Centro Europa 7 Srl v Ministero delle Comunicazioni e Autorità per le garanzie nelle comunicazioni and Direzione generale per le concessioni e le autorizzazioni del Ministero delle Comunicazioni.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:505
Docket NumberC-380/05
Celex Number62005CC0380
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 September 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. POIARES MADURO


présentées le 12 septembre 2007 (1)


Affaire C-380/05

Centro Europa 7 Srl

contre

Ministero delle Comunicazioni e Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni

et

Direzione Generale Autorizzazioni e Concessioni Ministero delle Comunicazioni

[demande de décision préjudicielle introduite par le Consiglio di Stato (Italie)]





1. Dans sa décision de renvoi rendue dans la présente affaire, le Consiglio di Stato (Italie) pose à la Cour toute une série de questions ayant pour objet la concurrence loyale, la libre prestation des services, la liberté d’expression, ainsi que le principe du pluralisme des médias. La procédure au principal concerne une société de télévision qui, plusieurs années après avoir obtenu des droits de radiodiffusion télévisuelle nationale dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, n’a pas encore reçu les fréquences nécessaires à l’exercice de ces droits. Entre-temps, la législation nationale a autorisé des opérateurs historiques à continuer leurs activités de radiodiffusion télévisuelle et à utiliser les fréquences radio, prolongeant ainsi, en réalité, une situation en contradiction avec le résultat de la procédure d’appel d’offres. J’aborderai les problèmes soulevés par la juridiction de renvoi principalement sous l’angle des règles relatives à la libre prestation des services.

I – Les faits, le cadre juridique national et la demande de décision préjudicielle

2. Le cadre juridique national est composé d’un ensemble complexe de lois et de décrets-lois, mais trois mesures législatives ont constitué, successivement, la pierre angulaire des règles régissant la radiodiffusion télévisuelle nationale: la loi nº 223/1990 (2), (ci-après la «loi Mammì») la loi nº 249/1997 (3) (ci-après la «loi Maccanico) et la loi nº 112/2004 (4). (ci‑après la «loi Gasparri»)

3. La loi Maccanico a été adoptée en juillet 1997, après que la Corte costituzionale (la Cour constitutionnelle) a jugé, dans un arrêt de décembre 1994 (5), que les dispositions antitrust de la loi Mammì étaient inadaptées pour prévenir les positions dominantes susceptibles de menacer le pluralisme des médias. La loi Maccanico a instauré l’Autorità per le garanzie nelle comunicazioni (autorité de régulation des télécommunications, «ART») et a introduit de nouvelles restrictions à la concentration sur le marché national de la radiodiffusion télévisuelle, dans l’objectif de garantir la concurrence et le respect du pluralisme. En vertu de la loi Maccanico, aucune entité n’était autorisée à émettre plus de 20 % des programmes télévisuels nationaux à compter du 30 avril 1998.

4. La loi Maccanico prévoyait également un régime transitoire pour les opérateurs historiques dont les chaînes existantes dépassaient le plafond de 20 %. Selon ce régime transitoire, ces opérateurs pouvaient continuer leurs émissions, à titre provisoire, après le 30 avril 1998, à condition que les émissions soient diffusées en même temps sur les ondes hertziennes et sur le satellite ou sur le câble. La loi disposait que les chaînes de télévision qui violaient le plafond devaient cesser la diffusion par voie hertzienne après l’adoption d’un plan national de répartition des fréquences.

5. Compte tenu des objectifs de la loi Maccanico, une procédure d’appel d’offres a été initiée en mars 1999 pour l’attribution des droits de radiodiffusion télévisuelle nationale sur les fréquences hertziennes. En raison de limitations techniques, le nombre de chaînes hertziennes ne pouvait pas dépasser onze. Trois canaux ont été réservés à la télévision publique et huit canaux au maximum étaient proposés aux opérateurs privés.

6. Ayant participé avec succès à la procédure d’appel d’offres, Centro Europa 7 srl (ci-après «Europa 7») a obtenu des droits de radiodiffusion télévisuelle nationale. Ces droits ont été octroyés par le décret ministériel du 28 juillet 1999, publié le 28 octobre de la même année. En ce qui concernait les fréquences spécifiquement attribuées, le décret se référait au plan national d’attribution qui devait encore être mis en œuvre. En vertu du décret, l’ART et le ministère des Télécommunications devaient mettre en œuvre le plan national de répartition dans les 24 mois à compter de la notification du décret. En cas d’«empêchements objectifs», ce délai pouvait être prorogé de 12 mois.

7. Le plan national de répartition des fréquences n’a pas été réalisé. Aucune fréquence n’a donc été attribuée à Europa 7 et, bien qu’elle ait obtenu les droits de radiodiffusion télévisuelle, elle n’a pas pu commencer à émettre. Entre-temps, une série de lois et de décisions de justice a autorisé les opérateurs historiques, y compris ceux qui avaient échoué dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, à continuer à émettre.

8. La loi nº 66/2001 (6), par exemple, qui réglementait le passage de la télévision analogique à la télévision numérique, autorisait ces opérateurs à continuer d’émettre sur des fréquences hertziennes jusqu’à la mise en œuvre d’un plan national de répartition des fréquences de diffusion numérique. Ce plan était censé entrer en application le 31 décembre 2002 au plus tard. Le délai est arrivé à échéance et aucun plan n’a été arrêté.

9. Dans un arrêt du 20 novembre 2002, la Corte costituzionale a jugé que le transfert des ondes hertziennes au câble ou au satellite des chaînes qui dépassaient le plafond antitrust de 20 % devait avoir lieu au plus tard le 31 décembre 2003, quel que soit l’état de développement de la télévision numérique (7). Cependant, en dépit de cet arrêt, la possibilité pour les opérateurs historiques de continuer à utiliser les fréquences hertziennes pour les chaînes dépassant le plafond antitrust a été à nouveau étendue par le décret nº 352/2003 (8) (transformé par la suite en loi nº 43/2004 (9)) et par la loi Gasparri.

10. La loi Gasparri a en effet autorisé les opérateurs historiques à utiliser les fréquences pour des chaînes dépassant le plafond antitrust, bloquant ainsi l’attribution de ces fréquences aux nouveaux opérateurs tels qu’Europa 7, jusqu’à la mise en œuvre d’un plan national d’attribution des fréquences de télévision numérique. De plus, en vertu de la loi Gasparri, seuls les opérateurs actifs pouvaient postuler pour l’octroi du droit d’utiliser des fréquences de télévision numérique. Enfin, la loi Gasparri a redéfini le plafond de 20 % introduit par la loi Maccanico.

11. Par conséquent, à la date pertinente, certains opérateurs de radiodiffusion télévisuelle nationale n’avaient pas obtenu de droits de radiodiffusion, mais demeuraient néanmoins autorisés à continuer leurs activités de radiodiffusion télévisuelle, en dépit du dépassement du plafond antitrust. Bien qu’elle ait obtenu des droits de radiodiffusion, Europa 7 ne pouvait pas commencer à émettre faute d’avoir reçu les fréquences nécessaires. En outre, Europa 7 n’étant pas un opérateur actif, elle ne pouvait pas obtenir des droits de radiodiffusion numérique.

12. À l’échéance du délai de 24 mois suivant la notification de l’expiration de sa licence de radiodiffusion, Europa 7 a saisi le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (le tribunal administratif régional du Latium). Elle a demandé qu’il soit enjoint aux autorités administratives compétentes d’attribuer les fréquences nécessaires et que ces autorités soient condamnées à payer des dommages et intérêts pour le préjudice subi jusque-là. À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où l’attribution de fréquences se révélait impossible, Europa 7 demandait réparation du préjudice. Le Tribunale amministrativo regionale del Lazio a jugé que Europa 7 ne disposait pas d’un droit subjectif («diritto soggettivo») à l’attribution de fréquences spécifiques et il a rejeté le recours dans son intégralité. Europa 7 a ensuite interjeté appel devant le Consiglio di Stato.

13. Au cours de la procédure nationale, les autorités italiennes ont invoqué pour leur défense le décret-loi nº 352/2003 et la loi Gasparri. Dans ce contexte, le Consiglio di Stato a adressé à la Cour une série de questions:

«1) Est-ce que l’article 10 de la CEDH [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales], auquel renvoie l’article 6 du traité sur l’Union européenne, garantit le pluralisme externe de l’information dans le secteur de la radiodiffusion télévisuelle, de sorte que les États membres sont tenus de garantir un pluralisme effectif et une concurrence effective dans ce secteur, fondée sur un système antitrust garantissant, en fonction du développement technologique, l’accès aux chaînes et la pluralité des opérateurs, sans qu’il soit possible de considérer comme licites des situations de duopole sur le marché?

2) Les dispositions du traité CE garantissant la libre prestation de services et la concurrence, telles qu’interprétées par la Commission dans la communication interprétative du 29 avril 2000 sur les concessions en droit communautaire, exigent-elles que les concessions soient octroyées selon des principes susceptibles d’assurer un traitement non discriminatoire et égalitaire, la transparence, la proportionnalité et le respect des droits des particuliers? Les dispositions de droit italien de l’article 3, paragraphe 7, de la loi n° 249/1997, et de l’article 1 du décret-loi n° 352 du 24 décembre 2003, devenu la loi n° 112/2004 [(10)] (loi Gasparri), sont-elles contraires auxdites dispositions et auxdits principes du traité, en ce qu’elles ont permis a des personnes exploitant des chaînes de radiodiffusion télévisuelle ‘excédant’ les limites antitrust de continuer à exercer sans interruption leur activité en excluant les opérateurs, tels que la société appelante, qui, bien que titulaires de la concession correspondante, obtenue à la suite d’une procédure régulière d’appel d’offres, n’ont pas pu exercer l’activité objet de la concession faute de se voir attribuer des fréquences (en raison de l’insuffisance ou de la rareté de...

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