Mehmet Arslan v Policie ČR, Krajské ředitelství policie Ústeckého kraje, odbor cizinecké policie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:52
Docket NumberC-534/11
Celex Number62011CC0534
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date31 January 2013
62011CC0534

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 31 janvier 2013 ( 1 )

Affaire C‑534/11

Mehmet Arslan

contre

Policie ČR, Krajské ředitelství policie Ústeckého kraje, odbor cizinecké policie

[demande de décision préjudicielle formée par le Nejvyšší správní soud (République tchèque)]

«Ressortissant d’un pays tiers — Séjour irrégulier — Rétention en vue de la reconduite à la frontière — Directive 2008/115/CE — Demande de protection internationale — Directive 2005/85/CEDirective 2003/9/CE — Abus de droit»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle, déposée au greffe de la Cour le 20 octobre 2011, porte notamment sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec le considérant 9, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ( 2 ) (ci-après la «directive ‘retour’»), et sur la conjugaison de ces dispositions avec la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ( 3 ).

2.

Le présent renvoi préjudiciel s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant M. Arslan, un ressortissant turc, et la Policie ČR, Krajské ředitelství policie Ústeckého kraje, odbor cizinecké policie (police de la République tchèque, direction régionale de la région d’Ústí, section de la police des étrangers, ci-après «la défenderesse au principal»). M. Arslan est entré et a séjourné sur le territoire de la République tchèque sans autorisation appropriée. La défenderesse au principal a décidé de le placer en rétention pour une durée de 60 jours en vue de procéder à son éloignement administratif. M. Arslan a introduit un recours devant les juridictions tchèques contre la décision prise par la défenderesse au principal de prolonger sa rétention pour une période supplémentaire de 120 jours. M. Arslan prétend que, à la date de la décision de prolonger la durée de sa rétention, il n’existait plus aucune perspective raisonnable que son éloignement puisse être réalisé avant l’expiration de la période maximale de rétention prévue par la loi nationale, à savoir 180 jours. En effet, selon lui, ce délai serait nécessairement dépassé du fait de sa demande de protection internationale (ci-après «demande d’asile») ( 4 ) et de son intention de faire usage et d’épuiser toutes les voies procédurales et juridictionnelles applicables dans le cadre de cette dernière demande.

3.

La juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur l’applicabilité de la directive «retour» au ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier qui introduit une demande d’asile au sens de la directive 2005/85 et, en second lieu, sur le point de savoir si une telle demande doit avoir pour conséquence la fin de sa rétention à des fins d’éloignement basée sur la directive «retour».

4.

Avec ces questions en toile de fond, le renvoi préjudiciel soulève le problème de la possible instrumentalisation des dispositions relatives à l’asile dans le but de rendre inopérante l’application de la directive «retour».

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive «retour»

5.

Le considérant 9 de la directive «retour» prévoit:

«Conformément à la directive [2005/85], le ressortissant d’un pays tiers qui a demandé l’asile dans un État membre ne devrait pas être considéré comme étant en séjour irrégulier sur le territoire de cet État membre avant qu’une décision négative sur sa demande ou une décision mettant fin à son droit de séjour en tant que demandeur d’asile soit entrée en vigueur.»

6.

L’article 2, paragraphe 1, de la directive «retour» dispose:

«La présente directive s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.»

7.

L’article 3, point 2, de la directive «retour» définit la notion de «séjour irrégulier» comme «la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions [...] d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre».

8.

En vertu de l’article 5 de la directive «retour», les États membres respectent le principe de non-refoulement consacré par l’article 33 de la convention de Genève ( 5 ), y compris quand ils mettent en œuvre cette directive.

9.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive «retour» prévoit que «[l]es États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire […]».

10.

L’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive «retour» dispose que les États membres reportent l’éloignement dans le cas où il se ferait en violation du principe de non-refoulement.

11.

L’article 15 de la directive «retour» énonce:

«1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a)

il existe un risque de fuite, ou

b)

le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

[...]

4. Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

5. La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention qui ne peut pas dépasser six mois.

6. Les États membres ne peuvent pas prolonger la période visée au paragraphe 5, sauf pour une période déterminée n’excédant pas douze mois supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs efforts raisonnables, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison:

a)

du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers, ou

b)

des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.»

2. La directive 2005/85

12.

La directive 2005/85 établit des normes minimales pour la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié. Elle régit essentiellement le dépôt des demandes d’asile, la procédure de traitement de ces demandes et les droits et obligations des demandeurs d’asile tout au long de cette procédure.

13.

L’article 7 de la directive 2005/85 prévoit:

«1. Les demandeurs sont autorisés à rester dans l’État membre, aux seules fins de la procédure, jusqu’à ce que l’autorité responsable de la détermination se soit prononcée conformément aux procédures en premier ressort prévues au chapitre III. Ce droit de rester dans l’État membre ne constitue pas un droit à un titre de séjour.

2. Les États membres ne peuvent prévoir d’exception à cette règle que si, conformément aux articles 32 et 34, l’examen de la demande ultérieure n’est pas poursuivi ou si une personne est, le cas échéant, livrée à, ou extradée vers, soit un autre État membre en vertu des obligations découlant d’un mandat d’arrêt européen ou pour d’autres raisons, soit un pays tiers, soit une cour ou un tribunal pénal(e) international(e).»

14.

L’article 18 de la directive 2005/85 dispose:

«1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle demande l’asile.

2. Lorsqu’un demandeur d’asile est placé en rétention, les États membres veillent à prévoir la possibilité d’un contrôle juridictionnel rapide.»

15.

L’article 23, paragraphe 4, de la directive 2005/85 prévoit:

«Les États membres peuvent également décider […] qu’une procédure d’examen est prioritaire ou est accélérée lorsque:

[...]

g)

la demande formulée par le demandeur est manifestement peu convaincante en raison des déclarations incohérentes, contradictoires, peu plausibles ou insuffisantes qu’il a faites sur les persécutions dont il prétend avoir fait l’objet, visées dans la directive 2004/83/CE [ ( 6 )], ou

[…]

j)

le demandeur ne dépose une demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son expulsion, ou

l)

le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l’État membre et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités et/ou n’a pas introduit sa demande d’asile dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée sur le territoire […]

[...]»

3. La directive 2003/9

16.

L’article 7 de la directive 2003/9 dispose:

«1. Les demandeurs d’asile peuvent circuler librement sur le territoire de l’État membre d’accueil ou à l’intérieur d’une zone qui leur est fixée par cet État membre. La zone fixée ne porte pas atteinte à la sphère inaliénable de la vie privée et donne suffisamment de latitude pour garantir l’accès à tous les avantages prévus par la...

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