P & O European Ferries (Vizcaya) SA (C-442/03 P) and Diputación Foral de Vizcaya (C-471/03 P) v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:91
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-442/03,C-471/03
Date09 February 2006
Celex Number62003CC0442
Procedure TypeRecurso de anulación

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Antonio Tizzano

présentées le 9 février 2006 (1)

Affaires jointes C-442/03 P et C-471/03 P

P & O European Ferries (Vizcaya) SA

et

Diputación Foral de Vizcaya

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi contre un arrêt du Tribunal de première instance – Caractère prétendument tardif dudit pourvoi – Recevabilité – Autorité de la chose jugée – Exception – Caractère d’ordre public – Existence-Conditions – Aides d’État – Compatibilité – Conditions – Principe de l’investisseur privé – Portée – Nécessité de l’intervention des pouvoirs publics – Confiance légitime – Conditions»





1. Les présentes affaires ont pour objet un pourvoi formé par P & O European Ferries (Vizcaya) SA (ci-après «P & O») et par la Diputación Foral de Vizcaya (le conseil provincial de Biscaye, ci-après la «Diputación») contre l’arrêt rendu le 5 août 2003 par le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans les affaires jointes P & O European Ferries et Diputación Foral de Vizcaya/Commission (2) (T‑116/01 et T‑118/01, ci-après l’«arrêt attaqué»), qui a confirmé dans son intégralité la décision 2001/247/CE de la Commission, du 29 novembre 2000 (3) (ci-après la «décision attaquée»), relative au régime d’aide appliqué par l’Espagne en faveur de la compagnie maritime P & O, dénommée à cette époque «Ferries Golfo de Vizcaya».

I – Cadre juridique

2. Comme on le sait, l’article 87, paragraphe 1, CE consacre, sauf dérogation prévue par ce même traité, l’incompatibilité avec le marché commun des aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges entre États membres en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

3. L’article 88, paragraphe 3, CE prévoit quant à lui que les projets tendant à instituer ou à modifier des aides doivent être notifiés en temps utile à la Commission, et que les États membres ne peuvent mettre à exécution les mesures projetées avant qu’elle n’ait pris une décision.

4. En outre, en adoptant le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil (4), la Communauté européenne s’est dotée d’un corps de règles procédurales détaillé aux fins de l’application des dispositions communautaires en matière de contrôle des aides d’État.

II – Faits et procédure

Les faits à l’origine du litige

5. Eu égard à la complexité des faits faisant l’objet des présentes affaires, qui de surcroît ont déjà donné lieu à deux arrêts du Tribunal, ainsi qu’à leur déroulement sur une période relativement étendue, nous nous bornerons ici à résumer les principaux faits pertinents aux fins de la présente procédure.

6. L’ensemble de cette affaire a pour origine un accord (ci-après l’«accord initial») conclu le 9 juillet 1992 entre la Diputación et le ministère du Commerce et du Tourisme basque, d’une part, et la compagnie de transport maritime aujourd’hui dénommée P & O, d’autre part. Cet accord portait sur l’établissement d’un service de transbordeurs entre Bilbao et Portsmouth et prévoyait l’acquisition, pour la période 1993-1996, d’un certain nombre de bons de voyage par les autorités signataires contre paiement d’une contrepartie fixée dans l’accord. Ce dernier n’a jamais été notifié à la Commission.

7. Cependant, dès le 21 septembre de la même année, une société de transport maritime concurrente, la société Bretagne Angleterre Irlande (ci-après la «BAI»), a saisi la Commission d’une plainte dénonçant les subventions qui auraient été accordées à P & O par la Diputación et par le gouvernement basque. Après avoir recueilli les informations nécessaires, la Commission a décidé, le 29 septembre 1993, d’engager la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE) (5).

8. À l’issue d’un examen préliminaire, elle est parvenue à la conclusion que l’accord initial ne constituait pas une transaction commerciale normale, mais une aide d’État au sens de l’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE), aide qui ne semblait pas réunir les conditions requises pour être compatible avec le marché commun.

9. Les considérations de la Commission se basaient notamment sur le fait que le prix convenu pour l’acquisition des bons de voyage par les autorités signataires était supérieur au tarif commercial ordinaire et que l’accord contenait un engagement public à éponger toutes les pertes subies par P & O au cours des trois premières années d’exploitation du nouveau service. La Commission a donc estimé que l’accord avait éliminé tout risque commercial pour P & O.

10. À la suite de la notification de la décision d’ouverture de la procédure, le gouvernement basque a fait savoir à la Commission qu’il avait suspendu l’exécution de l’accord. À la même époque, P & O a entretenu une longue correspondance avec la Commission au cours de la procédure administrative d’examen de la mesure pour définir le type d’accord qui pouvait être conclu entre la compagnie de transport maritime et les pouvoirs publics sans violer les dispositions communautaires en matière d’aides.

11. Dans ce contexte, P & O a communiqué, par lettre du 27 mars 1995 (ci‑après la «lettre du 27 mars 1995») adressée à un fonctionnaire de la direction générale (DG) «Transports» de la Commission (6), un nouvel accord (ci-après le «nouvel accord» ou la «mesure contestée»), conclu le 7 mars 1995 entre la Diputación et P & O. Cet accord, valable pour la période allant de 1995 à 1998, prévoyait que la Diputación s’engageait à acquérir un total de 46 500 bons de voyage à utiliser sur la ligne maritime Bilbao-Portsmouth, exploitée par P & O, et fixait la contrepartie financière ainsi que les autres conditions de cette acquisition.

12. Le 7 juin 1995, la Commission a décidé de clôturer la procédure ouverte le 29 septembre 1993 (7) (ci-après la «décision du 7 juin 1995»), en relevant que le nouvel accord comportait de nombreuses modifications par rapport à la version précédente. En particulier, il prévoyait désormais que le gouvernement basque n’était plus partie à l’accord, que le prix des bons était déterminé selon de nouveaux paramètres et était donc moins élevé que celui convenu dans l’accord initial, et que de nombreux autres points dudit accord – qui avaient également suscité antérieurement des réserves de la part de la Commission – avaient été supprimés. Sur la base de ces considérations, la Commission a donc déclaré que le nouvel accord ne constituait pas une aide d’État.

13. Toutefois, cette décision a été immédiatement attaquée devant le Tribunal par la BAI en sa qualité de concurrente de P & O et de plaignante, le Royaume d’Espagne et P & O intervenant dans la procédure juridictionnelle au soutien de la Commission.

14. Par arrêt du 28 janvier 1999, BAI/Commission (8) (T‑14/96), le Tribunal a annulé la décision du 7 juin 1995 au motif que le nouvel accord ne constituait pas une transaction commerciale normale et que, par conséquent, la Commission avait fait une appréciation erronée de cet accord en application de l’article 87, paragraphe 1, CE.

15. En particulier, le Tribunal a observé que les sommes globales payées à P & O par l’autorité publique sur la base du nouvel accord non seulement n’avaient pas diminué par rapport à celles qui étaient prévues par l’accord initial, mais étaient même légèrement supérieures. En effet, malgré la réduction du prix unitaire de référence, le nombre total de bons de voyage acquis avait augmenté de manière significative (46 500 bons au lieu des 26 000 prévus à l’origine). En outre, le Tribunal a relevé que le nombre de bons acquis n’avait nullement été fixé en fonction des besoins réels de l’acquéreur. Enfin, cette augmentation du nombre de bons n’aurait entraîné pour P & O aucun coût supplémentaire puisqu’ils ne pouvaient être utilisés qu’en basse saison. Le juge de première instance en a conclu que les effets du nouvel accord sur la concurrence étaient en substance les mêmes que ceux qui étaient imputables à l’accord initial (9).

16. À la lumière de cet arrêt, la Commission a décidé, le 26 mai 1999 (10), d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, en ce qui concerne le nouvel accord. Selon la Commission en effet, les autorités basques avaient artificiellement augmenté le nombre de bons à acheter à P & O afin de compenser la réduction de leur prix et donc de maintenir l’aide financière publique accordée à la compagnie maritime aux niveaux convenus dans l’accord initial.

17. Par la décision attaquée (11), adoptée à l’issue de cette procédure, la Commission a déclaré que le nouvel accord constituait une aide d’État incompatible avec le marché commun (article 1er) et a donc ordonné au Royaume d’Espagne de récupérer les sommes déjà versées (article 2).

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18. Cette décision a été à son tour attaquée devant le Tribunal tant par la Diputación que par P & O; mais, alors que cette dernière s’est contentée de demander l’annulation de l’injonction faite au Royaume d’Espagne de récupérer les aides déjà versées, la Diputación a demandé l’annulation de la décision dans son intégralité.

19. À l’appui de la légalité de l’accord rejeté par la Commission, les deux requérantes ont souligné à titre liminaire que l’aide litigieuse avait été dûment notifiée à la Commission par le bénéficiaire au moyen de la lettre du 27 mars 1995.

20. Sur le fond, ensuite, elles ont invoqué une série de moyens relatifs tant à des éléments substantiels de la décision qu’à des vices qui se seraient prétendument produits durant la procédure administrative qui s’est déroulée devant les services de la Commission. Ces griefs portaient essentiellement sur les points suivants: a) la qualification de la mesure litigieuse d’aide d’État; b) la violation du droit de propriété et de l’article 295 CE; c) la non-application de l’exemption prévue à l’article 87, paragraphe 2, point a), CE; d) la...

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