Ecotrade Srl v Altiforni e Ferriere di Servola SpA (AFS).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:378
Docket NumberC-200/97
Celex Number61997CC0200
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 July 1998
EUR-Lex - 61997C0200 - FR 61997C0200

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 16 juillet 1998. - Ecotrade Srl contre Altiforni e Ferriere di Servola SpA (AFS). - Demande de décision préjudicielle: Corte suprema di Cassazione - Italie. - Aides d'Etat - Notion - Avantage accordé sans transfert de ressources publiques - Entreprises en état d'insolvabilité - Article 92 du traité CE - Article 4, sous c), du traité CECA. - Affaire C-200/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-07907


Conclusions de l'avocat général

1 Cette affaire soulève la question de savoir si une forme d'administration extraordinaire et une protection contre l'exécution par les créanciers qui est accordée à certaines entreprises insolvables par le droit italien constituent, dans le cas d'une entreprise sidérurgique, une aide d'État interdite par l'article 4, sous c), du traité CECA (1).

Cadre légal et factuel

2 La loi n_ 95/79 du 3 avril 1979 (2), communément appelée loi Prodi d'après le nom du ministre de l'Industrie de l'époque, établit une procédure d'administration extraordinaire pour les entreprises insolvables employant au moins 300 personnes et ayant des dettes supérieures à la fois à 80,444 milliards de LIT (3) et au quintuple du capital libéré de la société. Il doit s'agir de dettes envers des établissements de crédits, des entreprises ou des organismes de prévoyance et de sécurité sociale (4), ou de sociétés dont l'État est l'actionnaire majoritaire (5). Il semble que ce régime d'administration extraordinaire ne puisse s'appliquer qu'aux entreprises ayant une activité industrielle. Par ailleurs, lorsqu'une société remplit les conditions pour l'application de ce régime au titre de la loi n_ 95/79, d'autres sociétés du même groupe peuvent aussi être placées en administration extraordinaire même si elles n'atteignent pas le nombre d'employés et le niveau d'endettement requis.

3 Pour qu'une entreprise remplissant les critères soit placée en régime d'administration spéciale, elle doit d'abord être déclarée insolvable par les tribunaux soit en application de la loi sur la faillite (6), soit en raison du défaut de paiement des salaires depuis trois mois au moins. Lorsque la juridiction compétente estime que l'entreprise remplit les critères de la loi n_ 95/79, elle s'abstient de la soumettre à la procédure de liquidation ordinaire. Le ministre de l'Industrie, après consultation du ministre des Finances, adopte alors un décret plaçant l'entreprise en administration extraordinaire et décide aussi à ce stade d'autoriser ou non l'entreprise en administration extraordinaire à poursuivre son activité pendant deux ans au maximum (période encore prorogeable deux ans au maximum) (7). Cette décision est discrétionnaire par nature, au contraire apparemment de celle de placer la société en administration extraordinaire en premier lieu; il a été allégué que les deux décisions sont généralement prises ensemble. Lorsque le ministre de l'Industrie prend la décision sur la poursuite de l'activité, il doit tenir pleinement compte des intérêts des créanciers.

4 La procédure normale de liquidation en droit italien de la faillite est menée sous contrôle judiciaire, les décisions étant prises après consultation ou après accord d'une assemblée de créanciers. Elle comporte la possibilité d'autoriser l'entreprise en liquidation à poursuivre son activité en vue de maximiser la valeur de ses actifs dans l'intérêt des créanciers (8). Les limites de cette poursuite de l'activité n'ont pas été décrites à la Cour; une exploitation à perte ne serait sans doute pas possible, puisque les intérêts des créanciers en seraient encore plus affectés.

5 Les entreprises en administration extraordinaire sont soumises aux règles générales de la loi sur la faillite, sauf dérogations expresses prévues par la loi n_ 95/79. Ainsi, sous administration extraordinaire, comme dans le cadre de la procédure normale de liquidation, le propriétaire de l'entreprise insolvable ne peut pas disposer de ses actifs, qui doivent, en principe, servir à désintéresser les créanciers. La mise en administration extraordinaire, tout comme la procédure normale de liquidation, entraîne l'impossibilité pour les créanciers individuels de l'entreprise de récupérer leurs créances, de même que la suspension de toute voie d'exécution (9). Dans le cas de l'administration extraordinaire, toutefois, la suspension s'étend aux dettes fiscales, pénalités et intérêts, qui ne sont pas couverts par la procédure ordinaire (10). Les intérêts sur les dettes existantes sont suspendus pendant la période d'administration extraordinaire, comme dans le cadre de la procédure normale de faillite (11).

6 Une entreprise en administration extraordinaire est dispensée du paiement des amendes et sanctions pécuniaires en cas de défaut de paiement des cotisations sociales (12); la valeur de ces amendes peut, semble-t-il, atteindre jusqu'à 50 % du montant de base dû. Une entreprise en administration extraordinaire peut être vendue, sous réserve du paiement d'une taxe d'enregistrement insignifiante d'un million de LIT (au lieu du taux normal de 3 % de la valeur du bien concerné) (13). Il est difficile de savoir dans quelle mesure ces règles spéciales s'appliquent à une entreprise en administration extraordinaire qui n'est pas autorisée à poursuivre son activité.

7 Lorsqu'une entreprise en administration extraordinaire est autorisée à poursuivre son activité, l'administrateur nommé pour la gérer doit alors préparer un plan de gestion approprié. La compatibilité du plan avec les grandes lignes de la politique industrielle nationale est examinée par le comité interministériel de politique industrielle (14) avant son approbation par le ministre de l'Industrie. Il semble que l'administrateur ne puisse pas procéder à la liquidation de l'entreprise à moins qu'il soit impossible de la sauver; la liquidation doit, si possible, intervenir par la vente des actifs de la société en activité. La Commission a laissé entendre que l'administrateur peut vendre des secteurs de l'entreprise à un prix négatif, c'est-à-dire que d'autres entreprises sont payées pour les reprendre ou poursuivre leur exploitation (15). L'État peut garantir certaines ou l'ensemble des dettes contractées par l'entreprise pour financer la poursuite de son activité au cours de cette période (16). Les dépenses occasionnées par l'administration extraordinaire, y compris les dettes contractées, ont priorité sur celles des créanciers existants; c'est également le cas lorsqu'une entreprise poursuit son activité dans le cadre de la procédure de faillite normale (17).

8 L'application du régime d'administration extraordinaire reste soumise au contrôle du ministre: les décisions concernant des questions telles que la restructuration, la vente des actifs, la liquidation ou la fin de la période d'administration extraordinaire doivent être approuvées par le ministre de l'Industrie. La Cour a reçu des réponses divergentes sur le point de savoir si les décisions du ministre sont soumises à un contrôle de légalité uniquement par les juridictions administratives ou peuvent, au contraire, faire l'objet d'une action beaucoup plus large devant les juridictions civiles visant à déterminer si elles sont compatibles avec les intérêts économiques des créanciers. Il semble que certains créanciers puissent être représentés au comité de surveillance, qui a un rôle purement consultatif dans la procédure d'administration extraordinaire.

9 Le ministre de l'Industrie approuve également la décision mettant fin à la période d'administration extraordinaire. Les créanciers ne peuvent réclamer le paiement de leurs dettes, en tout ou en partie, qu'à la fin de cette période, que ce soit par la liquidation des actifs de l'entreprise ou sur ses nouveaux bénéfices.

10 La loi n_ 95/79 a fait l'objet d'un certain nombre de mesures de la part de la Commission, en partie sur plainte de la demanderesse au principal Ecotrade Srl (ci-après «Ecotrade»). En réponse à une demande de renseignements complémentaires sur la loi n_ 95/79 en vue d'une enquête sur une aide d'État (18), adressée à la République italienne par la Commission en application de l'article 93, paragraphe 1, du traité CE (19), la République italienne a refusé de notifier la loi sauf en ce qui concerne les dispositions de garantie de l'article 2 bis. La Commission a alors décidé, par la communication C 7/97 (ex E 13/92) (20), d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité. Elle a en outre décidé que la garantie d'État accordée au titre de l'article 2 bis de la loi n_ 95/79 à une entreprise sidérurgique en administration extraordinaire, Altiforni e Ferriere di Servola SpA (la défenderesse au principal, ci-après «AFS»), constituait une aide incompatible avec le marché commun du charbon et de l'acier (21). La Commission a aussi décidé que la suspension de paiement de certaines dettes publiques par une autre entreprise sidérurgique en administration extraordinaire, Ferdofin Siderurgica Srl, était une aide incompatible avec le marché commun du charbon et de l'acier et que les dettes en question devaient être recouvrées (22).

11 La présente affaire a trait à une dette de 149 108 190 LIT due par AFS à Ecotrade pour des livraisons d'acier. AFS n'ayant pas payé sa dette à Ecotrade, le Pretore di Trieste a, le 30 juillet 1992, ordonné le transfert à celle-ci d'une créance détenue par AFS sur une banque, à concurrence de la somme due. Le 28 août 1992, AFS a informé Ecotrade de ce que, le Tribunale di Trieste l'ayant déclarée en état d'insolvabilité le 2 juillet 1992, la société avait été placée sous administration extraordinaire par décret ministériel du 23 juillet 1992, en application de la loi n_ 95/79, avec l'autorisation de poursuivre son activité. AFS demandait la restitution de la somme obtenue, au motif que l'exécution de la dette après...

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