Allianz Hungária Biztosító Zrt. and Others v Gazdasági Versenyhivatal.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:663
Docket NumberC-32/11
Celex Number62011CC0032
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 October 2012
62011CC0032

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 25 octobre 2012 ( 1 )

Affaire C‑32/11

Allianz Hungária Biztosító Zrt.,

Generali-Providencia Biztosító Zrt.,

Gépjármű Márkakereskedők Országos Szövetsége,

Magyar Peugeot Márkakereskedők Biztosítási Alkusz Kft.,

Paragon-Alkusz Zrt., successeur en droit de Magyar Opelkereskedők Bróker Kft,

contre

Gazdasági Versenyhivatal

[demande de décision préjudicielle formée par la Magyar Köztársaság Legfelsőbb Bírósága (Hongrie)]

«Concurrence — Accords entre entreprises — Accords bilatéraux conclus entre une société d’assurances et certains réparateurs automobiles faisant dépendre le taux horaire de réparation versé à ces derniers par la société d’assurances du nombre et de la proportion de contrats d’assurance souscrits par ladite entreprise d’assurances par le biais des réparateurs agissant en qualité d’intermédiaires — Notion d’‘accords ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence’»

I – Introduction

1.

Dans la présente affaire, la Magyar Köztársaság Legfelsőbb Bírósága (Cour suprême, Hongrie) a soumis à la Cour une question relative à l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE aux fins de l’examen d’un recours ayant pour objet de contester la légalité d’une décision adoptée par l’autorité nationale de la concurrence par laquelle ont été sanctionnés comme étant restrictifs de la concurrence et incompatibles avec la législation hongroise différents accords diversement conclus par une série de sociétés d’assurances, de concessionnaires et de réparateurs automobiles, ainsi que par une association regroupant ces derniers.

2.

L’affaire présente un double aspect. En premier lieu, les circonstances qui la caractérisent impliquent, à mes yeux, un examen de la recevabilité de la demande préjudicielle soumise. Bien que celle-ci porte sur une notion du droit de l’Union, il est constant que l’affaire au principal est régie par les règles nationales hongroises en matière de concurrence. En conséquence, je proposerai à la Cour de déclarer que, en raison de l’absence manifeste de «renvoi clair et inconditionnel» de la législation nationale au droit de l’Union tel que l’entend la jurisprudence de la Cour, les conditions nécessaires à l’admission de la recevabilité de ce type de demande préjudicielle ne sont pas réunies en l’espèce.

3.

Indépendamment de cela, j’analyserai, à titre subsidiaire, le fond de l’affaire qui porte, ainsi que je viens de l’indiquer, sur des pratiques ayant prétendument pour objet de restreindre la concurrence et s’inscrivant dans un contexte particulièrement complexe caractérisé par un certain nombre d’accords verticaux qui sont néanmoins susceptibles d’avoir été influencés par un accord à caractère horizontal.

II – Cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

L’article 3 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité ( 2 ), régit le rapport entre les articles 81 CE et 82 CE (devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE) et les droits nationaux de la concurrence.

5.

Conformément à son paragraphe 1, «[l]orsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à des accords, des décisions d’associations d’entreprises ou des pratiques concertées au sens de l’article [101], paragraphe 1, [TFUE] susceptibles d’affecter le commerce entre États membres au sens de cette disposition, elles appliquent également l’article [101 TFUE] à ces accords, décisions ou pratiques concertées. Lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive interdite par l’article [102 TFUE], elles appliquent également l’article [102 TFUE]».

6.

L’article 3, paragraphe 2, dispose que «[l]’application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l’interdiction d’accords, de décisions d’associations d’entreprises ou de pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, mais qui n’ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article [101], paragraphe 1, [TFUE], ou qui satisfont aux conditions énoncées à l’article [101], paragraphe 3, [TFUE] ou qui sont couverts par un règlement ayant pour objet l’application de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE]. Le présent règlement n’empêche pas les États membres d’adopter et de mettre en œuvre sur leur territoire des lois nationales plus strictes qui interdisent ou sanctionnent un comportement unilatéral d’une entreprise».

7.

Enfin, l’article 3, paragraphe 3, est rédigé comme suit: «Sans préjudice des principes généraux et des autres dispositions du droit communautaire, les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas lorsque les autorités de concurrence et les juridictions des États membres appliquent la législation nationale relative au contrôle des concentrations, et ils n’interdisent pas l’application de dispositions de droit national qui visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles [101 TFUE] et [102 TFUE]».

B – La législation hongroise

8.

Le législateur hongrois a adopté en 1996 une loi portant interdiction des pratiques commerciales déloyales ou restrictives de la concurrence ( 3 ), dont le préambule indique que l’adoption du texte a été réalisée en considération de l’«exigence du rapprochement des réglementations de la Communauté européenne et des traditions de la loi hongroise sur la concurrence».

9.

Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du Tpvt, les dispositions de ladite loi sont applicables aux pratiques régies par les articles 81 CE et 82 CE (devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE) si l’affaire relève de la compétence de l’Office hongrois de la concurrence (Gazdasági Versenyhivatal).

10.

L’article 11, paragraphe 1, intitulé «Interdictions des accords restrictifs de la concurrence», du chapitre IV du Tpvt déclare interdits «tous accords entre entreprises, toutes pratiques concertées et toutes décisions d’associations d’entreprises, d’organismes de droit public, d’associations et d’autres entités similaires […] qui ont pour objet ou qui ont ou sont susceptibles d’avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Ne relèvent pas de cette définition les accords conclus entre des entreprises qui ne sont pas indépendantes les unes des autres».

III – Litige au principal et question préjudicielle

11.

À partir de la fin de l’année 2002, un certain nombre de concessionnaires automobiles qui exerçaient aussi des activités de réparation ont mandaté l’association nationale des concessionnaires automobiles de marque (Gépjármű Márkakereskedők Országos Szövetsége, ci-après le «GÉMOSZ») afin de négocier chaque année en leur nom avec les sociétés d’assurances un accord-cadre relatif aux taux horaires applicables aux réparations de véhicules accidentés prises en charge par lesdits assureurs.

12.

Les concessionnaires en question étaient doublement liés aux sociétés d’assurances, en particulier à la société Allianz Hungária Biztosító Zrt. (ci-après «Allianz») ainsi qu’à la société Generali-Providencia Biztosító Zrt. (ci-après «Generali»). D’une part, ils agissaient en tant qu’«intermédiaires» des assureurs, en proposant à leurs clients de souscrire, lors de la vente ou de la réparation de véhicules, une assurance automobile auprès des sociétés précitées. D’autre part, les concessionnaires assuraient la réparation des véhicules assurés pour le compte des assureurs en cas de sinistre.

13.

En 2004 et en 2005, le GÉMOSZ et Allianz ont, chaque année, conclu un accord-cadre relatif aux taux horaires de réparation. Allianz a ensuite conclu une série d’accords individuels avec différents concessionnaires en vertu desquels la quotité du taux horaire de réparation serait majorée si les polices d’assurance automobile souscrites auprès d’Allianz atteignaient un pourcentage déterminé du total des contrats commercialisés par le concessionnaire en question ( 4 ).

14.

Generali n’a, pour sa part, conclu aucun accord-cadre avec le GÉMOSZ au cours de la période considérée, mais des accords individuels avec des concessionnaires, faisant, en pratique, bénéficier ces derniers d’une clause de majoration du taux horaire similaire aux stipulations ci-dessus décrites ( 5 ).

15.

Dans sa décision du 21 décembre 2006, l’Office hongrois de la concurrence a déclaré contraires à l’article 11 du Tpvt les accords suivants:

en premier lieu, trois décisions adoptées par le GÉMOSZ entre 2003 et 2005, établissant les «tarifs recommandés» aux concessionnaires automobiles de marque pour la réparation de véhicules accidentés sinistrés, à appliquer aux assureurs;

en deuxième lieu, les accords-cadres conclus en 2004 et en 2005 entre le GÉMOSZ et Allianz, et les différents accords individuels conclus au cours de la même période entre différents concessionnaires et, respectivement, Allianz et Generali;

en troisième lieu, différents accords conclus entre 2000 et 2005 entre Allianz et Generali, d’une part, et différents courtiers d’assurance (Magyar Peugeot Márkakereskedők Biztosítási Alkusz kft, Magyar Opelkereskedők Bróker kft et Porsche Biztosítási Alkusz kft), d’autre part, au sujet des commissions à percevoir par ces derniers en fonction du nombre de polices de la société d’assurances en question commercialisées.

16.

Au soutien de sa décision, l’Office hongrois de la...

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