René Lancry SA v Direction Générale des Souanes and Société Dindar Confort, Christian Ah-Son, Paul Chevassus-Marche, Société Conforéunion and Société Dindar Autos v Conseil Régional de la Réunion and Direction Régionale des Douanes de la Réunion.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1994:266
Docket NumberC-363/93,,C-408/93,,C-409/93,,C-407/93,,C-410/93,C-411/93
Celex Number61993CC0363
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 June 1994
EUR-Lex - 61993C0363 - FR 61993C0363

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 28 juin 1994. - René Lancry SA contre Direction générale des douanes et Société Dindar Confort, Christian Ah-Son, Paul Chevassus-Marche, Société Conforéunion et Société Dindar Autos contre Conseil régional de la Réunion et Direction régionale des douanes de la Réunion. - Demandes de décision préjudicielle: Cour d'appel de Paris et tribunal d'instance de Saint-Denis (Réunion) - France. - Libre circulation des marchandises - Régime fiscal des départements français d'outre-mer - Portée de l'arrêt Legros e.a. - Validité de la décision 89/688/CEE. - Affaires jointes C-363/93, C-407/93, C-408/93, C-409/93, C-410/93 et C-411/93.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-03957
édition spéciale suédoise page I-00071
édition spéciale finnoise page I-00071


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. L' attention de la Cour est une nouvelle fois appelée sur la taxe dite octroi de mer, qui faisait l' objet de l' affaire C-163/90, Legros, sur laquelle la Cour a statué par arrêt du 16 juillet 1992 (1). Il s' agit, on le sait, d' une charge pécuniaire perçue dans les départements d' outre-mer (ci-après les "DOM") français sur les marchandises introduites dans ces territoires, indépendamment de leur provenance et/ou origine qui peut être un autre État membre de la Communauté, un pays tiers, ou même une région française. Dans l' affaire Legros, la Cour a qualifié l' octroi de mer de taxe d' effet équivalant à un droit de douane; elle a aussi, aux fins de cette qualification, jugé dépourvue de pertinence la circonstance que cette taxe frappe de la même manière également les marchandises provenant d' autres parties du territoire français.

A cet égard, il y a lieu également de rappeler, en premier lieu, que dans l' affaire Legros l' objet de la procédure au principal était la perception du droit en cause sur des marchandises provenant d' autres États membres (ainsi que d' un pays tiers lié par un accord de libre échange avec la Communauté), donc "importées" au vrai sens du terme. En second lieu, les effets dudit arrêt ont été limités dans le temps, en ce sens que seuls les demandeurs qui avaient déjà introduit un recours pouvaient invoquer, à l' appui de demandes visant à obtenir la restitution des taxes versées, l' incompatibilité de la taxe avec le traité.

2. Le 22 décembre 1989, c' est-à-dire avant l' arrêt Legros mais postérieurement aux faits de la cause, le Conseil a adopté la décision 89/688/CEE (2) ° fondée sur les articles 227, paragraphe 2, et 235 du traité ° qui, considérant le rôle joué par l' octroi de mer dans le développement économique et social des DOM, mais tenant compte, par ailleurs, de la nécessité de réformer la réglementation de cette taxe afin d' intégrer ces régions dans le processus d' achèvement du marché intérieur (3), a prévu, à l' article 1er, l' obligation pour les autorités françaises de modifier le régime d' octroi de mer, de manière à le rendre applicable indistinctement aux produits introduits et aux produits obtenus dans ces régions, avant le 31 décembre 1992.

A l' article 2, la décision a prévu, en outre, la possibilité d' autoriser des exonérations partielles ou totales de la taxe, en faveur des productions locales, selon les besoins économiques; cependant, ces exonérations ne devraient pas être prévues pour une période supérieure à dix ans à partir de l' entrée en vigueur du nouveau système. Enfin, aux termes de l' article 4, "dans l' attente de la mise en application de la réforme de l' octroi de mer, selon les principes retenus à l' article 1er, la République française est autorisée à maintenir, jusqu' au 31 décembre 1992 au plus tard, le régime actuel de l' octroi de mer ..."

C' est précisément cette disposition qui est contestée dans l' affaire sur laquelle nous nous penchons aujourd' hui (4).

3. Or, les questions préjudicielles qui sont aujourd' hui posées à la Cour par le tribunal d' instance de Saint-Denis (île de la Réunion) et par la cour d' appel de Paris constituent, au moins sous un aspect, la suite logique de l' affaire Legros; elles présentent également un aspect spécifique d' une importance certaine. Dans les procédures pendantes devant la juridiction de Saint-Denis (sur laquelle portent les affaires C-407/93 à C-411/93), les demanderesses ont demandé le remboursement de toutes les sommes payées au titre de l' octroi de mer, pendant la période de juillet à décembre 1992, pour l' introduction dans cette région de marchandises provenant tant de pays membres de la Communauté que de pays tiers et d' autres régions de France. Nous rappelons que, dans l' affaire C-409/93, le paiement de la taxe litigieuse concerne exclusivement de la bière française.

En tenant compte, par conséquent, de la portée de l' arrêt prononcé dans l' affaire Legros, et notamment du fait que l' on ne saurait en déduire que l' interdiction de l' octroi de mer s' étend également aux droits perçus dans le cadre des échanges internes français, le juge demande: a) si les dispositions des articles 9 et suivants du traité CEE, en ce qu' elles fondent un principe d' unicité du territoire douanier communautaire, doivent être interprétées comme prohibant la perception par un État membre d' une taxe proportionnelle à la valeur en douane des biens, sur des marchandises en provenance d' autres régions de ce même État, du seul fait de leur introduction dans une région de cet État, et b) si l' article 4 de la décision 89/688 qui a autorisé la République française à maintenir en vigueur, même temporairement jusqu' en décembre 1992, le régime de l' octroi de mer, est valide.

En dépit du fait que dans la procédure au principal dans l' affaire C-363/93 l' objet du litige est l' octroi de mer perçu à partir de 1974, exclusivement sur des produits (farine) originaires de France métropolitaine introduits en Martinique, la cour d' appel de Paris a considéré qu' elle ne devait poser à la Cour que la seule question relative à la validité de la décision du Conseil du 22 décembre 1989. Le juge a quo a, en effet, fait droit au recours, présenté antérieurement à l' arrêt Legros, pour la partie concernant la taxe appliquée avant l' adoption de la décision litigieuse du Conseil, en partant de l' idée que la qualification de ladite taxe telle qu' elle résultait de l' arrêt de la Cour ° par conséquent, l' interdiction de maintenir une taxe d' effet équivalant aux droits de douane visée aux articles 9 et suivants du traité ° concernait également les échanges internes français.

4. Enfin, il est opportun d' attirer à titre préliminaire l' attention sur le fait que, en ce qui concerne les procédures à la Réunion, s' était posé également le problème de l' incompatibilité avec le traité de l' application de la taxe litigieuse aux importations de pays tiers. Le juge, ayant d' ailleurs considéré comme évident que les articles 9 et 13 ne s' appliquent pas à de telles marchandises, à moins qu' elles ne soient en libre pratique ou encore que l' on ne soit en présence d' accords commerciaux spécifiques conclus par la Communauté ° hypothèses qui n' ont pas été démontrées dans l' affaire en cause °, a estimé qu' il n' était pas nécessaire d' interroger la Cour sur ce point. Nous nous bornerons à observer, à cet égard, et en l' absence d' une question plus spécifique posée à la Cour que, si l' on reconnaît à l' octroi de mer le caractère d' une taxe d' effet équivalant à un droit de douane, le problème de sa compatibilité avec les dispositions du traité relatives à l' union douanière pourrait se poser dans la mesure où ce droit est appliqué aux importations en provenance de pays tiers. En effet, la Cour a rappelé, à plusieurs reprises, que les articles 18 à 29, ainsi que 113 du traité, interdisent aux États membres de modifier le niveau de la charge résultant du tarif douanier commun par la perception additionnelle de droits ou de taxes de caractère national (5).

Sur la validité de l' article 4 de la décision 89/688

5. S' agissant de la validité de l' article 4 de la décision 89/688, nous pensons pouvoir souscrire aux conclusions présentées par l' avocat général M. Jacobs dans l' affaire Legros: il ne nous semble pas, en effet, que les arguments qui ont été soulevés au cours de la présente procédure soient de nature à modifier cette position.

6. A cet égard, le Conseil fait valoir en premier lieu que, suite à la décision litigieuse, l' octroi de mer doit désormais être considéré comme une mesure fiscale communautaire et non plus comme une charge pécuniaire unilatéralement imposée par un État: il ne relèverait donc pas des articles 9 et suivants du traité. En ce qui concerne le fondement de la compétence communautaire pour adopter l' acte en cause, nous soulignons que l' article 227, paragraphe 2, troisième alinéa, confie aux institutions de la Communauté la tâche de veiller à permettre le développement économique et social des DOM: or, puisque l' action considérée était nécessaire pour atteindre cet objectif mais que, d' autre part, les articles du traité n' ont pas prévu les pouvoirs nécessaires pour ce faire, il était parfaitement légitime d' avoir recours à l' article 235, dont les conditions d' application étaient réunies en l' espèce.

Les gouvernements français et espagnol ainsi que la Commission ont d' ailleurs fait valoir cet argument pour soutenir que la décision 89/688 était valide. La Commission notamment, pour confirmer encore une fois la justesse de la thèse qu' elle a soutenue, s' arrête sur le renvoi opéré par l' article 227, paragraphe 2, troisième alinéa, aux procédures visées à l' article 226 lequel prévoyait, pour la période de transition, une clause générale de sauvegarde, en cas de difficultés graves dans un secteur de l' activité économique ou dans une situation régionale, autorisant les États membres à adopter...

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