Anklagemyndigheden v Hansen & Soen I/S.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1989:609
Date05 December 1989
Celex Number61988CC0326
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-326/88
EUR-Lex - 61988C0326 - FR 61988C0326

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 5 décembre 1989. - Anklagemyndigheden contre Hansen & Soen I/S. - Demande de décision préjudicielle: Vestre Landsret - Danemark. - Transports - Sanctions aux infractions de droit communautaire - Responsabilité pénale objective - Règlement no 543/69/CEE. - Affaire C-326/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-02911
édition spéciale suédoise page 00459
édition spéciale finnoise page 00479


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Cette affaire qui, à première vue, paraît assez simple et dans laquelle le Vestre Landsret vous a posé une question relative à l' interprétation du règlement ( CEE ) n° 543/69 ( 1 ) ( qui est aussi dénommé "règlement relatif aux tachygraphes", expression sous laquelle nous le désignerons par la suite ) nous oblige, si on l' examine plus attentivement, à nous interroger sur le pouvoir d' appréciation des États membres pour assortir les prescriptions de droit communautaire de sanctions pénales et, par voie de conséquence, sur la protection par le droit communautaire des droits fondamentaux des justiciables contre le comportement des États membres .

Les faits

2 . Le litige principal dans cette affaire concerne une procédure pénale, intentée contre une entreprise danoise, Hansen & Soen ( ci-après "Hansen "). Hansen emploie un conducteur routier danois qui, selon les constatations faites lors d' un contrôle effectué le 1er mars 1984 par la police néerlandaise, n' avait pas respecté les temps de repos prescrits par le règlement relatif aux tachygraphes ( voir les articles 7, paragraphe 2, et 11 dudit règlement ).

Le règlement relatif aux tachygraphes qui, selon sa dernière phrase, est directement applicable dans les États membres impose un certain nombre d' obligations tant aux membres d' équipage d' un véhicule ( conducteurs, convoyeurs et receveurs ) qu' aux employeurs de ces personnes . S' il est vrai que les règles relatives aux temps de conduite et de repos ne contiennent pas de dispositions expresses quant aux obligations incombant à l' employeur des membres d' équipage ( 2 ), toutefois, dans son arrêt Cagnon et Taquet de 1975 ( 3 ), la Cour a précisé que l' article 11 du règlement, qui soumet les membres d' équipage à des temps de repos minimaux, contient aussi une obligation analogue implicite pour l' employeur :

"l' expression 'avoir bénéficié d' un repos' , figurant ( dans ) ... ( le ) règlement ( CEE ) n° 543/69 ... doit être interprétée comme imposant le respect des dispositions relatives au repos journalier tant aux membres d' équipage eux-mêmes ... qu' à l' employeur exploitant d' un service de transport routier, tenu de prendre les mesures nécessaires afin de permettre aux membres d' équipage de bénéficier du repos journalier prescrit" ( point 10 ).

3 . Les obligations de l' employeur ont été, entre-temps, précisées par l' article 15 du règlement ( CEE ) n° 3820/85 ( 4 ), qui a succédé au règlement n° 543/69 et qui se lit comme suit :

"1 ) L' entreprise organise le travail des conducteurs de telle manière qu' ils puissent se conformer aux dispositions appropriées du présent règlement

...

2 ) L' entreprise vérifie périodiquement si ( le règlement a été respecté ). Si des infractions sont constatées, l' entreprise prend les mesures nécessaires pour éviter qu' elles se reproduisent ."

Toutefois, ce règlement n' était pas encore en vigueur au moment des faits qui ont engagé la responsabilité pénale de Hansen .

4 . La section VII du règlement relatif aux tachygraphes ( articles 14 à 18 ) contient un certain nombre de règles relatives aux contrôles et aux sanctions . Ces règles concernent la tenue de ce qu' il est convenu d' appeler les "livrets de contrôle", l' établissement de règles de service, l' installation d' appareils mécaniques de contrôle dans les véhicules et l' établissement d' un rapport global concernant l' application de ce règlement par la Commission . Le litige qui oppose les parties au principal concerne essentiellement l' article 18, qui est le dernier article de ladite section . Il se lit comme suit ( 5 ):

"1 ) Les États membres arrêtent, en temps utile, après consultation de la Commission, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à l' exécution du présent règlement .

Ces dispositions portent, entre autres, sur l' organisation, la procédure et les instruments de contrôle ainsi que sur les sanctions applicables en cas d' infraction .

2 ) Les États membres s' accordent mutuellement assistance en vue de l' application des dispositions du présent règlement et de son contrôle .

..."

5 . En ce qui concerne les sanctions, le Danemark a opté ( 6 ) pour le régime de ce qu' il est convenu d' appeler la "responsabilité pénale objective", en vertu duquel, en cas d' infraction au règlement par un de ses employés, l' employeur peut se voir infliger une amende ( mais pas une peine d' emprisonnement ) sans qu' il soit nécessaire de prouver l' intention ou la négligence dans son chef; pour que la responsabilité pénale de l' employeur soit engagée, il faut seulement que le voyage ait eu lieu principalement dans son intérêt ( 7 ). L' ordonnance de renvoi précise que, lorsque l' employeur est une société ( société par actions, société en participation ou autre société du même genre ), l' amende peut être infligée à l' entreprise en tant que telle ( c' est ce qui s' est produit dans le litige au principal ). La juridiction de renvoi relève aussi que le régime de la responsabilité pénale objective est le régime habituel au Danemark dans le domaine de la protection de l' environnement .

Pour plus de clarté, nous tenons à distinguer ici le régime danois des sanctions à l' égard de l' employeur de ce qu' il est convenu d' appeler le régime de la "responsabilité civile" de l' employeur, dans lequel l' employeur est déclaré civilement responsable du paiement des amendes auxquelles les travailleurs qu' il occupe ont été condamnés, sans toutefois qu' il fasse l' objet de poursuites pénales séparées .

6 . Hansen a été condamné, en première instance, à une amende de 1 500 DKR ( ce montant correspond, au taux de change actuel, à environ 186 écus ) et a interjeté appel de cette condamnation devant le Vestre Landsret . Il est constant que Hansen ne peut échapper à une condamnation que si la Cour déclare le régime danois de la responsabilité pénale objective incompatible avec le droit communautaire .

C' est à la lumière de ces faits que la juridiction de renvoi vous demande si le règlement relatif aux tachygraphes fait obstacle à l' application de dispositions nationales, selon lesquelles un employeur, dont un des employés a enfreint les dispositions dudit règlement relatives aux temps de conduite et de repos, peut être sanctionné même s' il n' y a pas eu intention ou négligence dans son chef . Ainsi qu' il ressortira par la suite ( point 11, ci-après ), nous considérerons cette question dans un sens un peu plus large que si elle se rapportait uniquement au règlement relatif aux tachygraphes .

Le problème juridique et les observations présentées

7 . Les observations écrites présentées à la Cour sont, dans une large mesure, consacrées à la question de savoir si la Communauté est compétente pour arrêter des règles de nature pénale ou si l' établissement de sanctions ( pénales ) en cas de violation des dispositions de droit communautaire relève de la compétence ( exclusive ) des États membres . Tant les représentants des gouvernements danois et britannique que la Commission ont admis à l' audience que ce problème n' était, en fait, pas pertinent en soi pour répondre à la question déférée à la Cour par la juridiction de renvoi . Nous partageons cet avis . En effet, une règle de droit pénal du genre de celle dont la validité est en cause dans le litige au principal a été arrêtée en exécution de l' obligation, imposée aux États membres par l' article 18 du règlement n° 543/69, de définir les sanctions nécessaires pour la mise en oeuvre du règlement . Le problème soulevé par la présente affaire n' a donc pas trait à la compétence : il est, en l' espèce, indéniable que cette compétence, qu' il s' agisse d' une compétence propre ou d' une compétence déléguée, appartient aux États membres . En revanche, la présente affaire soulève le problème plus limité de l' étendue de la marge d'...

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