Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie v GEMO SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:273
Date30 April 2002
Celex Number62001CC0126
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-126/01
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. F. G. JACOBS
présentées le 30 avril 2002(1)



Affaire C-126/01

Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie
contre
GEMO SA



«»






Introduction 1. Le présent renvoi de la cour administrative d’appel de Lyon (France) concerne une loi française instaurant un service public de collecte et d’élimination des cadavres d’animaux et des déchets d’abattoirs, qui est i) obligatoire et gratuit pour ses principaux bénéficiaires, à savoir les éleveurs et les abattoirs, ii) accompli par des entreprises privées d’équarrissage dont les services sont rémunérés par l’État aux termes de contrats passés selon des procédures d’adjudication publique, et iii) financé par une taxe sur les achats de viande frappant principalement les supermarchés revendant de la viande mais pas les petits détaillants. 2. On se demande essentiellement si la loi comporte une aide d’État en faveur des éleveurs et des abattoirs qui bénéficient d’un service gratuit, en faveur des entreprises d’équarrissage sélectionnées et rémunérées par l’État pour ce service et/ou en faveur des petits détaillants qui ne doivent pas acquitter la taxe sur les achats de viande. 3. Ces questions s’inscrivent dans une procédure dans laquelle un supermarché revendant de la viande sollicite la restitution de la taxe sur les achats de viande au motif que le dispositif mis en place par la loi en cause constitue une aide d’État qui ne pouvait pas être introduite sans avoir été préalablement notifiée à la Commission conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE. 4. Une des importantes questions soulevées dans cette affaire a été récemment examinée par la Cour dans l’arrêt Ferring (2) et est actuellement soumise à la Cour dans l’affaire Altmark Trans et Regierungspräsident Magdeburg (3) , à savoir si une compensation financière accordée par un État membre à une entreprise accomplissant un service public doit être assimilée à une aide d’État et, le cas échéant, dans quelles conditions. Contexte général 5. Les dispositions nationales en cause concernent l’élimination et la transformation de produits animaux non destinés à la consommation humaine (4) . Ces produits incluent par exemple les carcasses d’animaux d’élevage morts en présentant des symptômes de maladie ou d’animaux abattus dans des campagnes d’éradication de maladie, d’autres carcasses d’animaux (par exemple celles ramassées après des accidents de la circulation ou celles d’animaux familiers), les parties d’animaux déclarés impropres à la consommation humaine ou les parties d’animaux abattus déclarés propres à la consommation humaine mais qui ne sont pas destinées à la consommation humaine par exemple pour des raisons commerciales. 6. Les produits animaux non destinés à la consommation humaine peuvent être utilisés de différentes manières. La majorité d’entre eux est utilisée par l’industrie de la récupération pour fabriquer des aliments pour animaux (par exemple des aliments d’origine animale destinés aux animaux d’élevage comportant des farines de viande et d’os et des graisses d’équarrissage). Les restes sont utilisés par exemple pour produire des aliments pour animaux familiers et des produits techniques servant à d’autres fins que la consommation humaine ou animale (par exemple des cosmétiques, des produits pharmaceutiques, des peaux et cuirs tannés et traités, de la laine transformée, des plumes). 7. Avant la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), tous les produits animaux non destinés à la consommation humaine pouvaient être utilisés, quelle qu’en fût l’origine pour produire des aliments pour animaux après avoir reçu un traitement approprié. On admet largement à présent que, à tout le moins certains produits animaux dangereux provenant par exemple d’animaux qui n’ont pas été jugés propres à la consommation humaine à la suite d’une inspection vétérinaire, ne devraient pas être recyclés dans la chaîne alimentaire. 8. À cette fin on doit donc distinguer les produits animaux devant être exclus de la chaîne alimentaire et ceux qui peuvent continuer à être utilisés pour produire des aliments pour animaux. Deuxièmement, de nouveaux débouchés doivent être conçus pour ces produits exclus de la chaîne alimentaire puisque les matières premières qui étaient auparavant transformées sont à présent considérées comme étant des déchets dangereux devant être éliminés de manière sûre. Troisièmement, il faut décider qui supportera les frais d’élimination de ce nouveau type de déchet. 9. Les incidences économiques et environnementales d’un changement de politique en la matière peuvent être illustrées par les chiffres suivants. En 1998, le secteur européen de l’équarrissage a récolté 16,1 millions de tonnes de produits animaux qu’il a transformées en 3 millions de tonnes d’aliments pour animaux et en 1,5 million de graisse susceptible d’entrer dans la chaîne alimentaire et d’être utilisée dans différents produits techniques (cosmétiques, produits pharmaceutiques). Il a représenté un revenu annuel de plus de 2,2 milliards d’euros pour l’agriculture européenne. 14,3 millions de tonnes de ces produits animaux provenaient en particulier des abattoirs. 1,8 million de tonnes (plus de 10 % des produits animaux non destinés à la consommation humaine) consistaient en carcasses ou autres produits condamnés. Le contexte légal français 10. Une loi du 31 décembre 1975 obligeait chaque entreprise d’équarrissage à collecter et à éliminer tous les cadavres d’animaux et les déchets d’abattoirs dans un périmètre géographique donné. Leurs services bénéficiaient en contrepartie d’un monopole dans ce périmètre géographique. Leur activité était normalement rentable car elles pouvaient transformer toutes les matières premières ─ y compris celles réputées à présent dangereuses ─ en produits secondaires et en particulier en aliments pour animaux. La collecte de produits animaux était dès lors accomplie gratuitement en principe. Toutefois, lorsque les entreprises en question ne pouvaient pas réaliser la collecte et l’élimination dans des conditions économiques satisfaisantes, la loi de 1975 permettait à l’État de fixer des redevances que les bénéficiaires (principalement les éleveurs et les abattoirs) devaient acquitter en rémunération des services en question. 11. La crise de l’ESB a rompu l’équilibre qui existait auparavant dans le secteur. L’emploi de certains produits dangereux a été interdit dans un premier temps dans certains États membres et dans toute la Communauté ensuite. Le prix des aliments pour animaux dérivés de produits animaux a dramatiquement chuté. De nombreuses entreprises de récupération ont cessé d’utiliser des carcasses d’animaux ou des produits condamnés au bénéfice de sous-produits d’abattoirs en considérant que le marché des aliments pour animaux dérivés des produits condamnés était en train de s’effondrer. Les entreprises d’équarrissage n’avaient dès lors plus aucun intérêt économique à collecter des cadavres d’animaux dans les élevages ni des produits condamnés dans les abattoirs. 12. C’est dans ce contexte que le législateur français a adopté la loi n° 96-1139, du 26 décembre 1996, relative à la collecte et à l’élimination des cadavres d’animaux et des déchets d’abattoirs et modifiant le code rural (5) (ci-après la «loi n° 96-1139») et les deux décrets d’application n° 96-1229, du 27 décembre 1996 (6) , et n° 97-1005, du 30 octobre 1997 (7) . La loi et les décrets en question insèrent un certain nombre de dispositions nouvelles dans le code rural (8) et une nouvelle disposition dans le code général des impôts (9) et contiennent une disposition autonome (10) . Définition et domaine du service public de l'équarrissage 13. L’article 264 du code rural, tel qu’amendé, établit le service public de l’équarrissage qui est défini comme étant la collecte et l’élimination des cadavres d’animaux ainsi que celle des viandes et abats saisis à l’abattoir reconnus impropres à la consommation humaine et animale. 14. En vertu de l’article 265, paragraphe 1, du code rural, sont obligatoirement tenus de recourir au service public de l’équarrissage:
les propriétaires et détenteurs de cadavres d’animaux ou lots de cadavres d’animaux pesant plus de 40 kilos (11) ;
les abattoirs, sans limite de poids, à l’égard de carcasses d’animaux morts avant abattage et de carcasses d’animaux de boucherie saisies en totalité et reconnues impropres à la consommation.
15. L’article 271 du code rural exclut du domaine du service public obligatoire de l’équarrissage l’élimination i) des saisies vétérinaires autres que celles visées à l’article 264 et ii) des déchets (12) d’origine animale provenant d’abattoirs ou d’établissements de manipulation ou de préparation de denrées animales ou d’origine animale. L’élimination de produits animaux couverts par l’article 271 relève de la responsabilité des abattoirs et des établissements concernés par cette disposition. Sauf s’ils sont eux-mêmes agréés ou enregistrés à cette fin, ils sont tenus d’en confier le traitement à des établissements agréés ou enregistrés par l’autorité administrative. 16. Il ressort de ces dispositions et des travaux préparatoires de la loi n° 96-1139 que le service public de l’équarrissage obligatoire a été conçu pour couvrir approximativement 10 % des produits animaux non destinés à la consommation humaine considérés comme étant dangereux (cadavres et autres produits condamnés). En revanche, l’élimination et la transformation ultérieure des 90 % restant (en particulier les sous-produits d’animaux abattus non destinés à l’alimentation humaine) sont laissées aux abattoirs et aux...

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