H. N. v Minister for Justice, Equality and Law Reform and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:714
Date07 November 2013
Celex Number62012CC0604
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-604/12
62012CC0604

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 7 novembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑604/12

H. N.

contre

Minister for Justice, Equality and Law Reform

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Irlande)]

«Système européen commun d’asile — Directive 2004/83/CE — Normes minimales relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire — Directive 2005/85/CE — Normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres — Règle de procédure nationale subordonnant l’examen d’une demande de protection subsidiaire au rejet préalable d’une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié — Admissibilité — Respect du droit à une bonne administration — Célérité et impartialité de la procédure d’examen»

1.

Le présent renvoi préjudiciel soulève une nouvelle fois la question de l’organisation de la procédure d’octroi d’une protection internationale en Irlande et s’inscrit dans la lignée des arrêts M. ( 2 ) ainsi que D. et A. ( 3 ).

2.

En particulier, la Supreme Court (Irlande) demande à la Cour si une règle de procédure nationale qui subordonne l’examen d’une demande de protection subsidiaire au rejet préalable d’une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié satisfait aux exigences de la directive 2004/83/CE ( 4 ) et, en particulier, au principe d’une bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 5 ).

3.

La protection subsidiaire est une protection internationale qui, conformément à l’article 2, sous e), de la directive 2004/83, s’adresse aux ressortissants de pays tiers qui ne peuvent pas être considérés comme des réfugiés, mais pour lesquels il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’ils courraient un risque réel de subir des atteintes graves une fois de retour dans leur pays d’origine.

4.

Dans le cadre du régime d’asile européen commun, la protection subsidiaire complète les règles relatives au statut de réfugié établies par la convention relative au statut des réfugiés ( 6 ). La majorité des États membres a alors adopté une procédure unique au cours de laquelle ils examinent la demande d’asile introduite par l’intéressé à la lumière des deux formes de protection internationale. L’Irlande a, quant à elle, conservé un système plus compartimenté en instituant deux procédures distinctes. Ainsi, une demande de protection subsidiaire ne peut être introduite en Irlande qu’à partir du moment où la procédure tendant au bénéfice du statut de réfugié est épuisée et où le Minister for Justice, Equality and Law Reform a notifié à l’intéressé son intention d’adopter un arrêté de reconduite à la frontière à son égard. Dans le cadre de ce système – comme dans le cadre de tout autre système d’ailleurs –, un individu n’a pas la possibilité d’introduire une demande autonome tendant au seul bénéfice de la protection subsidiaire.

5.

C’est en application de cette législation que le Minister for Justice, Equality and Law Reform a rejeté la demande de protection subsidiaire introduite par M. N.

6.

Ce dernier est un ressortissant pakistanais demeurant en Irlande depuis l’année 2003. M. N. a, tout d’abord, bénéficié d’un visa d’étudiant, avant d’obtenir un titre de séjour valable jusqu’au 31 décembre 2005 en raison de son mariage avec une ressortissante irlandaise. Le 23 février 2006, le Minister for Justice, Equality and Law Reform a notifié à M. N. son intention d’adopter un arrêté de reconduite à la frontière au motif que son titre de séjour n’avait pas été renouvelé, M. N. étant séparé de son épouse. Ce dernier est toutefois resté sur le territoire irlandais en tant qu’étudiant et a obtenu un diplôme en sciences économiques en 2007. Il a, en outre, introduit une action en justice contre le Minister for Justice, Equality and Law Reform et l’État irlandais en soutenant que la législation relative à la reconduite à la frontière était partiellement contraire à la Constitution.

7.

M. N. n’a jamais présenté de demande d’asile en Irlande. Il explique qu’il ne craint pas d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social et que, partant, il n’est pas un réfugié au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2004/83. Néanmoins, il soutient qu’il risquerait de subir des atteintes graves s’il devait être renvoyé au Pakistan en raison, notamment, de la violence aveugle qui règne dans la vallée de Swat, où sa famille réside.

8.

Par conséquent, M. N. a introduit une demande de protection subsidiaire le 16 juin 2009. Le Minister for Justice, Equality and Law Reform a rejeté cette demande au motif qu’il n’avait pas, au préalable, introduit de demande tendant au bénéfice du statut de réfugié. À la suite du rejet du recours en annulation qu’il avait introduit à l’encontre de cette décision devant la High Court (Irlande), M. N. a formé un pourvoi en cassation devant la Supreme Court.

9.

Dans la mesure où cette règle de procédure nationale soulève des préoccupations relatives à l’efficacité, à l’impartialité ainsi qu’à la durée de la procédure, la Supreme Court a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La directive 2004/83[...], interprétée à la lumière du principe de bonne administration en droit de l’Union, notamment tel qu’il est consacré à l’article 41 de la Charte [...], autorise-t-elle un État membre à inscrire dans son droit qu’une demande tendant au bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire ne saurait être examinée que si elle a été précédée du rejet d’une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié en vertu du droit national?»

10.

En d’autres termes, dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 2004/83, le respect du droit à une bonne administration contraint-il un État membre à introduire une procédure autonome aux fins de l’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire?

11.

Si la question que pose la juridiction de renvoi à la Cour vise la compatibilité de la législation irlandaise avec le droit de l’Union, elle concerne, en réalité, une règle de procédure que nous rencontrons dans l’ensemble des États membres. En effet, quelle que soit l’architecture de la procédure d’examen, qu’il s’agisse d’un guichet unique ou d’une procédure telle que celle en cause dans l’affaire au principal, l’autorité nationale compétente examine toujours si l’intéressé est éligible au statut de réfugié avant d’examiner s’il peut bénéficier d’une protection subsidiaire. En ce sens, la procédure irlandaise ne se distingue donc pas tant des procédures instituées dans les autres États membres. En outre, aucun des systèmes ne prévoit, à l’heure actuelle, l’introduction d’une procédure autonome aux fins de l’octroi de la protection subsidiaire.

12.

Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous considérons que, dans le cadre de la procédure d’examen d’une demande d’asile, le principe de bonne administration doit avant tout garantir une détermination correcte du besoin de protection internationale, ce qui nécessite une évaluation exhaustive de la demande à la lumière des deux formes de protection internationale. Nous expliquerons, dès lors, pourquoi nous sommes convaincu que, en exigeant un examen préalable de la demande sous l’angle des conditions fixées pour obtenir le statut de réfugié, la règle de procédure en cause permet de garantir à celui qui recherche légitimement une protection internationale l’octroi d’un statut approprié ainsi que l’accès effectif aux droits qui lui sont conférés par la directive 2004/83, et ce sur la base d’un examen conforme à l’esprit et aux textes gouvernant le régime d’asile européen commun.

I – Le droit irlandais

13.

En Irlande, la procédure d’examen d’une demande de protection internationale se caractérise par une multiplicité d’étapes procédurales.

14.

Les règles de procédure relatives aux demandes tendant à l’obtention du statut de réfugié sont fixées par la loi de 1996 sur les réfugiés (Refugee Act 1996) ( 7 ).

15.

En vertu de l’article 8 de la loi sur les réfugiés, la demande d’asile est effectuée auprès du Refugee Applications Commissioner. L’article 11 de cette loi prévoit que ce membre de l’Office of the Refugee Applications Commissioner (service du commissaire chargé des demandes d’asile) est chargé de s’entretenir avec le demandeur ainsi que d’effectuer les enquêtes et les demandes de renseignements nécessaires. Ledit membre rédige, ensuite, un rapport dans lequel il fait une recommandation positive ou négative quant à l’octroi du statut de réfugié au demandeur concerné et communique ce rapport au Minister for Justice, Equality and Law Reform ( 8 ).

16.

Conformément à l’article 17, paragraphe 1, de la loi sur les réfugiés, si la recommandation du Refugee Applications Commissioner est positive, le Minister for Justice, Equality and Law Reform est tenu d’accorder le statut de réfugié au demandeur concerné. Dans le cas où il serait recommandé de ne pas octroyer le statut de réfugié au demandeur, ce dernier peut, en vertu de l’article 16 de cette loi, faire appel de la recommandation devant le Refugee Appeals Tribunal (Irlande). Dans l’hypothèse où ce dernier donnerait raison au demandeur d’asile et estimerait que la recommandation doit être positive, le Minister for Justice, Equality and Law Reform est tenu, conformément à l’article 17, paragraphe 1, de ladite loi, d’accorder le statut de réfugié. Dans le cas contraire, si le Refugee...

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