01051 Telecom GmbH v Deutsche Telekom AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:614
Docket NumberC-306/06
Celex Number62006CC0306
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 October 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. POIARES MADURO

présentées le 18 octobre 2007 (1)

Affaire C‑306/06

01051 Telecom GmbH

contre

Deutsche Telekom AG

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Köln (Allemagne)]

«Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales – Droit du créancier de réclamer des intérêts de retard»





1. Par le présent renvoi préjudiciel, l’Oberlandesgericht Köln (Allemagne) pose à la Cour une question concernant l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous c), ii), de la directive 2000/35/CE du Parlement et du Conseil, du 29 juin 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (2).

2. En substance, il est demandé à la Cour si la disposition susmentionnée précitée selon laquelle, dans plusieurs versions linguistiques et, notamment, dans la version allemande, le créancier est en droit de réclamer des intérêts de retard lorsque «il n’a pas reçu le montant dû à l’échéance, à moins que le débiteur ne soit pas responsable du retard» implique, lorsque le règlement s’effectue par virement bancaire, que la somme à payer soit créditée sur le compte du créancier à temps ou s’il suffit‑il, pour éviter ou mettre un terme aux intérêts de retard, que l’ordre de virement soit exécuté dans les délais.

3. Précisons dès à présent que, si cette question peut surprendre à la lumière de certaines versions linguistiques (3) dans lesquelles il n’est pas toujours fait référence à la réception du montant dû à l’échéance, cela ne remet pas en cause la question centrale de cette affaire qui reste celle relative à la répartition du risque entre le créancier et le débiteur lorsque ce dernier n’est pas directement responsable du retard de paiement.

I – Le litige au principal, le cadre juridique et la question préjudicielle

4. Le litige au principal oppose 01051 Telecom GmbH (ci‑après la «requérante») à Deutsche Telekom AG (ci‑après «Deutsche Telekom») au sujet du paiement d’intérêts de retard. Ces deux sociétés fournissent des services de télécommunication destinés au public et aux exploitants de réseaux. Deutsche Telekom offre, en outre, des services de facturation à d’autres opérateurs tels que la requérante.

5. Depuis 1998, les deux opérateurs sont liés par un contrat d’interconnexion selon lequel les parties se facturent mutuellement les prestations fournies dans le cadre de ce contrat et calculent sur sa base les sommes dues. Cet accord a fait l’objet de plusieurs modifications. La dernière version en date du 26 juin 2002 prévoit, en matière de retard de paiement, à l’article 17.5:

«Il y a retard, à moins qu’il n’ait été déjà établi par une mise en demeure, 30 jours après l’échéance et la réception de la facture.»

6. Par ailleurs, les parties ont conclu, au cours de l’année 2001 un contrat de facturation et de recouvrement des créances prévoyant, à son point 8, que:

«Le partenaire contractuel peut le 15 ou le dernier jour du mois civil, facturer à la Deutsche Telekom les sommes nettes reconnues par la Deutsche Telekom comme pouvant être facturées, plus TVA, pour les prestations fournies à celle‑ci. La somme facturée doit être créditée sur le compte indiqué dans la facture ou compensée au plus tard 30 jours après réception de la facture.»

7. La société requérante défend le point de vue selon lequel la disposition susmentionnée du contrat de facturation et de recouvrement des créances devrait être appliquée dans le cadre du contrat d’interconnexion, de sorte que la prévention ou la fin du retard de paiement et de l’obligation de payer des intérêts de retard dépend, entre autres conditions, de la réception ou de l’inscription au compte de la somme facturée. Aussi s’est‑elle estimée en droit de réclamer le paiement d’intérêts de retard à Deutsch Telekom pour la somme résiduelle après compensation opérée dans la mesure où, au trentième jour suivant la réception de la facture, l’inscription intégrale sur son compte de la somme à payer n’avait pas été réalisée.

8. La défenderesse défend au contraire le point de vue que le prétendu accord ne serait pas réalisé. Elle avance qu’elle aurait déjà payé les sommes dues en vertu du contrat d’interconnexion en adressant, à temps, à sa banque, des ordres de virements que celle‑ci a reçus.

9. Le juge de première instance et le juge d’appel s’accordent pour exclure la transposition du contrat de facturation et de recouvrement des créances au contrat d’interconnexion. Dans ces conditions et en l’absence de toute précision dans le contrat d’interconnexion du moment à partir duquel les intérêts de retard commencent à courir dans l’hypothèse d’un paiement par virement, c’est le droit national qui trouve à s’appliquer.

10. L’article 269 du code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch –ci‑après le «BGB») dispose:

«1. Lorsque le lieu de la prestation n’est pas déterminé ni susceptible de l’être par ce qui ressort des circonstances et en particulier, de la nature de l’obligation, l’exécution de la prestation doit avoir lieu à l’endroit où le débiteur était domicilié au moment de la naissance de la dette.

2. Lorsque l’obligation a pris naissance dans le cadre de l’exercice d’un commerce ou d’une industrie du débiteur et lorsque ce dernier avait son établissement commercial ou industriel à un autre lieu que son domicile, le lieu de cet établissement est substitué à celui du domicile.

3. Le seul fait que le débiteur se soit chargé des frais d’expédition ne permet pas de conclure que le lieu où l’expédition doit être effectuée doit être celui de la prestation.»

11. L’article 270 du BGB est libellé comme suit:

«1. Dans le doute, c’est à ses propres risques et à ses propres frais que le débiteur doit faire parvenir l’argent au domicile du créancier.

2. Lorsque la créance est née dans le cadre d’un commerce ou d’une industrie du créancier et lorsque ce dernier a son établissement commercial ou industriel à un autre lieu que son domicile, le lieu de cet établissement est substitué à celui du domicile.

3. Lorsque, par suite d’un changement de domicile ou d’établissement commercial ou industriel appartenant au créancier, intervenu postérieurement à la naissance de la dette, les frais ou les risques d’envoi s’amplifient, le créancier doit supporter l’excédent des frais dans le premier cas et les risques dans le second.

4. Les dispositions relatives au lieu de l’exécution de la prestation restent inchangées.»

12. Dans leur expression acquise à travers la jurisprudence et la doctrine nationales, il appert de ces articles qu’en cas de paiement par virement, comme c’est le cas en l’espèce, la prestation est considérée comme réalisée à temps lorsque (i) l’ordre de virement est parvenu à l’établissement financier du débiteur avant l’expiration du délai, (ii) le compte du débiteur est couvert ou bénéficie d’une ligne de crédit d’un montant suffisant et (iii) l’établissement financier du débiteur accepte l’ordre de virement. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire que la somme soit physiquement créditée sur le compte du créancier pour que le paiement soit réalisé.

13. Enfin, dans sa version modifiée en vue de transposer la directive 2000/35, l’article 286 du BGB prévoit:

«1. Si le débiteur ne s’acquitte pas de son obligation sur un rappel du créancier, émis après l’échéance, il est constitué en demeure par l’effet de ce rappel. L’introduction d’une action en vue d’obtenir l’exécution de la prestation et la notification d’une injonction de payer dans le cadre de la procédure correspondante sont assimilées à un rappel.

2. Le rappel est inutile lorsque

i. la date de l’exécution de la prestation a été fixée en fonction du calendrier,

ii. l’exécution de la prestation doit être précédée d’un évènement précis et une période adéquate a été prévue pour la réalisation de la prestation, de façon telle qu’elle peut être calculée en fonction du calendrier à partir dudit évènement,

iii. le débiteur refuse sérieusement et définitivement de s’acquitter de son obligation,

iv. la constitution en demeure immédiate est justifiée, pour des raisons particulières et compte tenu des intérêts des deux parties en présence.

3. Le débiteur d’une créance est constitué en demeure au plus tard trente jours après l’échéance et la réception d’une facture ou d’une demande de paiement équivalente s’il n’a pas payé auparavant; cela ne vaut pour un débiteur qui est aussi consommateur que si la facture ou la demande de paiement contient une référence explicite à cette conséquence. Si la date de réception de la facture ou de la demande de paiement n’est pas certaine, le débiteur, s’il n’est pas consommateur, est constitué en demeure au plus tard trente jours après l’échéance et la réception de la contre‑prestation.

4. Le débiteur n’est pas constitué en demeure aussi longtemps que la prestation n’a pas lieu par suite d’une circonstance dont il n’est pas responsable.»

14. La directive 2000/35 sur le retard de paiement ainsi transposée prévoit, notamment, à son article 3:

«1. Les États membres veillent à ce que:

a) des intérêts au sens du point d) soient exigibles le jour suivant la date de paiement ou la fin du délai de paiement fixée...

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