Deutsche Lufthansa AG v Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:442
Docket NumberC-284/12
Celex Number62012CC0284
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date27 June 2013
62012CC0284

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 27 juin 2013 ( 1 )

Affaire C‑284/12

Deutsche Lufthansa AG

contre

Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Koblenz (Allemagne)]

«Aides d’État — Avantages octroyés par une entreprise publique exploitant un aéroport à une compagnie aérienne à bas coûts — Décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen — Obligation éventuelle des juridictions des États membres de se conformer à l’appréciation de la Commission concernant l’existence d’une aide»

1.

Dans la présente affaire, l’Oberlandesgericht Koblenz (Allemagne) a déféré à la Cour certaines questions préjudicielles portant sur l’interprétation des articles 107, paragraphe 1, TFUE et 108, paragraphe 3, TFUE. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’une action intentée par Deutsche Lufthansa AG (ci‑après «DL») à l’encontre de Flughafen Frankfurt-Hahn GmbH (ci-après «FFH»), la société à capital majoritairement public assurant la gestion de l’aéroport de Frankfurt-Hahn (ci-après l’«aéroport de F-H»), en vue d’obtenir, entre autres, la récupération des aides présumées que la défenderesse aurait octroyées à Ryanair Ltd (ci-après «RA») sous forme de redevances aéroportuaires et autres conditions contractuelles préférentielles. D’une part, l’Oberlandesgericht Koblenz demande si, lors de la détermination de l’existence d’une aide d’État aux fins de l’application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, il est lié par la décision de la Commission européenne d’ouvrir la procédure formelle d’examen portant sur les mesures visées dans le litige au principal. D’autre part, il interroge la Cour sur la condition de sélectivité des aides au sens de l’article 107 TFUE.

2.

Dans l’ordonnance de renvoi, l’Oberlandesgericht Koblenz observe que le litige au principal s’inscrit dans une série d’actions intentées devant les juridictions allemandes par des concurrents de compagnies aériennes dites «low cost» (à bas coûts) et qui ont pour objet les subventions alléguées dont ces dernières auraient bénéficié de la part des gestionnaires publics de plusieurs aéroports situés en Allemagne ( 2 ).

I – Procédure au principal et questions préjudicielles

3.

Le 26 novembre 2006, DL a saisi le Landgericht Bad Kreuznach en dénonçant une série de pratiques commerciales que FFH aurait mises en œuvre au profit de RA et qui constituaient selon elle des aides d’État non notifiées, concédées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Elle a fait valoir, en substance, que les redevances aéroportuaires adoptées par FFH en 2001 et en 2006 étaient fixées sur la base de contrats précédemment conclus avec RA, assurant plus de 95 % du trafic de passagers de l’aéroport de F-H, et contenaient des conditions favorisant, de fait, cette compagnie aérienne. Plus précisément, RA aurait bénéficié de tarifs particulièrement bas grâce à des redevances réduites calculées en fonction du nombre de passagers transportés, et d’une subvention qualifiée de «marketing support» («soutien à la commercialisation»), accordée en cas d’ouverture de nouvelles lignes ( 3 ). Ces mesures auraient été octroyées en dépit du fait que FFH continuait à enregistrer des pertes. DL a demandé que soit ordonnée la récupération des sommes versées à RA au titre du soutien à la commercialisation entre 2002 et 2005, et de celles correspondant aux réductions des redevances dont celle-ci aurait bénéficié en 2003 à la suite de l’application du barème adopté par FFH pour l’année 2001 ( 4 ), ainsi que la cessation de toute aide future au profit de RA.

4.

Le 16 mai 2007, le Landgericht Bad Kreuznach a rejeté la demande de DL pour défaut de fondement ( 5 ). Le pourvoi formé par cette dernière devant l’Oberlandesgericht Koblenz a lui-même été rejeté aux termes d’un arrêt rendu le 25 février 2009. Le 10 février 2011, le Bundesgerichtshof, saisi par DL, a annulé cet arrêt et a renvoyé l’affaire devant l’Oberlandesgericht Koblenz afin qu’il se prononce sur l’existence d’une violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

5.

Le 17 juin 2008, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en ce qui concerne les éventuelles aides d’État concédées par la République fédérale d’Allemagne à FFH et à RA ( 6 ). Parmi les mesures visées par la décision figurent la réduction des redevances et taxes aéroportuaires ainsi que des dispositions spécifiques en matière de commercialisation au profit de RA.

6.

Le 4 janvier 2012, l’Oberlandesgericht Koblenz a adressé à la Commission une demande d’avis au titre du point 3.2 de la communication de la Commission relative à l’application des règles en matière d’aides d’État par les juridictions nationales ( 7 ) (ci-après la «communication»). Il ressort des observations présentées à la Cour que cette demande portait sur l’octroi du soutien à la commercialisation, une prétendue aide au démarrage et la réduction des taxes aéroportuaires sur la base des redevances de 2006. L’Oberlandesgericht Koblenz a demandé en substance si ces mesures étaient imputables à l’État ( 8 ) et si elles étaient sélectives. La Commission a répondu par un avis du 29 février 2012 dans lequel, rappelant la jurisprudence de la Cour, elle a soutenu, à titre préliminaire, que l’Oberlandesgericht Koblenz n’était pas, en l’espèce, tenu d’apprécier l’existence d’aides d’État, dès lors qu’il pouvait se fonder sur la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen pour tirer toutes les conséquences découlant de la violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Par ailleurs, elle a relevé à cet égard une divergence entre l’approche du Bundesgerichtshof et la jurisprudence de la Cour. S’agissant de la question posée par l’Oberlandesgericht Koblenz, la Commission a précisé que les mesures en question étaient à la fois imputables à l’État et sélectives.

7.

Estimant, contrairement à ce que suggérait la Commission dans son avis, qu’il y avait lieu de déterminer si les mesures en cause constituent des aides d’État, l’Oberlandesgericht Koblenz a décidé de surseoir à statuer et de déférer à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Une décision non contestée de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 3, deuxième phrase, TFUE a-t-elle pour conséquence qu’une juridiction nationale saisie d’une demande tendant à la récupération des versements effectués et à la cessation de tout versement est liée par l’opinion exprimée par la Commission dans la décision d’ouverture en ce qui concerne la question de savoir si la mesure litigieuse peut être qualifiée d’aide?

2)

En cas de réponse négative à la première question:

Lorsqu’une entreprise publique, telle qu’entendue à l’article 2, sous b), i), de la directive 2006/111/CE [ ( 9 )] […] (ci-après la ‘directive sur la transparence’), exploite un aéroport, les mesures adoptées par cette entreprise peuvent-elles être qualifiées, au regard de la réglementation relative aux aides d’État, de mesures sélectives au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du simple fait qu’elles ne bénéficient qu’aux entreprises de transport aérien qui utilisent l’aéroport?

3)

En cas de réponse négative à la deuxième question:

a)

Le critère de la sélectivité doit-il être considéré comme non rempli lorsque l’entreprise publique exploitant l’aéroport accorde, de manière transparente, les mêmes conditions à l’ensemble des compagnies aériennes qui décident d’utiliser l’aéroport?

b)

En va-t-il également ainsi lorsque l’exploitant de l’aéroport a opté pour un modèle commercial déterminé (en l’espèce: une coopération avec des compagnies aériennes à bas coûts) et que les conditions d’utilisation, adaptées à cette clientèle, n’attirent pas de la même façon l’ensemble des compagnies aériennes?

c)

Une mesure doit-elle en tout état de cause être considérée comme sélective lorsqu’une compagnie aérienne représente l’essentiel du trafic de passagers de l’aéroport pendant de nombreuses années?»

8.

Par lettre du 18 juin 2012, la juridiction de renvoi a informé la Cour que la requérante au principal avait introduit un recours en annulation contre l’ordonnance de renvoi.

II – Procédure

9.

Outre les parties au litige au principal, les gouvernements allemand, polonais, belge et néerlandais, ainsi que la Commission, ont présenté des observations écrites. DL, FFH, RA, les gouvernements allemand et belge, ainsi que la Commission, ont été entendus lors de l’audience du 11 avril 2013.

III – Analyse

A – Sur la recevabilité du renvoi préjudiciel

10.

Quoique incontestablement sommaire, la description du contexte juridique et factuel dans lequel s’inscrivent les questions préjudicielles, évoquée dans l’ordonnance de renvoi de l’Oberlandesgericht Koblenz, est selon moi suffisante pour permettre à la Cour de fournir une réponse utile à cette juridiction et elle répond donc aux exigences posées par la jurisprudence ( 10 ). Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen d’irrecevabilité du renvoi préjudiciel soulevé par DL dans ses observations.

B – Sur la première question préjudicielle

11.

Par la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour si le juge national devant lequel est invoquée la violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, dans le cadre d’une action tendant à obtenir la suspension des aides prétendues illégales et la récupération de celles qui ont été déjà versées, est lié par l’appréciation des mesures en cause effectuée par la Commission dans la décision d’ouvrir la...

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