Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:141
CourtCourt of Justice (European Union)
Date26 March 1998
Docket NumberC-35/97
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number61997CC0035
EUR-Lex - 61997C0035 - FR 61997C0035

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 26 mars 1998. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement - Article 48 du traité CE - Prestations de chômage - Attribution de points de retraite complémentaire - Conditions de licenciement - Article 7 du règlement (CEE) nº 1612/68 - Travailleurs frontaliers. - Affaire C-35/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-05325


Conclusions de l'avocat général

A - Introduction

1 Le présent recours en manquement porte sur le régime spécial de retraite des travailleurs frontaliers vivant en Belgique, qui étaient employés dans l'industrie sidérurgique française lorsque leur activité professionnelle a pris fin en raison des licenciements massifs qui ont suivi la crise sidérurgique de 1976, selon des conditions de licenciement convenues par la négociation collective.

2 Les partenaires sociaux ont ainsi conclu la convention générale de protection sociale pour le personnel des sociétés sidérurgiques de l'Est et du Nord concernées par les restructurations, du 24 juillet 1979 (ci-après la «CGPS»). Celle-ci accorde aux travailleurs mis à la retraite anticipée des points de retraite complémentaire dans le cadre du régime général de retraite complémentaire, jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge normal de la retraite (1). Les travailleurs frontaliers vivant en Belgique sont exclus du bénéfice des points gratuits de retraite complémentaire (2). Cette catégorie de personnes fait l'objet de dispositions particulières qui figurent à l'annexe VI de la CGPS. L'article 4 de cette annexe porte sur les garanties sociales. Il se réfère à presque toutes les garanties sociales négociées pour les travailleurs licenciés et énumérées à l'article 27 de la CGPS. Mais, outre qu'il ne reprend pas l'article 27, paragraphe 5, qui prévoit des conditions particulières pour le logement, il ne reprend pas l'article 27, paragraphe 2, point 2.1, relatif aux points (gratuits) de retraite complémentaire litigieux dans le régime général de retraite complémentaire.

3 Cette situation particulière aboutit à ce que les travailleurs frontaliers établis en Belgique perçoivent, lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite, une pension de retraite inférieure à celle que perçoivent leurs collègues domiciliés en France. Des plaintes formées par les intéressés placés dans cette situation défavorable ont amené la Commission à introduire le présent recours en manquement.

La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

1) constater que la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du traité CE et de l'article 7 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (3), en excluant du bénéfice de l'attribution de points de retraite complémentaire les travailleurs frontaliers résidant en Belgique qui ont été placés en cessation d'activité anticipée;

2) condamner la République française aux dépens.

La République française conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

1) rejeter le recours;

2) condamner la requérante aux dépens.

Il nous faudra revenir, dans le cadre de notre analyse, sur les arguments des parties.

B - Arguments des parties

4 La Commission voit dans le fait que les travailleurs frontaliers établis en Belgique sont placés dans une situation défavorable au regard du régime français de retraite complémentaire une violation de l'article 48, paragraphe 2, du traité et de l'article 7 du règlement n_ 1612/68. Il s'agit selon elle d'une discrimination indirecte, puisque l'inégalité de traitement n'est pas liée à la nationalité, mais à la résidence, ce qui a en définitive des effets analogues. Formellement, le critère de rattachement réside dans le fait que les Assedic servent une prestation (4) pendant la période de chômage ou de préretraite. Les périodes où ces prestations sont servies donnent lieu à l'attribution de points de retraite complémentaire. Puisque les travailleurs établis en Belgique se trouvant au chômage ou en préretraite relèvent du régime belge - et perçoivent donc des prestations de chômage en Belgique -, ils ne peuvent pas répondre à ce critère.

5 Bien que l'inégalité de traitement découle d'un plan social négocié par les partenaires sociaux, la Commission estime que l'État français en porte néanmoins la responsabilité juridique. C'est lui qui est responsable de la mise en application du volet financier des accords.

6 Le régime général de retraite complémentaire repose lui aussi sur un accord collectif entre les partenaires sociaux. Il n'en constitue pas moins un régime obligatoire. Les accords ont été approuvés par l'État français et la loi du 29 décembre 1972 (5) leur a conféré un caractère obligatoire général.

7 La Commission admet que la gestion du système est, certes, essentiellement assurée par les partenaires sociaux, le régime étant alimenté par des cotisations des employeurs et des salariés. Mais ce régime repose en dernier ressort sur les accords entre les partenaires sociaux et la puissance publique, l'État jouant un rôle actif pour garantir l'équilibre financier du régime complémentaire.

8 Le gouvernement français se réfère en premier lieu à la genèse de la CGPS et à ses objectifs. La convention a notamment pour but d'assurer un revenu minimum (ressource garantie) (6) à tous les travailleurs licenciés, y compris les travailleurs frontaliers. La ressource garantie se compose de plusieurs éléments. Il s'agit d'abord des allocations de chômage prévues par le régime légal d'assurances sociales, qui sont portées à un niveau donné par un complément financé par l'État (7).

9 L'annexe VI de la CGPS renvoie d'abord les travailleurs frontaliers résidant en Belgique aux allocations du régime belge (8), également complétées par des allocations complémentaires financées par l'État français (9).

10 Le gouvernement français fait valoir que la situation particulière des travailleurs frontaliers établis en Belgique repose, d'une part, sur l'article 71 du règlement (CEE) n_ 1408/71 (10), qui renvoie les travailleurs frontaliers, en ce qui concerne les allocations de chômage, au régime de l'État membre dans lequel ils résident. Il souligne qu'il a, d'autre part, été convenu, lors de la négociation avec les autorités belges compétentes, que les travailleurs établis en Belgique mis en régime de préretraite pourraient bénéficier des allocations prévues par le régime belge de prépension. Selon lui, les intéressés n'ont plus le statut communautaire de travailleur, puisqu'ils perçoivent des prestations de chômage.

11 Globalement, le gouvernement français fait valoir que le régime de retraite complémentaire ne relève pas du règlement n_ 1408/71. En outre, à l'époque où la convention a été conclue, le droit communautaire ne prévoyait pas la validation et la prise en considération des périodes de chômage complet dans le cadre de l'assurance vieillesse (11).

12 L'attribution de points «gratuits» pour l'assurance retraite complémentaire n'est, selon lui, que la contrepartie de la participation de l'Unedic (12) au financement des allocations de chômage. Dès lors que les prestations de chômage n'ont pas été effectivement servies au titre du régime de l'Unedic, la situation n'est pas non plus comparable du point de vue de la validation des périodes. En outre, il n'est pas possible d'imposer au régime complémentaire des charges non compensées par une contre-prestation, sous peine de compromettre l'équilibre financier de l'ensemble du système. Le fait de lui imposer des charges imprévues doit être considéré comme une violation du principe de la confiance légitime.

13 Le gouvernement français a proposé à l'audience que, s'il devait être condamné, les effets de l'arrêt soient limités dans le temps à la période à venir.

C - Analyse

14 Avant de devoir examiner l'application des dispositions pertinentes du règlement n_ 1612/68, il...

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