Gesellschaft für Antriebstechnik mbH & Co. KG v Lamellen und Kupplungsbau Beteiligungs KG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:539
Date16 September 2004
Celex Number62003CC0004
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-4/03

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. GEELHOED

présentées le 16 septembre 2004 (1)

Affaire C-4/03

Gesellschaft für Antriebstechnik mbH & Co. KG (GAT)

contre

Lamellen und Kupplungsbau Beteiligungs KG (LuK)

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (Allemagne)]

«Interprétation de l’article 16, point 4, de la convention de Bruxelles – Compétence exclusive ‘en matière de [...] validité de brevets’ – Cette compétence exclusive englobe-t-elle le recours en constatation de contrefaçon (ou de non-contrefaçon) au cours duquel une partie invoque l’invalidité du brevet?»





I – Introduction

1. Dans cette affaire, l’Oberlandsgericht Düsseldorf (Allemagne) a saisi la Cour d’une question préjudicielle portant sur l’article 16, point 4, de la convention du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (2) (ci-après la «convention de Bruxelles»). Dans certaines hypothèses, cette disposition octroie une compétence exclusive aux juridictions de l’État contractant sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement du brevet a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué.

2. Plus particulièrement, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la compétence exclusive ne s’applique que dans le cadre d’une action (avec effets erga omnes) en nullité d’un brevet ou également dans le cadre d’une action en contrefaçon d’un brevet, lorsque l’une des parties fait valoir la validité ou la nullité du brevet.

3. Dans le cadre d’une procédure en contrefaçon d’un brevet, le défendeur peut invoquer la nullité du brevet. De la même manière, dans le cadre d’une action visant à faire constater la non-contrefaçon, le demandeur peut invoquer l’invalidité ou la nullité du brevet pour soutenir qu’il ne peut pas être question de contrefaçon. Cette dernière situation s’est présentée dans le litige principal. Le juge de renvoi souhaite concrètement savoir s’il est important que le juge saisi de la demande retienne fondée ou non l’exception de nullité ou d’invalidité et également si le moment auquel cette exception est soulevée au cours de la procédure joue un rôle.

4. L’article 16, point 4, de la convention de Bruxelles constitue une exception au principe fondamental de l’article 2 de la même convention. Cet article 2 stipule que le défendeur domicilié sur le territoire d’un État contractant est attrait, quelle que soit sa nationalité, devant les juridictions de cet État. Cet article se fonde sur l’adage «actor sequitur forum rei». Ce même article 2 vise donc à protéger les droits du défendeur. Selon une jurisprudence constante de la Cour, les dérogations à l’article 2 doivent – en raison du caractère général de ce principe – faire l’objet d’une interprétation stricte (3).

5. D’un autre côté, une interprétation large de l’article 16, point 4, de la convention de Bruxelles favorise la sécurité juridique et diminue les risques de décisions contradictoires. La compétence de trancher la question de la validité d’un brevet appartient toujours à la même juridiction. De manière plus importante encore, il n’est pas souhaitable d’interpréter cet article 16, point 4, en ce sens que le choix du demandeur d’engager une action en nullité ou une action en non‑contrefaçon détermine la compétence judiciaire. Le choix du for est à bannir dans la mesure la plus large possible.

II – Le cadre juridique, factuel et procédural

6. L’article 2 de la convention de Bruxelles, inséré au titre II, section 1, intitulée «Dispositions générales», s’énonce comme suit:

«Sous réserve des dispositions de la présente convention, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État. […]».

7. L’article 16, point 4, de la convention de Bruxelles, inséré au titre II, section 5, intitulée «compétences exclusives» dispose:

«Sont seuls compétents, sans considération de domicile: en matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement, les juridictions de l’État contractant sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d’une convention internationale.»

8. La convention de Bruxelles a entre-temps été remplacée par le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (4). Ce règlement ne régit toutefois pas l’affaire qui nous occupe, étant donné qu’il ne s’applique qu’aux procédures engagées et aux actes authentiques passés après son entrée en vigueur le 1er mars 2002, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

9. La question a été soulevée dans un litige pendant entre Gesellschaft für Antriebstechnik mbH & Co. KG (GAT) (ci-après «GAT», établie à Alsdorf (demanderesse au principal), et Lamellen und Kupplungsbau Beteiligungs KG (LuK) (ci-après «LuK»), établie à Bühl. Les parties sont concurrentes en matière de technique automobile.

10. La demanderesse au principal a essayé de se faire attribuer un marché de Ford-Werke AG, Cologne, ayant pour objet la livraison d’un amortisseur à fluide mécanique. La défenderesse au principal a fait valoir que la demanderesse agissait notamment en violation de brevets français dont elle est titulaire. La demanderesse a introduit une action en constatation de non‑contrefaçon devant le Landgericht Düsseldorf en vue de faire constater en droit que la défenderesse ne pouvait faire valoir aucun droit sur la base des brevets français en invoquant à cet effet leur nullité ou leur invalidité.

11. Le Landgericht a retenu sa compétence internationale pour connaître de l’action en contrefaçon des brevets français. Il s’est également déclaré compétent pour connaître du litige concernant la nullité ou l’invalidité des brevets. Selon la décision de renvoi adressée à la Cour, il se fondait à cet effet sur une interprétation restrictive de l’article 16, point 4, de la convention de Bruxelles qui s’impose pour éviter qu’une juridiction ne perde sa compétence dès lors que le défendeur à une action en contrefaçon invoque la nullité du brevet en cause.

12. Le Landgericht a rejeté l’action de la demanderesse au principal et décidé que les brevets remplissaient les conditions de brevetabilité. La demanderesse a interjeté appel de cette décision devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf. Dans le cadre de l’instruction de ce recours, l’Oberlandesgericht a posé la question préjudicielle reprise au point 2.

13. Dans la décision de renvoi, l’Oberlandesgericht souligne notamment que, quelle que soit la solution retenue, il existe un risque de décisions contradictoires. Cette juridiction estime également qu’il est important de souligner que l’octroi d’un brevet est un acte de souveraineté qu’il est préférable de soumettre au contrôle des juridictions de l’État concerné et non des juridictions étrangères. L’Oberlandesgericht estime que l’article 16, point 4, de la convention de Bruxelles vise également à mettre en œuvre ce point de vue.

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