Swiss Re Germany Holding GmbH v Finanzamt München für Körperschaften.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:300
Docket NumberC-242/08
Celex Number62008CC0242
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 May 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 13 mai 2009 (1)

Affaire C‑242/08

Swiss Re Germany Holding GmbH

contre

Finanzamt München für Körperschaften

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Allemagne)]

«TVA – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Détermination du lieu de la prestation – Exonérations – Notion d’‘opérations d’assurance et de réassurance’ – Cession à titre onéreux, à une personne établie dans un État tiers, d’une série de contrats de réassurance»





1. Dans la présente affaire, qui a pour origine une série de questions préjudicielles posées par le Bundesfinanzhof (Allemagne), juridiction suprême en matière fiscale, la Cour est appelée à préciser certains aspects du régime de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») applicable aux opérations d’assurance. Il lui faudra, en particulier, déterminer si une cession de contrats d’assurance par un assureur à un autre peut également être considérée, à des fins fiscales, comme une «opération d’assurance».

I – Le cadre réglementaire

2. La sixième directive 77/388/CEE (2) répartit les opérations imposables, de manière générale, en deux grandes catégories: les livraisons de biens et les prestations de service. L’article 5 de cette directive définit en particulier les livraisons de biens de la manière suivante:

«1. Est considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.

2. Sont considérés comme biens corporels le courant électrique, le gaz, la chaleur, le froid et les choses similaires.

[…]»

3. L’article 6 de la sixième directive affirme qu’«est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5». Ce sera le cas, en particulier, de la «cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre».

4. Dans l’optique qui nous intéresse ici, la sixième directive traite spécifiquement des opérations d’assurance et de réassurance dans ses articles 9 et 13.

5. L’article 9 de la sixième directive prévoit que, en principe, aux fins de la TVA, on considère que le lieu d’une prestation de service est celui dans lequel le prestataire est établi. Le même article formule toutefois certaines exceptions à ce principe général, en particulier, au paragraphe 2, sous e), qui prévoit ce qui suit:

«le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:

[…]

– les opérations bancaires, financières et d’assurance, y compris celles de réassurance, à l’exception de la location de coffres-forts,

[…]»

6. L’article 13 de la sixième directive prévoit une série d’exonérations du régime de la TVA. En particulier, la partie B de cet article dispose:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

a) les opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance;

[…]

c) les livraisons de biens qui étaient affectés exclusivement à une activité exonérée en vertu du présent article ou en vertu de l’article 28 paragraphe 3 sous b), si ces biens n’ont pas fait l’objet d’un droit à déduction, ainsi que les livraisons de biens dont l’acquisition ou l’affectation avait fait l’objet de l’exclusion du droit à déduction conformément à l’article 17 paragraphe 6;

d) les opérations suivantes:

[…]

2. la négociation et la prise en charge d’engagements, de cautionnements et d’autres sûretés et garanties ainsi que la gestion de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits;

3. les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances;

[…]»

II – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

7. La société Swiss Re Germany Holding GmbH (ci-après: «Swiss Re»), qui a son siège en Allemagne, exerce son activité dans le secteur des réassurances. Au cours de l’année 2002, elle (3) a cédé à la société S, qui a son siège en Suisse et appartient au même groupe qu’elle, 195 contrats de réassurance. Les cocontractants de Swiss Re dans ces contrats étaient des compagnies d’assurance établies dans des États autres que l’Allemagne, aussi bien communautaires qu’extracommunautaires.

8. La cession des contrats est intervenue contre paiement d’une somme d’argent par la société S. Cette somme a été calculée, notamment, par l’attribution d’une valeur négative à 18 des 195 contrats. Ainsi, pour la détermination du prix définitif de la cession, la valeur de ces 18 contrats a été déduite du total des 177 autres.

9. En outre, la cession des contrats de réassurance n’est devenue parfaite qu’avec l’accord des personnes qui avaient signé ces contrats avec Swiss Re (c’est-à-dire des compagnies d’assurance, pour ainsi dire «de niveau 1»). La société S s’est substituée à Swiss Re dans les droits et obligations prévus par les contrats cédés.

10. Les autorités fiscales allemandes, et plus précisément le Finanzamt München für Körperschaften (le service des contributions des personnes morales de Munich, ci-après le «Finanzamt»), ont considéré la cession des contrats comme une livraison de biens localisée en Allemagne, et ont par conséquent exigé le paiement de la TVA sur la valeur de cette opération. Toutefois, estimant pour sa part que la TVA n’était pas due, Swiss Re a attaqué cette décision devant les juridictions nationales.

11. La juridiction de renvoi estime que, au regard du droit allemand, l’opération en question constitue une prestation de services localisée en Allemagne, au titre de laquelle la TVA doit être acquittée. Cette juridiction n’est cependant pas certaine que la réglementation nationale soit compatible avec les règles communautaires et a donc posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les dispositions de l’article 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, et de l’article 13, B, sous a) et d), points 2 et 3, de la sixième directive […] doivent-elles être interprétées en ce sens que la reprise par un acquéreur à titre onéreux d’un contrat de réassurance vie sur la base de laquelle ledit acquéreur reprend avec l’accord de l’assuré les activités exonérées de réassurance exercées jusque-là par l’ancien assureur, fournissant dorénavant à l’assuré des prestations de réassurance exonérées en lieu et place de l’ancien assureur, doit être considérée comme

a) une opération d’assurance ou bancaire au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous e), cinquième tiret, de la sixième directive ou

b) une opération de réassurance en vertu de l’article 13, B, sous a), de la sixième directive ou

c) une opération qui consiste pour l’essentiel, d’une part, en une prise en charge exonérée d’un engagement et, d’autre part, en une opération exonérée concernant des créances, en vertu de l’article 13, B, sous d), points 2 et 3, de la sixième directive?

2) La réponse à la première question est-elle différente si c’est non pas l’acquéreur, mais bien l’ancien assureur, qui paie une contrepartie pour cette reprise?

3. Si la première question, sous a), b) et c) doit recevoir une réponse négative:

– l’article 13, B, sous c), de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que la transmission à titre onéreux de contrats de réassurance vie constitue une livraison de biens, et

– en cas d’application de l’article 13, B, sous c), de la sixième directive, ne convient-il pas de distinguer selon que le lieu des activités exonérées se situe dans l’État membre de la livraison ou dans un autre État membre?»

III – Analyse juridique

A – Sur la nature de l’opération en cause (réponse à la troisième question)

12. Afin de pouvoir répondre à la juridiction de renvoi, la première étape logique consiste à déterminer, au regard de la sixième directive, quelle est la nature de l’opération en cause, et en particulier si elle doit être considérée comme une livraison de biens ou comme une prestations de services.

13. La troisième question préjudicielle, relative à l’éventualité d’une exonération de l’opération en cause sur la base de l’article 13, B, sous c), de la sixième directive, présuppose en effet que l’opération citée puisse être considérée comme une livraison de biens, de sorte que si l’on devait qualifier celle-ci de prestation de services, cela suffirait déjà pour répondre à cette question par la négative.

14. Comme je l’ai indiqué plus haut, les autorités fiscales allemandes sont parties du principe que la cession des contrats constituait une livraison de biens. La juridiction de renvoi considère, au contraire, que, au regard du droit national, il s’agit d’une prestation de services. Tous ceux qui ont présenté des observations dans la présente procédure, à la seule exception du Finanzamt, s’accordent également pour considérer que l’on est en présence d’une prestation de services, dès lors que la sixième directive ne qualifie de livraisons de biens, à l’article 5, que les livraisons de biens corporels, et que l’article 6 de cette directive qualifie de prestations de services toutes les opérations qui ne sont pas des livraisons de biens. En particulier, le gouvernement allemand insiste sur la nature immatérielle de l’objet de la cession, qui est constitué d’un ensemble de contrats englobant chacun une série...

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