Criminal proceedings against Harry Franzén.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:101
Docket NumberC-189/95
Celex Number61995CC0189
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date04 March 1997
EUR-Lex - 61995C0189 - FR 61995C0189

Conclusions de l'avocat général Elmer présentées le 4 mars 1997. - Procédure pénale contre Harry Franzén. - Demande de décision préjudicielle: Landskrona Tingsrätt - Suède. - Articles 30 et 37 du traité CE - Monopole de vente au détail des boissons alcoolisées. - Affaire C-189/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-05909


Conclusions de l'avocat général

1 Dans la présente affaire préjudicielle, la Cour est invitée à se prononcer sur la question de la compatibilité avec les articles 30 et 37 du traité CE du régime légal suédois en matière de vente au détail de boissons alcoolisées.

La législation nationale et son historique

2 Antérieurement, le droit exclusif de produire et de vendre des boissons alcoolisées en Suède était détenu par deux entreprises étatiques. V & S Vin & Sprit AB (ci-après «V & S») jouissait du droit exclusif de fabriquer et d'exporter des boissons spiritueuses et d'importer de la bière, du vin et des boissons spiritueuses. Systembolaget AB jouissait du droit exclusif de vente au détail et de vente en gros aux restaurants.

3 Après l'entrée en vigueur de l'accord EEE conclu notamment entre le royaume de Suède et la Communauté, le 1er janvier 1994, une juridiction finlandaise a posé une question préjudicielle à la Cour AELE sur la compatibilité avec les articles 11, 13 et 16 de l'accord EEE (qui correspondent en substance aux articles 30, 36 et 37 du traité) d'un régime légal qui confère à une entreprise monopolistique d'État le droit exclusif d'importer des boissons alcoolisées à partir d'autres États membres de l'EEE ou, en ce qui concerne le commerce entre les États EEE, exige une autorisation de l'entreprise monopolistique d'État pour importer de tels produits et les mettre sur le marché. Dans son arrêt du 16 décembre 1994, affaire E-1/94, Restamark (1), la Cour AELE a notamment déclaré ce qui suit:

«1) L'article 11 de l'accord EEE doit être interprété comme s'opposant à une mesure nationale qui confère à un monopole national légal le droit exclusif d'importer des boissons alcoolisées relevant des produits couverts par l'accord EEE et originaires des parties contractantes ou à l'application au commerce intra-EEE de dispositions nationales exigeant l'autorisation du monopole national légal pour l'importation et la mise en libre pratique de tels produits, même si une telle autorisation est accordée automatiquement. Par ailleurs, de telles mesures ne sauraient être justifiées au titre de l'article 13 de l'accord EEE du simple fait qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une politique en matière d'alcool visant à minimiser les effets nocifs pour la santé de la consommation des boissons alcoolisées, cet objectif pouvant être atteint par des mesures moins restrictives de la libre circulation des marchandises.

2) L'article 16 de l'accord EEE doit être interprété comme signifiant que, à compter du 1er janvier 1994, tout monopole national présentant un caractère commercial ne relevant pas du protocole 8 à l'accord EEE doit être aménagé de manière à supprimer le droit exclusif d'importer les produits couverts par le monopole dans une partie contractante à partir d'autres parties contractantes.»

4 Dans le cadre des négociations sur l'adhésion du royaume de Suède à l'Union européenne, une correspondance avait été échangée dès avant le prononcé de cet arrêt entre la Commission et le gouvernement suédois au sujet des monopoles suédois sur les alcools (2). Il ressortait de cet échange de lettres que la Commission - sous réserve de la jurisprudence future de la Cour de justice et de son propre rôle de gardienne du traité - ne jugeait pas utile de prendre de sa propre initiative des mesures contre le monopole de la vente au détail, dès lors que les monopoles de production, de commerce de gros et d'importation étaient démantelés et que l'exclusion de toute discrimination à l'encontre des produits en provenance d'autres États membres était assurée (3).

L'acte d'adhésion ne comporte pas de dispositions spécifiques concernant le commerce des boissons alcoolisées. La république de Finlande et le royaume de Suède ont fait une déclaration unilatérale (4), aux termes de laquelle la conférence au niveau ministériel a été informée de l'échange de lettres avec la Commission susmentionné.

5 A compter de l'adhésion du royaume de Suède à l'Union européenne le 1er janvier 1995, les droits exclusifs de V & S de produire et d'exporter des boissons spiritueuses et d'importer de la bière, du vin et des boissons spiritueuses ont été supprimés, ainsi que le droit exclusif de Systembolaget de vendre des boissons alcoolisées en gros aux restaurants.

Ils ont été remplacés par un régime en vertu duquel les opérateurs peuvent se livrer à l'importation et au commerce de gros des boissons spiritueuses, du vin et de la bière, dès lors qu'ils sont titulaires d'une licence à cet effet et revendre ces produits à Systembolaget ou aux titulaires de licences de débit de boissons.

En revanche, le droit exclusif de Systembolaget portant sur le commerce de détail des boissons alcoolisées a été maintenu.

6 La refonte sus-décrite de la législation suédoise en matière d'alcool a été opérée par l'alkohollag du 16 décembre 1994 (5) (loi sur l'alcool, ci-après la «loi»), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1995. L'exposé des motifs du projet de loi (6) énonce notamment ce qui suit:

«La consommation excessive d'alcool crée des problèmes sociaux, médicaux et socio-économiques considérables. C'est la raison pour laquelle la Suède mène depuis longtemps une politique restrictive en matière d'alcool.

Des transformations importantes du monde extérieur, qui ont une incidence sur la politique menée jusqu'à présent en matière d'alcool, se produisent parallèlement. Selon la commission compétente en matière de politique de l'alcool, une forte mobilisation en matière d'alcool sera nécessaire à l'avenir - eu égard au processus d'intégration qui est en cours en Europe et à l'intensification des échanges sociaux et culturels à laquelle on peut s'attendre - pour limiter la consommation, faire reculer l'alcoolisme et combattre les effets préjudiciables de l'alcool.

La politique suédoise actuelle en matière d'alcool repose sur un équilibre entre des impôts élevés, des restrictions, l'information/la formation de l'opinion et des efforts en matière de traitement. Les conditions requises pour l'utilisation de l'instrument des prix dans le cadre de la politique de l'alcool vont se modifier. La pondération entre les différents moyens devra donc changer, l'information, la formation de l'opinion et d'autres actions de prévention étant amenés à revêtir une importance plus grande, dans le but d'essayer d'instaurer de nouvelles habitudes en matière de consommation de boissons dans notre pays.

...

La politique suédoise en matière d'alcool a fondamentalement visé, pendant tout le XXe siècle, à limiter le jeu des forces du marché, à savoir la concurrence et les profits privés. Le motif en était la conviction que la concurrence et les profits privés incitent à une commercialisation active et à une vente active, ce qui se traduit par une augmentation de la consommation. Plus il y a d'entreprises privées qui ont un intérêt à l'augmentation des ventes d'alcool, mieux les boissons alcoolisées se défendent dans la concurrence pour l'argent des ménages. Lorsqu'il s'agit d'un secteur que la société ne veut pas voir grandir, les mécanismes du marché tels que la concurrence et le profit ne sont pas des moyens particulièrement adaptés.

De l'avis du gouvernement, le principe visant à limiter les profits privés dans le commerce de l'alcool reste valide et doit guider l'État lorsqu'il élabore des règles en matière de commercialisation de boissons alcoolisées et des lignes directrices pour le commerce de détail de ces boissons. Dans les secteurs dans lesquels les monopoles de l'alcool doivent être supprimés, à savoir la fabrication, l'importation et le commerce de gros, le principe revêt une nouvelle signification. Auparavant, l'action de l'État visait à écarter les intérêts privés du commerce de l'alcool. Désormais, le principe est le contrôle des forces du marché dans le cadre d'un système d'autorisations, de surveillance et de sanctions qui sera géré par une nouvelle autorité en matière d'alcool.»

7 La loi vise les «alkoholdrycker» (ci-après les «boissons alcoolisées»), définies à l'article 3 du chapitre 1er de la loi comme les boissons dont le titre alcoométrique volumique est supérieur à 2,25 %. Les boissons visées sont classées sous les dénominations «sprit», «vin», «starköl» et «öl». Le «sprit» (ci-après les «boissons spiritueuses») est défini au chapitre 1er, article 2, comme tout liquide titrant plus de 2,25 % d'alcool en pourcentage volumique, à l'exclusion toutefois du «vin», de la «starköl» et de l'«öl». Par «vin» (ci-après le «vin»), il faut entendre une boisson fermentée à base de raisins ou d'autres fruits ayant un titre alcoométrique volumique maximal de 22 %, voir chapitre 1er, article 5. La «starköl» (littéralement «bière forte», ci-après «bière») est, aux termes du chapitre 1er, article 6, de la loi, une boisson fermentée fabriquée à partir de malt et ayant un titre alcoométrique volumique de plus de 3,5 %. Si le titre alcoométrique volumique est supérieur à 2,5 % mais inférieur à 3,5 %, le produit relève de la catégorie «öl» (littéralement «bière», ci-après «bière légère»).

Importations

Le libellé de l'article 2 du chapitre 4, qui porte sur les importations, est le suivant:

«Les boissons spiritueuses, le vin et la bière ne peuvent être importés en Suède que par un opérateur titulaire d'une licence de fabrication ou de commerce de gros de tels produits...»

Interrogé à ce sujet au cours de l'audience, le gouvernement suédois a confirmé que les dispositions de l'article 2 du chapitre 4 impliquent qu'un producteur ou un intermédiaire qui est...

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