Safet Eyüp v Landesgeschäftsstelle des Arbeitsmarktservice Vorarlberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:561
Docket NumberC-65/98
Celex Number61998CC0065
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 November 1999
EUR-Lex - 61998C0065 - FR 61998C0065

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 18 novembre 1999. - Safet Eyüp contre Landesgeschäftsstelle des Arbeitsmarktservice Vorarlberg. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche. - Accord d'association CEE-Turquie - Libre circulation des travailleurs - Article 7, premier alinéa, de la décision nº 1/80 du conseil d'association - Membre de la famille d'un travailleur turc - Notion de résidence régulière - Périodes pendant lesquelles la personne autorisée à rejoindre le travailleur a vécu en concubinage avec lui - Droit d'exercer un emploi - Demande de mesures provisoires. - Affaire C-65/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-04747


Conclusions de l'avocat général

1 En vous saisissant de la présente affaire, le Verwaltungsgerichtshof (cour administrative) (Autriche) vous demande d'interpréter l'article 7, premier alinéa, de la décision n_ 1/80 du conseil d'association CEE-Turquie, du 19 septembre 1980, relative au développement de l'association (ci-après, respectivement, la «décision» et le «conseil d'association») (1), portant sur le droit reconnu aux membres de la famille d'un travailleur turc d'accéder à un emploi.

I - Les règles de droit communautaire applicables

2 L'accord d'association CEE-Turquie (2) (ci-après l'«accord») a pour «objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les Parties, en tenant pleinement compte de la nécessité d'assurer le développement accéléré de l'économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l'emploi et des conditions de vie du peuple turc» (voir article 2, paragraphe 1).

Les parties conviennent, en application de l'article 12 de l'accord, de «s'inspirer des articles 48, 49 et 50 du traité instituant la Communauté pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles».

Conformément à l'article 36 du protocole additionnel à l'accord, du 23 décembre 1970 (3), le conseil d'association définit les modalités de la réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs entre les États membres de la Communauté et la Turquie, conformément aux principes énoncés à l'article 12 dudit accord.

3 En application de l'article 36 précité, le conseil d'association a adopté la décision, entrée en vigueur le 1er juillet 1980. En vertu de l'article 7, premier alinéa, de la décision, c'est-à-dire la disposition pertinente dans la présente affaire:

«Les membres de la famille d'un travailleur turc appartenant au marché régulier de l'emploi d'un État membre, qui ont été autorisés à le rejoindre:

- ont le droit de répondre - sous réserve de la priorité à assurer aux travailleurs des États membres de la Communauté - à toute offre d'emploi lorsqu'ils y résident régulièrement depuis trois ans au moins;

- y bénéficient du libre accès à toute activité salariée de leur choix lorsqu'ils y résident régulièrement depuis cinq ans au moins.»

II - Les faits

4 Le 23 septembre 1983, Mme Eyüp, ressortissante turque, a épousé à Lauterach (Autriche) un travailleur turc appartenant au marché régulier de l'emploi de cet État membre et y a par conséquent obtenu une autorisation de séjour. Le divorce du couple a été prononcé par une juridiction turque, le 13 novembre 1985. Les conjoints Eyüp n'ont cependant pas cessé de vivre ensemble en union libre et ont continué à résider en Autriche. De leurs sept enfants, quatre sont nés au cours de cette période qui s'est poursuivie jusqu'au 7 mai 1993, date à laquelle Mme Eyüp a épousé une nouvelle fois son ex-conjoint. Après le second mariage, les enfants ont été reconnus par le mari («légitimation par le mariage ultérieur des parents»).

5 Le 23 avril 1997, Mme Eyüp, demanderesse au principal, a saisi les autorités autrichiennes d'une demande visant à faire constater qu'elle remplissait les conditions visées par l'article 7, premier alinéa, second tiret, de la décision. Cette demande a été rejetée par décision du 24 septembre 1997. Le refus de lui délivrer une attestation a été motivé par diverses considérations: il n'avait pas été satisfait à la condition de la durée minimale de résidence prévue par la décision pour ouvrir le droit pertinent; une «concubine» n'est ni un «conjoint» ni un «membre de la famille» d'un travailleur turc; on ne pouvait par conséquent tenir compte de la période supplémentaire de sept ans entre le divorce et le second mariage; le divorce avait mis fin à la période de résidence (environ deux ans) qui s'était écoulée à partir du premier mariage, avec la conséquence que celle-ci ne pouvait être cumulée avec celle qui s'était écoulée depuis le second mariage (environ quatre ans).

6 Dans le cadre du recours qu'elle a introduit contre la décision de rejet, Mme Eyüp a demandé au Verwaltungsgerichtshof de déclarer, par l'intermédiaire de mesures provisoires, son droit à exercer un emploi jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur le droit qu'elle invoquait.

7 Après l'introduction de la présente procédure et après qu'elle a résidé régulièrement avec son mari en Autriche pendant cinq autres années à partir de son second mariage, le 5 novembre 1998, Mme Eyüp a obtenu le permis de travail prévu par l'article 7, premier alinéa, second tiret, de la décision.

III - Les questions préjudicielles

8 Le juge de renvoi saisit la Cour des questions suivantes:

«1) La notion de membre de la famille figurant à l'article 7, premier alinéa, de la décision n_ 1/80 du conseil d'association CEE-Turquie du 19 septembre 1980 relative au développement de l'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie doit-elle être interprétée en ce sens que le concubin (vivant dans le cadre d'une union libre, sans lien conjugal formel) d'un travailleur turc remplit également ces conditions de fait?

2) Si un concubin ne doit pas être considéré comme un membre de la famille:

L'article 7, premier alinéa, second tiret, de la décision n_ 1/80 doit-il être interprété en ce sens que, pour remplir les conditions de fait relatives aux relations existant entre le travailleur turc et le membre de la famille, un lien conjugal formel doit exister depuis cinq ans sans interruption, ou est-il également admis que la période passée avec le même conjoint dans le cadre d'un lien conjugal formel soit interrompue par une période d'union libre de plusieurs années?

3) L'article 7, premier alinéa, second tiret, de la décision n_ 1/80 doit-il être interprété en ce sens que la dissolution formelle du lien conjugal (par exemple, par le divorce) noué avec le travailleur turc entraîne la perte du bénéfice des périodes de stage accomplies jusqu'à cette date en tant que membre de la famille?

4) Le droit communautaire impose-t-il, dans des cas donnés, d'assurer la protection juridictionnelle provisoire des droits que les articles 6 et 7 de la décision n_ 1/80 accordent (avec effet direct) dans un État membre au groupe de personnes visées par lesdits articles, sous la forme de mesures provisoires préservant (organisant) ces droits?

5) En cas de réponse affirmative à la quatrième question:

Est-il nécessaire, en vue d'éviter un préjudice grave et irréparable, de prendre les mesures provisoires préservant (organisant) des droits sur la base du droit communautaire, consistant, dans un cas donné (d'une partie demanderesse invoquant les droits découlant des articles 6 et 7 de la décision n_ 1/80), à constater à titre provisoire l'existence du droit à la libre circulation, revendiqué au titre de l'accord d'association, pour la durée d'une procédure engagée devant les autorités administratives compétentes, devant la juridiction saisie du contrôle de la décision de ces autorités ou pour la durée de la procédure préjudicielle devant la Cour de justice des Communautés européennes, et ce jusqu'à l'obtention d'une protection juridictionnelle définitive et faut-il considérer que l'on est en présence d'un tel préjudice lorsque, dans un cas donné, la question de l'existence des conditions de fait relatives au droit à la libre circulation tiré de l'accord d'association ne sera pas tranchée immédiatement avec effet obligatoire, mais le sera à une date ultérieure?»

IV - Analyse juridique

9 À titre liminaire, la Commission des Communautés européennes (ci-après la «Commission») a fait une première observation qui pourrait conduire à la conclusion que les questions précitées ne sont pas pertinentes: à la date à laquelle la demande a été introduite, Mme Eyüp avait en tout état de cause vécu plus de trois ans avec son mari. Elle remplissait par conséquent les critères fixés par l'article 7, premier alinéa, premier tiret, avec pour conséquence qu'il y avait lieu de lui reconnaître le droit qu'elle demandait, indépendamment des questions soulevées par le juge de renvoi. Il reste, cependant, le fait qu'il semble, à la lecture des éléments du dossier, que Mme Eyüp revendiquait la délivrance d'un document attestant un «plein» droit à toute activité salariée de son choix, au sens du second tiret de la disposition précitée. Elle n'a par conséquent pas fait valoir le simple droit de répondre à une offre d'emploi au sens de l'article 7, premier alinéa, premier tiret, pour laquelle les travailleurs communautaires sont prioritaires. C'est en cela que réside par conséquent la pertinence des demandes faites par le juge national que nous allons à présent analyser.

10 Toujours à titre liminaire, la Commission a fait valoir des doutes en ce qui concerne la pertinence des trois premières questions posées, compte tenu du fait que, entre la date du second mariage et celle où la Cour a été saisie de la demande de décision préjudicielle par le Verwaltungsgerichtshof, il s'était déjà écoulé presque cinq ans, c'est-à-dire la période minimale prévue par l'article 7, premier alinéa, second tiret. La Commission a fait observer, en substance, que Mme Eyüp remplissait déjà les...

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