Philippe Derouin v Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Paris - Région parisienne (Urssaf de Paris - Région parisienne).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:610
Docket NumberC-103/06
Celex Number62006CC0103
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 October 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 18 octobre 2007 (1)

Affaire C‑103/06

Philippe Derouin

contre

Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Paris − Région parisienne (Urssaf)

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris (France)]

«Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CEE) nº 1408/71 – Articles 8, 14 bis, paragraphe 2, et 14 quinquies, paragraphe 1 – Travailleurs indépendants – Contribution sociale généralisée – Contribution pour le remboursement de la dette sociale – Prise en compte de revenus perçus dans un autre État membre et imposables dans cet État en application d’une convention préventive de la double imposition»





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, la Cour est interrogée sur l’interprétation du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (2), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (3) (ci-après le «règlement nº 1408/71») (4), et les rapports que ce règlement entretient avec les dispositions d’une convention fiscale, conclue en l’occurrence entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, visant à prévenir la double imposition des revenus réalisés par un travailleur indépendant, résidant en France et assuré social dans cet État membre, exerçant simultanément des activités professionnelles non salariées dans ces deux États membres.

2. Plus précisément, il s’agit de savoir si les dispositions du règlement n° 1408/71 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’un État membre, en l’occurrence la République française, renonce, en application des dispositions de la convention préventive de la double imposition en question, à percevoir sur une partie des revenus d’activités dudit travailleur indépendant des contributions qui, selon la jurisprudence de la Cour, relèvent du champ d’application de ce règlement.

II – Le cadre juridique

A – La réglementation communautaire

3. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, ce dernier «s’applique aux travailleurs salariés et non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l’un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d’un des États membres ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants».

4. L’article 13, paragraphe 1, dudit règlement prévoit: «Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.»

5. Selon l’article 13, paragraphe 2, point b), du règlement n° 1408/71, sous réserve des articles 14 à 17 de ce règlement, la personne qui exerce une activité non salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État membre même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre.

6. L’article 14 bis dudit règlement précise: «La règle énoncée à l’article 13, paragraphe 2, point b) est appliquée compte tenu des exceptions et particularités suivantes:

[…]


2) La personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, si elle exerce une partie de son activité sur le territoire de cet État membre.


[…]»


7. Aux termes de l’article 14 quinquies, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71: «La personne visée à […] l’article 14 bis, paragraphes 2, 3 et 4, […] est traitée, aux fins de l’application de la législation déterminée conformément à ces dispositions, comme si elle exerçait l’ensemble de son activité professionnelle ou de ses activités professionnelles sur le territoire de l’État membre concerné.»

B – La législation nationale et la convention préventive de la double imposition entre la République française et le Royaume-Uni

8. La contribution sociale généralisée (ci-après la «CSG») a été instituée par la loi de finances n° 90-1168, du 29 décembre 1990 (5), dont les dispositions pertinentes ont été codifiées aux articles L. 136-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

9. Selon l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale, la CSG est assise sur les revenus d’activités et de remplacement des personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu et se trouvent à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire d’assurance maladie français. Les revenus professionnels des travailleurs indépendants sont également soumis à la CSG. Conformément à l’article L. 136-5 du code de la sécurité sociale, la CSG perçue sur les revenus d’activités est recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations au régime général pour la même catégorie de revenus. En application de l’article L 136‑8 du code de la sécurité sociale, le taux de la CSG prélevée sur les revenus visés à l’article L. 136‑1 de ce code est de 7,5 % de leur montant brut (6). Le produit de la CSG prélevée sur les revenus d’activités et de remplacement est versé, selon la répartition fixée à l’article L. 136‑8, IV, du code de la sécurité sociale, à la Caisse nationale des allocations familiales, au Fonds de solidarité vieillesse (7), aux régimes obligatoires d’assurance maladie ainsi que, depuis le 1er juillet 2004, à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (8).

10. La contribution pour le remboursement de la dette sociale (ci‑après la «CRDS») a été instituée par l’article 14-1 de l’ordonnance n° 96-50, du 24 janvier 1996, relative au remboursement de la dette sociale (9). La CRDS est assise sur les revenus visés et dans les conditions prévues aux articles L. 136-2 à L. 136-4 et L. 136-8, III, du code de la sécurité sociale. Son taux a été fixé à 0,5 % des revenus imposables et elle est prélevée sur les revenus perçus du 1er février 1996 au 31 janvier 2009. En vertu de l’article 15, III, point 1, de l’ordonnance n° 96‑50, sont également assujettis à la CRDS les revenus d’activités et de remplacement de source étrangère qui sont soumis en France à l’impôt sur le revenu, dans le respect des conventions fiscales conclues en vue d’éviter les doubles impositions. Selon cette ordonnance, le produit de la CRDS est affecté à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), établissement public national à caractère administratif.

11. Le 22 mai 1968, la République française et le Royaume-Uni ont signé une convention tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les revenus (ci‑après la «convention préventive de la double imposition»), entrée en vigueur le 29 octobre 1969 (10).

12. Selon l’article 1er, paragraphe 1, de cette convention, les impôts qui entrent dans son champ d’application, en ce qui concerne la République française, sont l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’impôt sur les sociétés ainsi que toutes retenues à la source, tous précomptes et avances décomptés sur ces impôts. Le paragraphe 2 du même article prévoit que ladite convention «s’appliquera également à tout impôt futur de nature identique ou analogue que l’un des États contractants ou le gouvernement de l’un des territoires auxquels la présente convention aurait été étendue [...] ajouterait ou substituerait aux impôts actuels. Les autorités compétentes des États contractants se communiqueront les modifications apportées à leurs législations fiscales respectives».

13. Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de la convention préventive de la double imposition, les revenus qu’un résident d’un État contractant tire d’activités indépendantes ne sont imposables que dans cet État, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l’autre État contractant d’une base fixe pour l’exercice de ses activités. S’il dispose d’une telle base, les revenus sont imposables dans l’autre État, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à ladite base fixe. Le paragraphe 2 de cette même disposition définit les «activités indépendantes», lesquelles désignent toutes les activités, autres que les activités commerciales, industrielles ou agricoles, exercées par une personne qui perçoit les produits ou supporte les pertes résultant de ces activités.

14. Il ressort du dossier que la convention préventive de la double imposition sera remplacée dès que la convention signée le 28 janvier 2004 entre la République française et le Royaume‑Uni tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur les revenus et sur les gains en capital sera ratifiée. Cette dernière convention mentionne expressément que la CSG et la CRDS entrent dans son champ d’application.

III – Le litige au principal et la question préjudicielle

15. M. Derouin réside en France où il exerce la profession d’avocat à titre libéral, tout en étant également associé du partnership (assimilable à une société en participation) de droit anglais Linklaters (ci-après «Linklaters»). Linklaters a son principal établissement au Royaume-Uni, mais possède également des bureaux dans d’autres États membres dont la France.

16. M. Derouin est inscrit à la fois comme avocat à la Cour d’appel de Paris (France) et en qualité de registered...

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