Giuseppe Atzeni and Others (C-346/03), Marco Scalas and Renato Lilliu (C-529/03) v Regione autonoma della Sardegna.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:256
Docket NumberC-529/03,C-346/03
Celex Number62003CC0346
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 April 2005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÀMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 28 avril 2005 (1)

Affaires jointes C-346/03 et C-529/03

Giuseppe Atzeni, Francesco Atzori, Giuseppe Ignazio Boi

et

Marco Scalas et Renato Lilliu

contre

Regione autonoma della Sardegna

[demandes de décision préjudicielle formées par le Tribunale ordinario di Cagliari (Italie)]

«Aides accordées par les États – Décision déclarant illégales et incompatibles les aides accordées par la Région autonome de Sardaigne à des entreprises agricoles – Recevabilité des questions préjudicielles – Application à l’agriculture des règles de compétence – Principe de confiance légitime – Vices de procédure – Motivation – Compatibilité des aides»







Table des matières


I – Introduction

II – Le cadre juridique communautaire

A – Le régime général des aides d’État

B – Les aides d’État dans l’agriculture

III – Les faits des litiges au principal

A – L’octroi d’aides par le gouvernement régional de Sardaigne

1. La loi régionale n° 44/1988

2. L’application de la loi régionale n° 44/1988

a) La décision du 30 décembre 1988

b) La décision du 27 juin 1990

c) La décision du 20 novembre 1990

d) La décision du 26 juin 1992

3. La loi régionale n° 17/1992

B – La procédure suivie par la Commission

C – La décision 97/612

1. Motivation

2. Dispositif

D – La récupération des aides

E – Les litiges devant le Tribunale ordinario de Cagliari

IV – Les recours en annulation

V – Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

VI – La recevabilité des questions préjudicielles

A – Remarques liminaires

B – Considérations générales

C – Le recours en annulation et la question préjudicielle de validité

1. Le recours en annulation

a) Configuration ordinaire

b) La qualité pour agir des particuliers

i) Les actes attaquables

ii) L’intérêt direct et individuel

2. La question préjudicielle de validité

3. Le rapport entre le recours en annulation et la question préjudicielle de validité

a) Complémentarité

b) Coexistence

D – Le contenu de la décision et les possibilités de l’attaquer

1. Le contenu

2. Les possibilités d’attaquer la décision

VII – Examen de la validité de la décision

A – La base juridique

1. Les relations entre la politique agricole et celle de la concurrence

a) Introduction

b) L’application à l’agriculture des règles sur les aides d’État

c) Le droit dérivé

2. La base juridique de la décision

a) Le régime d’aides prévu par la loi régionale n° 44/1988

b) Les aides accordées par les décisions de la Giunta regionale

i) Cultures sous serre

ii) Les entreprises forestières

iii) Les cuniculiculteurs

iv) Les entreprises agricoles endettées

c) Réflexion finale

B – La violation du principe de confiance légitime

1. Nature du principe

2. La confiance légitime dans le domaine des aides d’État

3. Application à la présente espèce

a) L’illégalité

b) L’incompatibilité

i) L’enquête préalable

ii) La procédure formelle

c) Appréciation générale

C – Autres vices

1. Les irrégularités de procédure

2. La motivation

3. La compatibilité des aides

a) L’article 87, paragraphe 2, sous b), CE

b) L’article 87, paragraphe 3, sous a) et c)

VIII – Les conséquences de la validité

IX – Conclusion

I – Introduction

1. Deux juges instructeurs de la sezione civile du Tribunale ordinario di Cagliari (Italie) ont saisi la Cour de justice pour l’interroger sur la validité de la décision 97/612/CE, du 16 avril 1997 (2) (ci-après la «décision»), par laquelle la Commission, en vertu des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE, a déclaré illégales et incompatibles avec le marché commun les aides que le gouvernement de Sardaigne avait octroyées dans le secteur agricole sur le fondement de la loi régionale n° 44/1988.

2. Sans préjudice des différents motifs avancés au sujet de l’illégalité de cette décision, la Cour doit se prononcer sur trois aspects fondamentaux: la recevabilité des questions préjudicielles, l’utilisation dans l’agriculture des dispositions relatives à la concurrence, qui revêtent dans le traité CE un caractère général, et la prise en compte du principe de confiance légitime comme motif de nullité.

3. En premier lieu, les présentes affaires soulèvent la question de la particularité du lien existant entre le recours en annulation et le recours préjudiciel, question qui, pour partie, renvoie à la controverse sur l’accès des particuliers à la justice communautaire, puisque l’acte dont la validité est mise en doute par les juges italiens a été attaqué devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.

4. En deuxième lieu, il est fait référence à la base juridique de la décision adoptée, qui constitue le noyau essentiel des doutes manifestés par les organes de renvoi, lesquels estiment inapplicables les règles de concurrence sur lesquelles elle se fonde.

5. Il y a ensuite lieu d’examiner l’incidence du principe de confiance légitime sur les aides publiques, moins comme condition de la responsabilité patrimoniale de l’État qui ne remplit pas ses obligations à l’égard de la Communauté que comme raison d’annuler les actes de l’une de ses institutions.

6. Enfin, il convient d’apprécier les autres causes de nullité alléguées, qui portent sur la procédure d’adoption de la disposition, sa motivation et la compatibilité des aides.

II – Le cadre juridique communautaire

A – Le régime général des aides d’État

7. Selon Milton et Rose Friedman, «l’intervention d’un gouvernement en faveur des entreprises de son pays conduit les entreprises des autres pays à rechercher l’aide de leur gouvernement pour contrecarrer les mesures prises» (3) par le premier. Sans entrer dans la polémique sur la survivance des subventions (manifestation du débat plus large sur l’intervention de l’administration dans la vie économique), ce comportement de l’État justifie la préoccupation de la Communauté pour ces questions, compte tenu de l’incidence qu’ont les aides publiques sur la réalisation du marché intérieur, dont l’instauration implique un renforcement de la concurrence entre les agents économiques, avec le risque que la neutralité ne soit pas maintenue (4).

8. Le traité consacre à cette question trois articles, inscrits dans les dispositions sur la concurrence, qui ont démontré posséder une extraordinaire vitalité juridique (5).

1.9 L’article 87 CE:

– Le paragraphe 1 déclare incompatibles les aides qui, tout en affectant les échanges entre États membres, faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou productions.

Cette règle générale souffre deux exceptions, énoncées dans les paragraphes suivants.

– Le paragraphe 2 reconnaît la compatibilité, en tout état de cause – «sont» –, de certaines aides à caractère social, de celles découlant d’événements extraordinaires et de celles destinées à bénéficier à quelques régions allemandes.

– Le paragraphe 3 permet de considérer comme compatibles – «peuvent» – les aides destinées à promouvoir le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, et les autres possibilités expressément prévues.

2.9 L’article 88 CE (6)

– Le paragraphe 1 oblige la Commission à examiner les régimes d’aides des États membres.

– Aux termes du paragraphe 2, lorsque la Commission constate que l’une de ces aides n’est pas compatible avec le marché commun, elle doit demander à l’État intéressé de la supprimer ou de la modifier – et peut saisir directement la Cour –; dans des circonstances exceptionnelles, le Conseil peut statuer dans un autre sens.

– Le paragraphe 3 impose aux États membres d’informer la Commission des projets tendant à instituer ou à modifier des aides, de manière à ce que la procédure prévue au paragraphe précédent puisse être ouverte si celles-ci faussent le marché commun.

3. L’article 89 CE

– Il autorise le Conseil à adopter les règlements utiles en vue de l’application des articles 87 CE et 88 CE et, notamment, à fixer les conditions d’application de l’article 88, paragraphe 3, CE et les catégories d’aides exclues.

9. La lecture de ces dispositions révèle que le contrôle des aides d’État se réalise en trois phases: dans la première, les États doivent notifier tous les projets d’octroi; dans la deuxième, la Commission examine les projets et maintient une surveillance permanente des aides existantes; la dernière phase concerne la restitution des avantages obtenus illégalement ou incompatibles avec le marché commun. En tout état de cause, l’efficacité du système dépend de la collaboration entre les États membres et la Commission, qui se voit réserver un rôle exclusif dans la garantie d’un régime de concurrence non faussé.

B – Les aides d’État dans l’agriculture

10. Les dispositions susmentionnées concernent tout avantage public accordé à des entreprises ou productions concrètes, indépendamment de l’activité économique exercée. Ces dispositions connaissent toutefois quelques exceptions dans le secteur du transport (articles 73 CE, 76 CE et 78 CE), ainsi qu’en matière de sécurité nationale [article 296, paragraphe 1, sous b), CE].

11. Dans le domaine agricole, il existe également une règle particulière inscrite à l’article 36 CE, dont la teneur est la suivante:

«Les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil dans le cadre des dispositions et conformément à la procédure prévues à l’article 37, paragraphes 2 et 3, compte tenu des objectifs énoncés à l’article 33.

Le Conseil peut notamment autoriser l’octroi d’aides:

a) pour la protection des exploitations défavorisées par des conditions structurelles ou naturelles,

b) dans le cadre de programmes de développement économique.»

12. Ainsi, à la différence de ce qui se passe dans d’autres domaines, le pouvoir dont jouit la Commission...

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