Charles Defossez v Christian Wiart and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:689
Docket NumberC-477/09
Celex Number62009CC0477
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 November 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 17 novembre 2010 (1)

Affaire C‑477/09

Charles Defossez

contre

Christian Wiart, en qualité de mandataire liquidateur de Sotimon SARL

Office national de l’emploi fonds de fermeture d’entreprises

et

CGEA de Lille

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (France)]

«Politique sociale – Protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur – Directives 80/987/CEE et 2002/74/CE – Détermination de l’institution de garantie compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs – Possibilité, pour les travailleurs, de se prévaloir de la garantie plus favorable de l’institution auprès de laquelle l’employeur s’assure et cotise en application du droit national»





1. La présente demande de décision à titre préjudiciel porte sur l’interprétation de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (2), telle que modifiée par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (3).

2. Ladite demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Charles Defossez à M. Christian Wiart, en qualité de liquidateur de la société auprès de laquelle M. Defossez était employé avant d’être illicitement licencié, et porte sur les créances de salaires non versés à ce dernier à la suite de l’insolvabilité de son employeur. Dans le cadre de ce litige, il s’est posé, notamment, la question de la détermination de l’institution de garantie compétente pour le paiement des créances de M. Defossez.

I – Contexte législatif

A – Droit de l’Union

3. La directive 80/987 a été modifiée de façon substantielle à plusieurs reprises, d’abord par la directive 87/164/CEE (4), puis par la directive 2002/74, et, enfin, par l’acte d’adhésion de 1994 (5). Elle a été abrogée et remplacée par la directive 2008/94/CE (6).

4. La directive 2002/74 a introduit, entre autres, dans le texte de la directive 80/987, l’article 8 bis, sur lequel porte la question préjudicielle. Ledit article, qui figure à la section III bis, intitulée «Dispositions relatives aux situations transnationales», dispose:

«1. Lorsqu’une entreprise ayant des activités sur le territoire d’au moins deux États membres se trouve en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1, l’institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de l’État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail.

2. L’étendue des droits des salariés est déterminée par le droit régissant l’institution de garantie compétente.

3. Les États membres prennent les mesures nécessaires afin d’assurer que, dans les cas visés au paragraphe 1, les décisions prises dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité visée à l’article 2, paragraphe 1, dont l’ouverture a été demandée dans un autre État membre, sont prises en compte pour déterminer l’état d’insolvabilité de l’employeur au sens de la présente directive.»

5. L’article 9, premier alinéa, de la directive 80/987 dispose:

«La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs salariés.»

6. Le second alinéa du même article, également ajouté par la directive 2002/74, dispose:

«La mise en œuvre de la présente directive ne peut en aucun cas constituer un motif pour justifier une régression par rapport à la situation existant dans les États membres et relative au niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par celle-ci.»

7. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, de la directive 2002/74:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 8 octobre 2005. Ils en informent immédiatement la Commission.

Ils appliquent les dispositions visées au premier alinéa à tout état d’insolvabilité d’un employeur intervenu après la date de mise en vigueur de ces dispositions.»

8. La directive 2002/74 est entrée en vigueur le 8 octobre 2002.

B – Droit national

9. Aux termes de l’article L. 143-11-1, devenu l’article L. 3253-6 du code du travail, tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l’étranger ou expatriés mentionnés à l’article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

10. La directive 2002/74 a été transposée en droit français par le titre II de la loi n° 2008-89, du 30 janvier 2008, relative à la mise en œuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, lequel a introduit dans le code du travail les articles L.143-11-10 à L.143-11-15. En vert de l’article 6 de cette loi, les dispositions en question s’appliquent «aux procédures définies à l’article L. 143-11-10 du code du travail ouvertes à compter du premier jour du premier mois suivant la publication de la présente loi».

II – Procédure au principal et question préjudicielle

11. M. Defossez, requérant dans l’affaire au principal, a été employé, sur un chantier de la société VPK, en Belgique, d’abord en qualité de contremaître, puis comme chef d’équipe, initialement, à partir de mars 1997, au service de la société française EBM, puis, à compter de septembre 2000, au service de la société Sotimon SARL (ci-après «SOTIMON»), également française.

12. À la suite de son licenciement, en décembre 2003, le 15 janvier 2004, M. Defossez a saisi le conseil de prud’hommes de Dunkerque.

13. Par jugement du tribunal de commerce de Dunkerque du 1er juin 2004, la société Sotimon a été placée en liquidation judiciaire. Afin d’obtenir le paiement de ses créances salariales, M. Defossez a demandé, à titre principal, l’intervention du CGEA (Centre de gestion et d’études de l’AGS (7)) de Lille, et, à titre subsidiaire, celle du Fonds de fermeture des entreprises (FFE) de l’Office national de l’emploi (ONEM) en Belgique.

14. Par jugement du 30 juin 2006, le conseil des prud’hommes de Dunkerque a déclaré que le licenciement de M. Defossez était sans cause «réelle et sérieuse», et a fixé le montant des droits impayés de ce dernier à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Sotimon. Ce jugement a été déclaré opposable au CGEA.

15. Par arrêt du 31 janvier 2008, la cour d’appel de Douai a modifié le montant des droits impayés de M. Defossez e a déclaré l’arrêt opposable au FFE, en mettant hors de cause le CGEA de Lille.

16. M. Defossez s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.

17. Estimant qu’une interprétation de l’article 8 bis de la directive 80/987, telle que modifiée par la directive 2002/74, était nécessaire, la Cour de cassation a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«L’article 8 bis de la directive [80/987], telle que modifiée par la directive [2002/74], qui prévoit dans son premier alinéa que, lorsqu’une entreprise ayant des activités sur le territoire d’au moins deux États membres se trouve en état d’insolvabilité, l’institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de l’État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail et, dans son deuxième alinéa, que l’étendue des droits des salariés est déterminée par le droit régissant l’institution de garantie compétente, doit-il être interprété comme désignant l’institution compétente à l’exclusion de toute autre, ou, compte tenu de la finalité de la directive, qui est de consolider les droits des travailleurs faisant usage de leur liberté de circulation et du premier alinéa de l’article 9 de cette même directive, aux termes duquel elle ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs salariés, doit-il être interprété comme ne privant pas le salarié du droit de se prévaloir, en lieu et place de la garantie de cette institution, de celle plus favorable de l’institution auprès de laquelle son employeur s’assure et cotise en application du droit national?»

III – Procédure devant la Cour

18. Ont déposé des observations écrites, conformément à l’article 23 du statut de la Cour, M. Defossez, le CGEA de Lille, les gouvernements français, espagnol, finlandais, danois, suédois, et du Royaume-Uni, l’Irlande, ainsi que la Commission.

19. À l’audience du 7 octobre 2010, sont intervenus le CGEA de Lille, les gouvernements français, danois et finlandais, l’Irlande, ainsi que la Commission.

IV – Sur la question préjudicielle

A – Sur l’applicabilité de l’article 8 bis de la directive 80/987 aux faits dans l’affaire au principal

1. Sur l’application ratione temporis

20. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2002/74, les États membres appliquent les dispositions nécessaires à sa transposition en droit interne «à tout état d’insolvabilité d’un employeur intervenu après la date de mise en vigueur de ces dispositions» (8). Le délai prévu pour la transposition de la directive expirait le 8 octobre 2005 (article 2, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2002/74).

21. La loi n° 2008-89, portant dispositions de transposition de la directive 2002/74 en droit français, a été adoptée le 30 janvier 2008. Conformément à son article 6, ces dispositions s’appliquent aux procédures ouvertes après la date de publication de la loi.

22. En l’espèce, Sotimon a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce...

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