Unión de Pequeños Agricultores v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:197
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-50/00
Date21 March 2002
Celex Number62000CC0050
Procedure TypeRecurso de anulación
EUR-Lex - 62000C0050 - FR 62000C0050

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 21 mars 2002. - Unión de Pequeños Agricultores contre Conseil de l'Union européenne. - Pourvoi - Règlement (CE) nº 1638/98 - Organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses - Recours en annulation - Personne individuellement concernée - Protection juridictionnelle effective - Recevabilité. - Affaire C-50/00 P.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-06677


Conclusions de l'avocat général

Introduction

1 Dans la présente affaire, une association d'agriculteurs fait appel d'une ordonnance du Tribunal de première instance (1) ayant rejeté comme manifestement irrecevable son recours en annulation du règlement (CE) n_ 1638/98 (2) qui a modifié de manière substantielle l'organisation commune du marché de l'huile d'olive, au motif que les membres de l'association n'étaient pas concernés de manière individuelle par les dispositions du règlement au sens de l'article 230, paragraphe 4, CE.

2 L'article 230, paragraphe 4, CE prévoit que «Toute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.» Bien que cette disposition mette l'accent sur les recours formés contre des décisions, la Cour de justice a reconnu, à juste titre à notre sens, que les règlements peuvent également faire l'objet de recours par des particuliers lorsqu'ils les concernent individuellement, et que cela pourra être établi en vertu de critères identiques en substance à ceux permettant de déterminer si des particuliers sont individuellement concernés par une décision. Le concept de particulier individuellement concerné a, toutefois, été interprété de manière restrictive dans la jurisprudence. Des requérants ne seront considérés comme individuellement concernés que s'ils sont atteints dans leur position juridique en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire (3). Il convient de noter que cet aspect de la jurisprudence a été largement critiqué, tant par les membres de la Cour à titre personnel (4) que par des auteurs de doctrine (5) et est souvent considéré comme ayant engendré une lacune importante dans le système des recours juridictionnels établi par le traité CE.

3 Le présent pourvoi, que la Cour a décidé d'examiner en session plénière dans l'optique de revoir sa jurisprudence sur la notion de particulier individuellement concerné, soulève une importante question de principe: une personne physique ou juridique (ci-après un «particulier»), directement mais non pas individuellement concernée par les dispositions d'un règlement au sens de l'article 230, paragraphe 4, CE tel qu'interprété dans la jurisprudence, devrait-elle toutefois être admise à agir lorsqu'elle ne pourrait sans cela bénéficier d'une protection juridictionnelle effective en raison des difficultés qu'elle rencontrerait pour contester ce règlement de manière indirecte devant les juridictions nationales ou convient-il de déterminer la qualité à agir au titre de l'article 230, paragraphe 4, CE indépendamment de la possibilité d'introduire un tel recours indirect?

4 Nous nous attacherons à démontrer que la qualité à agir doit en effet être déterminée de manière indépendante et que, de surcroît, la seule solution qui garantit une protection juridictionnelle adéquate consiste à modifier la jurisprudence sur la notion de particulier individuellement concerné.

Le règlement attaqué

5 Le contexte juridique de l'affaire est exposé dans l'ordonnance attaquée (6), et un résumé succinct suffira dès lors aux fins des présentes conclusions.

6 L'organisation commune du marché dans le secteur des matières grasses prévu par le règlement n_ 136/66 (7), a établi, en ce qui concerne le marché de l'huile d'olive, des régimes de prix d'intervention, d'aides à la production, d'aide à la consommation, de stockage ainsi que d'importations et d'exportations.

7 Le règlement n_ 1638/98 (ci-après le «règlement attaqué») réforme, notamment, l'organisation commune des marchés de l'huile d'olive. À ce titre, le régime antérieur d'intervention a été aboli et remplacé par un régime d'aide aux contrats de stockage privé; l'aide à la consommation a été supprimée, ainsi que l'aide spécifique aux petits producteurs; le mécanisme de stabilisation de l'aide à la production basé sur une quantité maximale garantie pour toute la Communauté a été amendé par l'introduction d'une répartition de cette quantité maximale garantie entre les États membres producteurs sous la forme de quantités nationales garanties; enfin, les oliveraies plantées après le 1er mai 1998 sont exclues, sauf exception, de tout régime d'aide futur. Le règlement attaqué prévoit également que la Commission présentera au cours de l'année 2000 une proposition de règlement visant à mettre en place une réforme complète de l'organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses.

Les faits et l'ordonnance faisant l'objet du pourvoi

8 L'Unión de Pequeños Agricultores (ci-après l'«UPA»), la requérante en l'espèce, est une association professionnelle regroupant et assurant la défense des intérêts de petites entreprises agricoles espagnoles. En vertu du droit espagnol, elle dispose de la personnalité juridique.

9 Le 20 octobre 1998, l'UPA a introduit une demande devant le Tribunal de première instance, conformément à l'article 173, paragraphe 4, du traité CE (devenu, après modification, article 230, paragraphe 4, CE), visant à l'annulation du règlement attaqué, à l'exception du régime des aides à l'olive de table qui est institué par l'article 5, paragraphe 4, du règlement n_ 136/66 tel que modifié par le règlement attaqué. La requérante fait valoir en substance que le règlement attaqué n'a pas satisfait aux obligations de motivation prévues par l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), qu'il n'a pas contribué aux finalités poursuivies par la politique agricole commune, exposées à l'article 39 du traité CE (devenu article 33 CE), et qu'il viole le principe de l'égalité de traitement entre les producteurs et les consommateurs visé à l'article 40, paragraphe 3, du traité CE (devenu, après modification, article 34, paragraphe 3, CE), de même que le principe de proportionnalité, le droit d'exercer une profession et le droit à la propriété.

10 Par ordonnance motivée du 23 novembre 1999 (ci-après l'«ordonnance attaquée»), le Tribunal a rejeté le recours comme manifestement irrecevable.

11 Il a tout d'abord rappelé que «[l'article 230, paragraphe 4, CE] confère aux particuliers le droit d'attaquer toute décision qui, bien que prise sous l'apparence d'un règlement, les concerne directement et individuellement. L'objectif de cette disposition est notamment d'éviter que, par le simple choix de la forme d'un règlement, les institutions communautaires puissent exclure le recours d'un particulier contre une décision qui le concerne directement et individuellement» (8).

12 Le Tribunal a ensuite examiné la nature du règlement attaqué. Après avoir examiné les dispositions du règlement et l'argumentation détaillée avancée par l'UPA, il a conclu que ledit règlement était de nature législative dans la mesure où il s'appliquait de manière générale et abstraite à des situations objectivement déterminées (9). Toutefois, après avoir reconnu que «dans certaines circonstances, même un acte normatif s'appliquant à la généralité des opérateurs économiques intéressés peut concerner individuellement certains d'entre eux» (10) lorsqu'ils «sont en mesure de démontrer qu'ils sont atteints, par l'acte en cause, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne» (11), le Tribunal a examiné si l'UPA devait se voir reconnaître une qualité à agir contre le règlement attaqué.

13 À cet égard, il a relevé que des recours introduits par des associations peuvent être recevables dans trois types de situations au moins:

- lorsqu'une disposition légale reconnaît expressément aux associations professionnelles une série de facultés à caractère procédural;

- lorsque l'association représente les intérêts d'entreprises qui, elles, seraient recevables à agir;

- lorsque l'association est individualisée parce que ses propres intérêts en tant qu'association sont affectés, notamment parce que sa position de négociatrice a été affectée par les mesures dont l'annulation est demandée.

14 Toutefois, l'UPA ne saurait «se prévaloir d'aucune de ces trois situations pour justifier la recevabilité de son recours» (12). L'UPA ne disposait d'aucun droit de nature procédurale au titre de l'organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses (13); elle n'a pas démontré que ses membres ont été atteints par le règlement attaqué en raison de certaines qualités qui leur étaient particulières ou d'une situation de fait qui les a caractérisés par rapport à toute autre personne (14); et le règlement attaqué n'a pas affecté certains intérêts spécifiques ou protections particulières dont l'UPA bénéficie en tant qu'association distincte de l'intérêt de ses membres (15).

15 Enfin, le Tribunal a relevé que l'UPA avait fait valoir «deux autres arguments pour établir qu'elle est, malgré cela, individuellement concernée par les dispositions du règlement attaqué, à savoir, d'une part, le caractère d'ordre public communautaire de l'examen de légalité du règlement attaqué qu'elle revendique dans son recours et, d'autre part, le risque de ne pas bénéficier d'une protection juridictionnelle effective» (16).

16 Le Tribunal...

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