Skatteministeriet v Bent Vestergaard.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:294
Docket NumberC-55/98
Celex Number61998CC0055
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date10 June 1999
EUR-Lex - 61998C0055 - FR 61998C0055

Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 10 juin 1999. - Skatteministeriet contre Bent Vestergaard. - Demande de décision préjudicielle: Højesteret - Danemark. - Libre prestation des services - Impôt sur le revenu - Revenu imposable - Déduction des dépenses relatives à des cours de formation professionnelle - Distinction selon le pays dans lequel les cours ont lieu. - Affaire C-55/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-07641


Conclusions de l'avocat général

Introduction

1 Par ordonnance du 18 février 1998, le Højesteret danois a déféré à la Cour deux questions préjudicielles concernant l'interprétation des articles 12 et 49 (respectivement ex articles 6 et 59) du traité CE en matière de libre prestation des services. Ces questions visent à savoir si les articles susvisés s'opposent à une pratique administrative et jurisprudentielle danoise instituant une présomption de non-déductibilité du revenu imposable en ce qui concerne les frais exposés pour la participation à des cours de formation professionnelle continue organisés dans des localités touristiques à l'étranger, alors que cette présomption fait défaut pour les cours organisés au Danemark.

La réglementation nationale

2 La législation danoise en matière de déductibilité du revenu imposable découle de la loi relative aux impôts d'État n_ 149 du 10 avril 1922 et de ses modifications ultérieures. L'article 4 de cette loi dispose qu'on entend par revenu imposable tout montant en argent ou constitué par des biens patrimoniaux pouvant être évalués en argent. L'article 6 prévoit en outre la possibilité de déduire du revenu les frais de gestion, à savoir les frais qui ont été supportés en cours d'année pour la production ou la conservation du revenu.

3 Les modalités de déduction spécifiques sont définies par la pratique administrative et sont contenues dans des circulaires émanant de l'administration fiscale. En ce qui concerne les frais relatifs à des cours de formation professionnelle continue fréquentés par des salariés, la circulaire pour 1996 prévoit que «lorsqu'une rencontre de nature professionnelle ou un séminaire se déroule dans un pays étranger (en particulier dans des lieux ordinairement fréquentés par les touristes), le droit à déduction disparaît, à moins que le lieu de destination du voyage et de la formation puisse en soi se justifier au regard de considérations professionnelles (...). Il y a donc lieu de présumer que la tenue de la formation dans un lieu touristique étranger est associée à un objectif touristique si évident que les frais afférents à cette formation ne sauraient être considérés comme des dépenses déductibles».

4 Lorsque ces frais sont exposés par l'employeur, leur non-déductibilité a pour conséquence qu'ils sont considérés comme se substituant à des dépenses privées et, par conséquent, sont imposés en tant que partie de la rémunération du salarié.

5 La présomption précitée a été à plusieurs reprises confirmée par la jurisprudence danoise, laquelle a également précisé qu'elle peut être renversée si le contribuable démontre, en fournissant des renseignements supplémentaires sur le contenu du cours et sur sa durée par rapport au séjour, que le lieu dans lequel le cours s'est déroulé était techniquement justifié.

6 Au cas où en revanche, le cours de formation continue s'est tenu dans un lieu touristique au Danemark, il n'existe aucune présomption de rattachement à un élément touristique de nature à faire disparaître la déductibilité. Tant dans la jurisprudence que dans les décisions prises par les autorités administratives on ne trouve d'exemple de cours tenus dans des lieux touristiques au Danemark pour lesquels on ait refusé la déduction.

Les faits et les questions préjudicielles

7 M. Bent Vestergaard est un ressortissant danois exerçant la profession de réviseur d'entreprises et est inscrit au registre correspondant. Il possède la totalité du capital actions de la société Bent Vestergaard A/S, qui exerce une activité de révision des comptes. Au cours de la période comprise entre le 3 et le 10 octobre 1988, M. Vestergaard a participé à un cours de formation continue en matière fiscale organisé sur l'île de Crète par un groupe de réviseurs danois en collaboration avec une agence de voyages. L'activité effective de mise à niveau a duré trois journées entières et deux demi-journées pour un séjour de sept jours en Grèce au total. M. Vestergaard a pris part à l'ensemble des séminaires prévus au programme. Les frais de séjour, qui s'élevaient au total à 5 516 DKR, ont été pris en charge par la société Bent Vestergaard A/S, qui a par la suite déduit de son revenu imposable les frais exposés pour les cours fréquentés par l'un de ses employés.

8 Le 29 juin 1993, Landsskatteretten (la principale autorité fiscale au Danemark) a arrêté une décision par laquelle elle déclarait que le montant payé par la société Bent Vestergaard A/S pour le cours en Crète pouvait être déduit par cette dernière, non à titre de frais de formation mais en tant que partie de la rémunération perçue par M. Vestergaard en sa qualité de principal actionnaire de la société. De la sorte, le montant de 5 516 DKR était intégré dans le revenu imposable de M. Vestergaard.

9 Contre cette décision, M. Vestergaard a formé un recours devant le Vestre Landsret; par arrêt du 3 mai 1995, cette juridiction, statuant à la majorité de deux juges sur trois, a accueilli le recours en déclarant que le requérant avait réussi à renverser la présomption que le cours était caractérisé par un élément touristique primordial. Partant, le Vestre Landsret a statué en ce sens que les frais afférents à la formation devaient être entièrement déduits du montant imposable de M. Vestergaard.

10 A la suite de cet arrêt, le Skatteministeriet (ministère des Finances danois) a interjeté appel devant le Højesteret (la Cour suprême danoise). Au cours de la procédure, M. Vestergaard a allégué comme nouvel argument le fait que l'imposition des frais du séminaire en tant que partie de sa rémunération serait contraire aux articles 12 et 49 (respectivement ex article 6 et 59) du traité CE. A la lumière de ce nouvel argument, le Højesteret a estimé opportun de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des questions préjudicielles suivantes:

«1. La jurisprudence danoise (voir l'arrêt du 19 octobre 1994 du Højesteret, publié au Ugeskrift for Retsvæsen, p. 970) présumant qu'une formation se déroulant dans un endroit touristique ordinaire à l'étranger, et dont la localisation n'est pas justifiée comme telle par des considérations de nature professionnelle, est associée à un objectif touristique si évident que les frais afférents à la formation ne peuvent être assimilés à des dépenses professionnelles déductibles, est-elle conforme aux articles 12 et 49 [ex 6 et 59] du traité CE?

2. Dans la négative, le régime national en vigueur en matière fiscale, tel que décrit ci-dessus au paragraphe 2, peut-il être justifié au titre de la jurisprudence de la Cour, notamment de ses arrêts Bachmann (C-204/90) et Futura Participations SA (C-250/95)?»

En ce qui concerne la première question préjudicielle

11 Par sa première question préjudicielle, le juge national demande à la Cour si une pratique administrative et jurisprudentielle nationale, instaurant une présomption de non-déductibilité du revenu imposable, pour ce qui est des frais de participation à des cours de formation de formation professionnelle continue organisés dans des lieux touristiques à l'étranger, doit être tenue pour incompatible avec l'interdiction de discrimination en matière de libre prestation des services visée à l'article 49 (ex article 59) et, plus généralement, avec le principe d'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité, consacré à l'article 12 (ex article 6) du traité.

12 A titre préliminaire, il est nécessaire d'apporter une précision. En ce qui concerne le renvoi, opéré par le juge national, à l'article 12 (ex article 6), il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence désormais constante (1), cet article n'a vocation à s'appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles des règles spécifiques font défaut. En matière de libre prestation des services, l'interdiction de discrimination fondée sur la nationalité est énoncée à l'article 49 (ex article 59) qui constitue donc une règle spécifique par rapport à l'article 12 (ex article 6). En conséquence, nous nous référerons, dans la suite des conclusions, uniquement à l'article 49 (ex article 59).

13 L'objet du présent litige a trait une nouvelle fois à la matière des impôts directs. A cet égard, la Cour a précisé, à plusieurs reprises, que «si, en l'état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de la Communauté, il n'en reste pas moins que les États membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du droit communautaire» (2).

Cela signifie que lorsque, comme en l'espèce, le régime fiscal d'un État membre réserve aux contribuables un traitement différent aux fins de la détermination du revenu imposable uniquement en raison du fait qu'ils ont bénéficié d'un service dans un autre État membre, il est nécessaire d'apprécier si cette pratique enfreint l'interdiction de discrimination édictée à l'article 49 [ex 59] du traité CE en créant une entrave à la libre circulation des services.

14 Selon le ministère des Finances danois, la pratique suivie par l'administration fiscale ne fait apparaître aucun élément...

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