Powell Duffryn plc v Wolfgang Petereit.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1991:431
Date20 November 1991
Celex Number61989CC0214
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-214/89
EUR-Lex - 61989C0214 - FR 61989C0214

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 20 novembre 1991. - Powell Duffryn plc contre Wolfgang Petereit. - Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht Koblenz - Allemagne. - Convention de Bruxelles - Convention attributive de juridiction - Clause figurant dans les statuts d'une société anonyme. - Affaire C-214/89.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-01745
édition spéciale suédoise page I-00001
édition spéciale finnoise page I-00029


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La présente procédure a trait à certaines questions déférées à la Cour par l' Oberlandesgericht Koblenz et relatives à l' interprétation de l' article 17 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après "convention"), tel que modifié par la convention d' adhésion de 1978.

2. Rappelons brièvement les faits qui sont à l' origine de la présente procédure en renvoyant pour un plus ample exposé au rapport d' audience.

En 1979, puis en 1980 et 1981, la société de droit anglais Powell Duffryn a participé à l' augmentation de capital de la société de droit allemand IBH-Holding AG (ci-après "IBH") en souscrivant des actions.

Le 28 juillet 1980, au cours d' une assemblée générale d' IBH, des modifications ont été apportées à ses statuts. Entre autres, et pour ce qui nous intéresse ici, on a inséré à l' article 4 une nouvelle clause libellée comme suit: "l' actionnaire, en souscrivant ou en acquérant des actions ou des certificats provisoires, se soumet à la juridiction dont relève ordinairement la société, pour tous les différends avec la société ou avec ses organes". Il faut souligner ici que Powell Duffryn a participé à cette assemblée et était donc présente au moment de l' introduction de cette modification, qui a été approuvée à main levée.

Après l' ouverture de la faillite d' IBH, le syndic de cette faillite, M. Petereit, a assigné Powell Duffryn devant le Landgericht Mainz en soutenant que la société anglaise ne s' était pas acquittée des obligations résultant des contrats de souscription et en demandant le remboursement des dividendes indûment distribués. Powell Duffryn a excipé de l' incompétence de la juridiction précitée, qui, estimant au contraire que la clause attributive de juridiction figurant à l' article 4 des statuts était valide, s' est déclarée compétente.

La société Powell Duffryn a fait appel de cette décision devant l' Oberlandesgericht Koblenz, qui a sursis à statuer et effectué un renvoi préjudiciel devant la Cour en posant, en substance, les questions suivantes:

1) Une clause attributive de juridiction figurant dans les statuts d' une société anonyme constitue-t-elle une convention sur la compétence au sens de l' article 17 de la convention et cette question appelle-t-elle une réponse différente selon que l' actionnaire souscrit des actions ou acquiert des actions déjà existantes?

2) En cas de réponse affirmative à la première question:

a) la condition de l' écrit exigée par l' article 17 est-elle remplie par une déclaration écrite, à l' occasion d' une augmentation de capital, pour la souscription et l' acquisition des actions?

b) est-il satisfait à la condition selon laquelle le rapport de droit dont les différends peuvent naître doit être suffisamment déterminé, au sens de l' article en question?

c) enfin, la clause en question s' applique-t-elle également aux actions en recouvrement fondées sur le contrat de souscription des actions et aux actions en remboursement de dividendes indûment versés?

3. Le point principal consiste donc à établir si une clause attributive de juridiction contenue dans les statuts d' une société anonyme constitue une convention sur la compétence au sens de l' article 17 et, partant, satisfait aux conditions de forme prescrites par ce même article.

L' article 17, rappelons-le, dans la formulation résultant de la convention d' adhésion du Danemark, de l' Irlande et du Royaume-Uni de 1978, prévoit l' hypothèse dans laquelle "les parties, dont l' une au moins a son domicile sur le territoire d' un État contractant, sont convenues d' un tribunal ou de tribunaux d' un État contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l' occasion d' un rapport de droit déterminé", en exigeant qu' une telle "convention attributive de juridiction doit être conclue soit par écrit, soit verbalement avec confirmation écrite, soit, dans le commerce international, en une forme admise par les usages dans ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître".

Compte tenu de la formulation de la disposition précitée, le point qu' il convient de vérifier en premier lieu est celui de savoir si la disposition considérée des statuts (la clause attributive de juridiction) est ou non de nature conventionnelle au sens de l' article 17. Pour répondre à cette question, il est donc indispensable de clarifier à titre préliminaire quelle est la portée de la notion de convention entre les parties (littéralement "Si les parties ... sont convenues ...") contenue dans la disposition en cause.

A cet égard, il est évident que lorsqu' elles ne sont pas définies par la convention, on peut attribuer aux notions utilisées dans celle-ci une signification autonome et, partant, commune à l' ensemble des États contractants, ou renvoyer au droit national. Et on sait que la Cour n' a pas, en principe, opté pour l' interprétation "nationale" ou pour l' interprétation autonome, mais qu' elle a subordonné ce choix à un examen des diverses notions afin d' établir cas par cas laquelle des deux possibilités contribue le plus à assurer à la convention sa pleine efficacité (1).

Toutefois, dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour a clairement marqué une préférence pour l' interprétation autonome de la convention (2), au point de pouvoir affirmer que la pratique en la matière a évolué plutôt dans le sens d' un rapport entre la règle générale (interprétation autonome) et l' exception (renvoi au droit national).

Nous estimons que la notion de convention entre les parties au sens de l' article 17 doit elle aussi être interprétée d' une manière autonome. Cela, en tenant compte tant des objectifs et de l' économie de la convention, donc en particulier de l' objectif d' éviter des divergences dans l' application de cette même convention et d' assurer ainsi une plus grande sécurité du droit par une interprétation claire et uniforme pour tous les États contractants, que des principes généraux susceptibles d' être dégagés de l' ensemble des ordres juridiques nationaux.

4. En vérité, un examen comparatif des divers ordres juridiques des États membres révèle, d' une part, que les rapports sociaux, et notamment - dans l' optique qui nous intéresse ici - les rapports qui s' instaurent entre la société et les actionnaires, reçoivent des qualifications qui ne sont pas univoques; d' autre part, d' ailleurs, que la différence de qualification ne comporte pas de conséquences fondamentalement différentes.

Et en effet, dans les systèmes juridiques où prévaut la conception contractuelle, et ils constituent la très grande majorité, il est en tout cas évident que les obligations résultant de la qualité d' actionnaire peuvent exister indépendamment de la volonté exprimée par le particulier. Ainsi, par exemple, il n' est pas contesté que la délibération de l' assemblée adoptée à la majorité, en principe réfractaire à une quelconque qualification contractuelle, lie tous les actionnaires, y compris ceux qui sont en désaccord, et ceux qui, par la suite, acquièrent ce statut. Vice versa, dans les ordres juridiques où prévaut la conception institutionnelle, en vertu de laquelle les statuts (et même l' acte constitutif) sont un acte sui generis qui a valeur de droit objectif pour les associés, il se peut que certaines clauses des statuts ne soient opposables qu' à celui qui a effectivement et expressément donné son consentement, c' est-à-dire dans les formes conventionnelles au sens strict.

La dichotomie contractuel-institutionnel, en ce qui concerne la qualification du rapport social, nous semble en définitive et aux fins de la solution du problème considéré, plutôt théorique et en tout cas d' importance mineure. Ce qui importe, à notre avis, c' est plutôt que, indépendamment de la conception adoptée et du débat de doctrine en la matière, il existe en tout état de cause à la base de la notion de société une manifestation de volonté conventionnelle qui se concrétise dans l' acte constitutif de la société, dont les statuts font partie intégrante, et qui instaure de cette manière des liens étroits entre les actionnaires et entre ceux-ci et la société, liens qui trouvent dans les statuts leur consécration la plus large et définitive et qui, en substance, sont en tout cas, en ce qui concerne leurs effets et pour ce qui...

To continue reading

Request your trial
8 practice notes
  • Cartel Damage Claims (CDC) Hydrogen Peroxide SA v Evonik Degussa GmbH and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 December 2014
    ...de dicho contrato. ( 126 ) Sentencia Refcomp (C‑543/10, EU:C:2013:62), apartados 27 y ss. ( 127 ) Véase la sentencia Powell Duffryn (C‑214/89, EU:C:1992:115), apartado 31 (el subrayado es ( 128 ) Véanse los considerandos 48 y ss. y los artículos 18 y 19 de dicha Directiva, además de la prop......
  • Cartel Damage Claims (CDC) Hydrogen Peroxide SA v Evonik Degussa GmbH and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 May 2015
    ...clause conferring jurisdiction invoked before it in order to determine which disputes fall within its scope (judgments in Powell Duffryn, C‑214/89, EU:C:1992:115, paragraph 37, and in Benincasa, C‑269/95, EU:C:1997:337, paragraph 68 A jurisdiction clause can concern only disputes which have......
  • Erich Gasser GmbH v MISAT Srl.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 September 2003
    ...que esté comprendido en el ámbito de aplicación del artículo 16, punto 1. 47 – Véase la sentencia de 10 de marzo de 1992, Powell Duffryn (C-214/89, Rec. I-1745), apartado 48 – Véase la sentencia Elefanten Schuh, antes citada, apartados 25 y 26. 49 – Véanse las sentencias, antes citadas, Est......
  • Erich Gasser GmbH v MISAT Srl.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 December 2003
    ...exclusivamente a la luz de los requisitos de dicho artículo 17 (véase, en este sentido, la sentencia de 10 de marzo de 1992, Powell Duffryn, C‑214/89, Rec. p. I‑1745, apartado 52 Además, la interpretación del artículo 21 del Convenio de Bruselas que se desprende de lo anterior viene corrobo......
  • Request a trial to view additional results
8 cases
  • Cartel Damage Claims (CDC) Hydrogen Peroxide SA v Evonik Degussa GmbH and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 December 2014
    ...de dicho contrato. ( 126 ) Sentencia Refcomp (C‑543/10, EU:C:2013:62), apartados 27 y ss. ( 127 ) Véase la sentencia Powell Duffryn (C‑214/89, EU:C:1992:115), apartado 31 (el subrayado es ( 128 ) Véanse los considerandos 48 y ss. y los artículos 18 y 19 de dicha Directiva, además de la prop......
  • Cartel Damage Claims (CDC) Hydrogen Peroxide SA v Evonik Degussa GmbH and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 May 2015
    ...clause conferring jurisdiction invoked before it in order to determine which disputes fall within its scope (judgments in Powell Duffryn, C‑214/89, EU:C:1992:115, paragraph 37, and in Benincasa, C‑269/95, EU:C:1997:337, paragraph 68 A jurisdiction clause can concern only disputes which have......
  • Erich Gasser GmbH v MISAT Srl.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 September 2003
    ...que esté comprendido en el ámbito de aplicación del artículo 16, punto 1. 47 – Véase la sentencia de 10 de marzo de 1992, Powell Duffryn (C-214/89, Rec. I-1745), apartado 48 – Véase la sentencia Elefanten Schuh, antes citada, apartados 25 y 26. 49 – Véanse las sentencias, antes citadas, Est......
  • Erich Gasser GmbH v MISAT Srl.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 December 2003
    ...exclusivamente a la luz de los requisitos de dicho artículo 17 (véase, en este sentido, la sentencia de 10 de marzo de 1992, Powell Duffryn, C‑214/89, Rec. p. I‑1745, apartado 52 Además, la interpretación del artículo 21 del Convenio de Bruselas que se desprende de lo anterior viene corrobo......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT