Ministero delle Finanze v IN.CO.GE.'90 Srl, Idelgard Srl, Iris'90 Srl, Camed Srl, Pomezia Progetti Appalti Srl (PPA), Edilcam Srl, A. Cecchini & C. Srl, EMO Srl, Emoda Srl, Sappesi Srl, Ing. Luigi Martini Srl, Giacomo Srl and Mafar Srl.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:228
Docket NumberC-22/97,C-10/97
Celex Number61997CC0010
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 May 1998
EUR-Lex - 61997C0010 - FR 61997C0010

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 14 mai 1998. - Ministero delle Finanze contre IN.CO.GE.'90 Srl, Idelgard Srl, Iris'90 Srl, Camed Srl, Pomezia Progetti Appalti Srl (PPA), Edilcam Srl, A. Cecchini & C. Srl, EMO Srl, Emoda Srl, Sappesi Srl, Ing. Luigi Martini Srl, Giacomo Srl et Mafar Srl. - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Roma - Italie. - Répétition de l'indu - Sort d'une imposition nationale incompatible avec le droit communautaire. - Affaires jointes C-10/97 à C-22/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-06307


Conclusions de l'avocat général

1 Dans cette série de recours joints, le Pretore di Roma pose une seule et même question préjudicielle, relative aux conséquences de l'incompatibilité d'une règle de droit interne avec le droit communautaire lorsque cette règle institue une taxe jugée incompatible avec celui-ci et que les contribuables exercent l'action en remboursement des sommes versées à ce titre.

Les faits, les procédures au principal et la question préjudicielle

2 Les ordonnances de renvoi contiennent très peu de données sur les faits qui font l'objet des litiges au principal. On peut en déduire que, pendant un certain nombre d'années non précisé, les sociétés qui sont parties dans le litige au principal ont payé une taxe annuelle de concession gouvernementale pour leur inscription au registre des entreprises; cette taxe, dont le montant a fait l'objet de diverses modifications légales (1), a été instituée par le décret n_ 641/72 du président de la République, du 26 octobre 1972.

3 Après l'arrêt que la Cour a rendu le 20 avril 1993 dans l'affaire Ponente Carni et Cispadana Costruzioni (2), en réponse à diverses questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (3), le législateur italien a aboli la taxe annuelle et a ramené à 500 000 LIT le montant de la taxe pour la première inscription des sociétés au registre (4).

4 Pour leur part, les juridictions italiennes ont elles aussi déclaré que la taxe annuelle était incompatible avec le droit communautaire (5) et, partant, que les sommes encaissées à ce titre avaient été versées indûment.

5 Les sociétés susmentionnées ont demandé et obtenu du Pretore di Roma une injonction (decreto ingiuntivo) (6) par laquelle il intimait à l'administration fiscale italienne de rembourser les sommes qu'elles avaient versées antérieurement. Le ministère des Finances a fait opposition à cette injonction, en soulevant une série d'exceptions, en particulier l'incompétence du Pretore pour connaître du litige et la forclusion de l'action en restitution.

6 De l'avis du Pretore, avant de statuer sur ces deux exceptions, il se pose un problème qu'il appartient à la Cour de trancher: si le rapport juridique entre l'administration et les entreprises qui ont payé la taxe est de nature fiscale, le Pretore serait incompétent pour connaître du litige, car il ne lui appartient pas de juger les «affaires en matière d'impôts et taxes». De même, l'application des règles qui régissent la forclusion ou la prescription des actions dépend de la qualification juridique - fiscale ou simplement civile - donnée à ces dernières.

7 Par conséquent, le Pretore, se fondant sur l'incompatibilité de la loi nationale qui avait institué la taxe avec le droit communautaire, s'adresse à la Cour pour demander si cette incompatibilité exige l'inapplication totale de la loi et si elle doit avoir également des incidences sur la qualification du rapport juridique existant entre l'administration fiscale et la personne qui a payé la taxe, et en vertu duquel l'action en restitution est exercée.

8 La question préjudicielle est libellée de la manière suivante:

«L'incompatibilité de l'article 3, paragraphes 18 et 19, du décret-loi n_ 853 du 19 décembre 1984, converti en loi n_ 17 du 17 février 1985, avec l'article 10 de la directive 69/335/CEE du Conseil du 17 juillet 1969, telle qu'elle a été interprétée par l'arrêt de la Cour du 20 avril 1993 (dans les affaires jointes C-71/91 et C-178/91), a-t-elle pour conséquence qu'il y a lieu, sur la base des critères d'intégration entre le droit national et le droit communautaire établis par la Cour, d'écarter totalement l'application des paragraphes 18 et 19 précités, et, notamment, que le juge national doit s'abstenir de prendre en considération ladite loi nationale, même pour qualifier le rapport juridique en vertu duquel un ressortissant d'un État membre demande à l'administration fiscale la restitution des sommes versées en violation de l'article précité de la directive 69/335/CEE

La première partie de la question préjudicielle

9 La question préjudicielle soulève, en réalité, deux problèmes successifs, dont le premier a une portée plus étendue que le second. Si, dans un premier temps, le Pretore interroge la Cour sur le rapport entre l'incompatibilité de la règle interne avec le droit communautaire et l'inapplication de cette règle, il se concentre ensuite sur un aspect spécifique de cette inapplication, à savoir son incidence sur la «qualification» d'un rapport de droit déterminé.

10 La solution de la première partie de la question a déjà été fournie maintes fois par la Cour: la règle nationale incompatible avec le droit communautaire ne peut être appliquée et, partant, les juridictions nationales doivent en écarter l'application dans le litige dont elles sont saisies.

11 En effet, l'application uniforme du droit communautaire ne serait pas garantie si les États membres prétendaient faire prévaloir leurs propres normes internes sur les normes communautaires, c'est-à-dire s'ils pouvaient leur préférer l'application du droit interne en cas de divergences entre les unes et les autres.

12 Depuis le déjà classique arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal (7), cette affirmation est formulée en termes assez catégoriques. Je rappellerai que les questions préjudicielles qui avaient été posées à l'époque par le Pretore de Susa portaient, de même que la présente question, sur le remboursement de certaines taxes exigées par l'administration italienne en exécution de règles nationales contraires au droit communautaire (en l'occurrence, il s'agissait de droits de contrôle sanitaire perçus pour l'importation de viande de boeuf).

13 Il y a vingt ans déjà, le Pretore de Susa interrogeait la Cour sur les conséquences de l'applicabilité directe d'une disposition de droit communautaire en cas d'incompatibilité entre cette disposition et une disposition postérieure de la législation d'un État membre. La réponse de la Cour, qui, par la suite, est quasiment devenue une clause de style dans sa jurisprudence en la matière, a été que le juge national chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel.

14 Ce principe jurisprudentiel, dont l'introduction dans la réalité juridique des États membres n'a pas été exempte de polémiques (8), a été itérativement confirmé par la Cour (9). Il est sans aucun doute applicable à la taxe en cause en l'espèce et, de fait, c'est ce qu'ont déclaré les plus hautes instances juridictionnelles italiennes (10). De plus, il n'est contesté par aucune des parties à la procédure préjudicielle.

15 Dès lors, il y a lieu de confirmer, en réponse à la première partie de la question préjudicielle, que le juge national confronté à une règle nationale incompatible avec le droit communautaire doit la laisser inappliquée.

La seconde partie de la question préjudicielle: les conséquences de l'inapplication du droit interne en ce qui concerne la qualification de certains rapports de droit

16 Si la Cour a fait preuve de fermeté en maintenant le principe de primauté de la règle communautaire, elle a également fait preuve de prudence en s'abstenant de se prononcer sur les catégories juridiques sous-jacentes à l'obligation de ne pas appliquer la règle nationale en conflit avec la règle communautaire.

17 En effet, comme je viens de le rappeler, la Cour s'est limitée à juger que de telles dispositions nationales ne peuvent être appliquées, car, dans le cas contraire, la réalisation même de la Communauté européenne en tant que Communauté de droit serait brisée. Mais elle s'est abstenue - selon moi, à juste titre - de se prononcer sur la notion abstraite et générale, à savoir la catégorie juridique dans laquelle s'inscrit l'obligation de ne pas appliquer la disposition nationale en cause.

18 En toute hypothèse, la Cour aurait pu, dans sa jurisprudence, recourir à l'une quelconque des catégories juridiques bien connues dans la théorie générale du droit (telles que l'«inexistence», l'«invalidité», la «nullité», l'«inefficacité», la «caducité», l'«illégitimité», ou d'autres catégories similaires) pour désigner le vice dont sont entachées les règles nationales lorsqu'elles enfreignent l'ordre juridique communautaire.

19 Toutefois, la Cour a soigneusement évité d'utiliser ces notions dans sa jurisprudence en la matière, sans doute parce qu'elle pense que le choix de l'une quelconque d'entre elles - dont la signification, qui plus est, varie selon les différents systèmes juridiques - appartient plutôt à ces systèmes...

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