CA Consumer Finance v Ingrid Bakkaus and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2213
Docket NumberC-449/13
Celex Number62013CC0449
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 September 2014
62013CC0449

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 11 septembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑449/13

CA Consumer Finance SA

contre

Ingrid Bakkaus,

Charline Bonato, née Savary,

Florian Bonato

[demande de décision préjudicielle

formée par le tribunal d’instance d’Orléans (France)]

«Protection des consommateurs — Crédit à la consommation — Obligations précontractuelles incombant au prêteur professionnel — Devoirs d’information et d’évaluation de la solvabilité du consommateur — Modalités et charge de la preuve de l’exécution desdites obligations»

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2008/48/CE ( 2 ), relatives aux obligations précontractuelles incombant au prêteur professionnel. Sont plus spécifiquement en cause les obligations visées aux articles 5 (obligation d’information et d’explication) et 8 (évaluation de la solvabilité du consommateur) de ladite directive.

2.

Il apparaît que la juridiction de renvoi entend, pour l’essentiel, obtenir des précisions sur la charge et les modes de preuve de l’exécution desdites obligations. Ainsi que je l’exposerai dans les présentes conclusions, si la question de savoir à qui il incombe, en principe, d’établir que les obligations d’information et de vérification contractuelles découlant de la directive 2008/48 ont été correctement exécutées me semble découler logiquement de ladite directive, les modalités de preuve de ladite exécution me semblent amplement régies par le principe d’autonomie procédurale. Il conviendra dès lors d’aborder les questions posées par la juridiction de renvoi avec une certaine prudence, afin que soit trouvé un juste équilibre entre l’objectif de protection du consommateur poursuivi par ladite directive et la nécessité de ne pas imposer au prêteur un procédé probatoire irréaliste.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

L’article 5 de la directive 2008/48, intitulé «Informations précontractuelles», dispose:

«1. Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat ou une offre de crédit, le prêteur et, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit, lui donnent en temps utile, sur la base des clauses et conditions du crédit proposé par le prêteur et, le cas échéant, des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause sur la conclusion d’un contrat de crédit. Ces informations, sur un support papier ou sur un autre support durable, sont fournies à l’aide des ‘informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs’ qui figurent à l’annexe II. Le prêteur est réputé avoir respecté les exigences en matière d’information prévues par le présent paragraphe et à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2002/65/CE, s’il a fourni les ‘informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs’. [...]

[...]

6. Les États membres veillent à ce que les prêteurs et, le cas échéant, les intermédiaires de crédit, fournissent au consommateur des explications adéquates grâce auxquelles celui-ci sera en mesure de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, le cas échéant en expliquant l’information précontractuelle qui doit être fournie conformément au paragraphe 1, les caractéristiques essentielles des produits proposés et les effets particuliers qu’ils peuvent avoir sur le consommateur, y compris les conséquences d’un défaut de paiement du consommateur. Les États membres peuvent adapter les modalités d’octroi et l’étendue de cette assistance, et établir l’identité de la personne qui la fournit, en fonction du contexte particulier dans lequel le contrat de crédit est proposé, de la personne à qui il est proposé, et du type de contrat de crédit proposé.»

4.

L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/48, intitulé «Obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur», prévoit:

«Les États membres veillent à ce que, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur évalue la solvabilité du consommateur, à partir d’un nombre suffisant d’informations, fournies, le cas échéant, par ce dernier et, si nécessaire, en consultant la base de données appropriée. Les États membres dont la législation prévoit l’évaluation obligatoire par le prêteur de la solvabilité du consommateur sur la base d’une consultation de la base de données appropriée peuvent maintenir cette obligation.»

5.

L’article 22 de la directive, intitulé «Harmonisation et caractère impératif de la présente directive», dispose à ses paragraphes 2 et 3:

«2. Les États membres veillent à ce que le consommateur ne puisse renoncer aux droits qui lui sont conférés en vertu des dispositions du droit national qui mettent en œuvre la présente directive ou qui lui correspondent.

3. Les États membres veillent, en outre, à ce que les dispositions qu’ils adoptent pour la mise en œuvre de la présente directive ne puissent être contournées par le biais du libellé des contrats, notamment en intégrant des prélèvements ou des contrats de crédit relevant du champ d’application de la présente directive dans des contrats de crédit dont le caractère ou le but permettrait d’éviter l’application de celle-ci.»

6.

L’article 23 de la directive 2008/48, intitulé «Sanctions», dispose:

«Les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.»

B – Le droit français

7.

La loi no 2010-737, du 1er juillet 2010, portant réforme du crédit à la consommation ( 3 ), qui vise à transposer la directive 2008/48 a été intégrée dans les articles L. 311‑1 et suivants du code de la consommation.

8.

L’article L. 311‑6 dudit code, relatif à l’obligation de remettre la fiche d’informations européenne normalisée, dispose:

«I.

Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement. [...]

II.

Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d’un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d’informations mentionnée au I lui soit remise sur le lieu de vente.»

9.

L’article L. 311‑8 du code de la consommation, qui se rapporte au devoir d’explication précontractuel, prévoit:

«Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l’article L. 311‑6. Il attire l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l’emprunteur.

[...]»

10.

L’article L. 311‑9 de ce code est libellé comme suit:

«Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 333‑4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333‑5.»

11.

L’article L. 311‑48, deuxième et troisième alinéas, du code de la consommation prévoit:

«Lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311‑8 et L. 311‑9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. [...]

L’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.»

II – Les faits à l’origine du litige, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

12.

La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant CA Consumer Finance SA (ci-après «CA CF»), d’une part, à Mme Bakkaus et, d’autre part, aux époux Bonato au sujet des demandes de paiement de sommes restant dues sur les prêts que cette société leur avait accordés, augmentées des intérêts, en vue de l’achat de véhicules automobiles.

13.

Saisie de ces litiges et étant précisé que les défendeurs au principal n’ont pas comparu à l’audience, la juridiction de renvoi a soulevé d’office ( 4 ), en vue de l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur en application de l’article L. 311‑48 du code de la consommation, les moyens tirés, premièrement, d’une absence de justification du contenu de la fiche d’informations précontractuelles devant être remise à l’emprunteur, deuxièmement, d’un défaut de justification de l’accomplissement du devoir d’explication et du manquement du prêteur à son devoir de mise en garde de l’emprunteur dans le cadre du devoir d’explication et, troisièmement, de la...

To continue reading

Request your trial
5 practice notes
  • Froukje Faber v Autobedrijf Hazet Ochten BV.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 November 2014
    ...combust. ( 58 ) See also, for example, in the context of consumer credit, Opinion of Advocate General Wahl in CA Consumer Finance, C‑449/13, EU:C:2014:2213, point 37. ( 59 ) That was also the intention of the Commission in proposing this provision: see COM(95) 520 final, cited in footnote 2......
  • CO Sociedad de Gestión y Participación SA and Others v De Nederlandsche Bank NV and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 February 2015
    ...ABN AMRO) et la dépêche de presse de la Commission IP/99/551 du 20 juillet 1999 (affaire Champalimaud). ( 18 ) Arrêt CA Consumer Finance (C‑449/13, EU:C:2014:2464, point ( 19 ) Voir point 25 ci‑dessus. ( 20 ) Article 4, paragraphe 2, sous a), TFUE. ( 21 ) Arrêt CA Consumer Finance (C‑449/13......
  • Unione Nazionale Industria Conciaria (UNIC) and Unione Nazionale dei Consumatori di Prodotti in Pelle, Materie Concianti, Accessori e Componenti (Uni.co.pel) v FS Retail and Others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 April 2015
    ...de l’Union en pratique impossible ou excessivement difficile (principe de l’effet utile). Voir, par exemple, arrêt CA Consumer Finance (C‑449/13, EU:C:2014:2464, point 23 et jurisprudence ( 36 ) En examinant la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives......
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 19 December 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 December 2019
    ...EU:C:2019:930, point 66). Voir également, par exemple, les conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire CA Consumer Finance (C‑449/13, EU:C:2014:2213, point 31) ; de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2015:746, point 39) ; et de l’avocate générale ......
  • Request a trial to view additional results
1 cases
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 19 December 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 December 2019
    ...EU:C:2019:930, point 66). Voir également, par exemple, les conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire CA Consumer Finance (C‑449/13, EU:C:2014:2213, point 31) ; de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Finanmadrid EFC (C‑49/14, EU:C:2015:746, point 39) ; et de l’avocate générale ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT