (Allemagne), ville où est située sa résidence habituelle, afin d’obtenir que son père, M. Verhaegen, qui réside en Belgique, lui verse une pension alimentaire.

12.

Après avoir entendu les parties, l’Amtsgericht Mettmann, faisant application de l’article 28, paragraphe 1, de l’AUG, a renvoyé l’affaire devant l’Amtsgericht Düsseldorf, comme étant la juridiction de première instance cantonale établie au siège de la juridiction d’appel régionale dans le ressort de laquelle la créancière d’aliments avait sa résidence habituelle, à savoir l’Oberlandesgericht Düsseldorf.

13.

Toutefois, l’Amtsgericht Düsseldorf a mis en doute sa propre compétence territoriale, en considérant que, en vertu de l’article 3, sous b), du règlement no 4/2009, la juridiction compétente devrait être celle du lieu, dans un État membre, où la demanderesse réside habituellement, en l’occurrence l’Amtsgericht Mettmann. Par décision déposée le 16 juillet 2013, l’Amtsgericht Düsseldorf a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 28, paragraphe 1, de [l’AUG] viole‑t‑il l’article 3, sous a) et b), du règlement [no 4/2009]?»

B – L’affaire Huber (C‑408/13)

14.

Mme Huber a engagé une procédure devant l’Amtsgericht siégeant à Kehl (Allemagne), ville où elle réside habituellement, afin que son époux, M. Huber, qui réside à la Barbade, soit condamné à lui verser une pension alimentaire consécutivement à leur séparation.

15.

Dans le cadre d’une procédure préalable concernant l’attribution d’une aide juridictionnelle, l’Amtsgericht Kehl a renvoyé l’affaire devant l’Amtsgericht Karlsruhe, au motif que celui‑ci était seul compétent, sur le fondement de l’article 28, paragraphe 1, de l’AUG, dès lors que la résidence habituelle de la demanderesse était située dans le ressort de l’Oberlandesgericht Karlsruhe.

16.

Les deux parties au litige au principal ayant émis des doutes quant à la compatibilité dudit article 28 avec l’article 3, sous a) et b), du règlement no 4/2009, par décision déposée le 18 juillet 2013, l’Amtsgericht Karlsruhe a accepté de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 28, paragraphe 1, première phrase, de [l’AUG], qui prévoit que lorsqu’une partie n’a pas sa résidence habituelle sur le territoire national, l’Amtsgericht du siège de l’Oberlandesgericht dans le ressort duquel la partie défenderesse ou le créancier a sa résidence habituelle est alors exclusivement compétent pour connaître des demandes en matière d’obligations alimentaires dans les cas visés par l’article 3, sous a) et b), du règlement [no 4/2009], est‑il compatible avec cette dernière disposition?»

C – La procédure devant la Cour

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