European Commission v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:514
Docket NumberC-52/08
Date14 September 2010
Celex Number62008CC0052
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO Cruz Villalón

présentées le 14 septembre 2010 (1)

Affaire C‑52/08

Commission européenne

contre

République portugaise

«Recours en manquement – Liberté d’établissement – Directive 2005/36/CE – Profession de notaire – Article 45, premier alinéa, CE – Activités participant à l’exercice de l’autorité publique»





1. S’appuyant sur l’article 226 CE, la Commission européenne fait grief à la République portugaise d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2005/36/CE, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (2), en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires pour rendre celle-ci applicable à la profession de notaire au Portugal.

2. De même que dans les affaires Commission/Belgique (C‑47/08), Commission/France (C‑50/08), Commission/Luxembourg (C‑51/08), Commission/Autriche (C‑53/08), Commission/Allemagne (C‑54/08) et Commission/Grèce (C‑61/08), pendantes devant la Cour, qui ont également pour objet la profession de notaire, il convient dans la présente affaire de déterminer au préalable si l’article 45, premier alinéa, CE, qui prévoit une dérogation pour les activités participant à l’exercice de l’autorité publique (3), est applicable en l’espèce. Toutefois, à la différence des affaires citées, la Commission ne fait pas ici grief de l’existence de clauses de nationalité à la République portugaise, puisqu’une telle restriction n’y est en principe pas applicable. Ce recours est motivé par le fait que le système d’accès à la profession notariale portugaise est diamétralement contraire aux exigences fixées par la législation communautaire en matière de titres professionnels, à savoir par la directive 2005/36.

I – Cadre juridique

A – Le droit communautaire

3. La directive 89/48/CEE, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (4), prévoyait un délai de transposition qui, conformément à son article 12, a expiré le 4 janvier 1991.

4. Dans son article 2, ce texte disposait:

«La présente directive s’applique à tout ressortissant d’un État membre voulant exercer à titre indépendant ou salarié une profession réglementée dans un État membre d’accueil.

La présente directive ne s’applique pas aux professions qui font l’objet d’une directive spécifique instaurant entre les États membres une reconnaissance mutuelle des diplômes.»

5. La profession de notaire n’a été réglementée par aucun instrument au sens du deuxième alinéa de l’article cité ci-dessus.

6. La directive 89/48 a été abrogée et a fait l’objet d’une codification dans le cadre de la directive 2005/36. Si le nouveau texte maintient l’essentiel du contenu de la directive 89/48, il n’en introduit pas moins, dans son quarante et unième considérant, la nouveauté suivante par rapport à celui qui l’a précédé:

«La présente directive ne préjuge pas l’application de l’article 39, paragraphe 4, et de l’article 45 du traité, notamment en ce qui concerne les notaires.»

B – Le droit national

7. Au Portugal, la profession notariale est régie par les décrets-lois nos 26/2004 et 27/2004 du ministre de la Justice, du 21 avril 2004. Par décret n° 398/2004, également du 21 avril 2004, le gouvernement a adopté la réglementation fixant le régime d’attribution du titre de notaire. Cet ensemble de dispositions a mis en œuvre une libéralisation de la profession notariale portugaise, dont la fonction était exercée par des fonctionnaires de l’administration qui étaient soumis à un régime de droit public.

8. L’article 1er du décret-loi n° 26/2004 prévoit que «le notaire est le juriste dont les documents écrits, élaborés dans l’exercice de sa fonction, font publiquement foi».

9. Le notaire est, à la fois, un fonctionnaire authentifiant des actes juridiques et un professionnel libéral agissant en toute indépendance et impartialité. Ledit article 1er ajoute que les caractères public et privé de la fonction sont indissociables.

10. Ainsi que l’a admis la République portugaise dans son mémoire en défense, l’authentification constitue l’activité principale de la profession notariale. L’authentification se présente comme un acte de délégation de l’État en faveur du notaire, lequel se voit attribuer la faculté de conférer la foi publique. En vertu de l’article 21 du décret-loi n° 26/2004, c’est le sceau, ou son équivalent numérique, qui symbolise l’intervention du notaire, qui en est le titulaire exclusif. Le notaire intervient à la demande des parties et leur garantit la légalité, ainsi que l’archivage et la conservation des actes effectués.

11. Selon l’article 371 du code civil portugais, les documents authentiques sont dotés d’une force probante particulière qui ne peut être contestée que par des voies procédurales extraordinaires (article 372 du code civil). De même, l’article 46 du code de procédure civile prévoit que l’authentification confère un caractère exécutoire au document.

12. En vertu de l’article 25 du décret-loi n° 26/2004, l’accès à la profession de notaire est subordonné à quatre conditions: ne pas être empêché d’exercer des fonctions publiques; être titulaire d’une licence en droit reconnue par la législation portugaise; avoir accompli un stage; et avoir réussi le concours organisé par le Conseil du notariat.

13. Bien que le notariat soit une activité libérale, l’article 6 du décret-loi n° 26/2004 subordonne l’accès à la profession à un numerus clausus. De même le notaire exerce-t-il dans une zone territoriale limitée, la circonscription, et après attribution d’une licence d’installation. Les honoraires des notaires sont calculés sur la base de barèmes agréés par le ministre de la Justice, lesquels, tout en établissant des montants minimaux et maximaux, prévoient la possibilité de fixer librement le prix de certains services notariaux.

II – Procédures précontentieuse et contentieuse

14. Le 21 décembre 2001, la Commission a adressé à la République portugaise une lettre de mise en demeure signalant l’absence de transposition de la directive 89/48 en ce qui concerne la profession notariale. La République portugaise y a répondu par lettre du 17 juin 2002, en faisant valoir que le gouvernement préparait une réforme législative à cet égard.

15. Le 18 octobre 2006, la Commission a transmis son avis motivé à la République portugaise, en l’invitant à mettre fin au manquement dans un délai de deux mois. La République portugaise y a répondu par lettre du 24 janvier 2007, en indiquant que les notaires participaient directement et effectivement à l’exercice de l’autorité publique, de sorte qu’ils n’étaient soumis ni à la liberté d’établissement ni au droit dérivé qui découle de cette liberté.

16. Le cadre normatif national pertinent aux fins de la présente procédure en manquement est donc celui qui était en vigueur au 18 décembre 2006, date à laquelle a expiré le délai que la Commission avait fixé à l’État défendeur dans son avis motivé.

17. Le 12 février 2008, la Commission a formé un recours en manquement devant la Cour sur la base de l’article 226 CE, qui a été suivi d’un mémoire en défense, d’une réplique et d’une duplique, qu’ont respectivement déposés l’État défendeur et la requérante. Au surplus, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est intervenu au soutien de la Commission, tandis que la République tchèque, la République de Lituanie, la République de Slovénie et la République slovaque sont intervenues au soutien des conclusions de la République portugaise.

III – Conclusions des parties

18. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que, en ayant omis de transposer, en ce qui concerne la profession de notaire, la directive 2005/36 abrogeant et remplaçant la directive 89/48, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2005/36;

– condamner la République portugaise aux dépens de l’instance.

19. La République portugaise conclut pour sa part à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le recours et condamner la Commission aux dépens.

IV – Recevabilité du recours

20. En sa qualité de partie intervenante, le gouvernement slovène soulève une exception d’irrecevabilité en raison des dispositions invoquées par la Commission. Il estime que, durant la phase précontentieuse du présent recours en manquement, la Commission a fait grief à la République portugaise d’avoir manqué à la directive 89/48, alors qu’elle lui reproche aujourd’hui, durant la phase contentieuse, d’avoir enfreint la directive 2005/36, texte qui s’est substitué au précédent.

21. Cette exception ne saurait prospérer.

22. Selon une jurisprudence constante, la régularité de la procédure précontentieuse constitue une garantie essentielle voulue par le traité, non seulement pour la protection des...

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