Regione Siciliana v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:28
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-417/04
Date12 January 2006
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62004CC0417

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 12 janvier 2006 (1)

Affaire C-417/04 P

Regione Siciliana

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi – Fonds européen de développement régional (FEDER) – Intervention relative au grand projet ‘Autostrada Messina-Palermo’ – Clôture du concours financier communautaire – Affectation directe pour introduire un recours en annulation»





I – Introduction

1. Par son pourvoi, la Regione Siciliana demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes (2), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision D (2002) 810439 de la Commission (3) portant clôture du concours financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) préalablement accordé, parce qu’elle n’était pas directement concernée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

2. Ces dernières années, la Cour de justice a nuancé à diverses occasions (4) sa jurisprudence relative aux critères de la qualité pour agir des personnes physiques et morales, qui sont régis par la disposition précitée. Ses décisions ont toutefois interprété l’affectation du requérant à titre individuel comme condition pour attaquer un acte normatif communautaire, alors que nous sommes aujourd’hui confrontés à l’autre condition nécessaire dans ce contexte, à savoir son influence directe dans la sphère des intérêts du requérant.

3. Le débat étant présenté en ces termes, il est surprenant que, moins d’un mois avant la date fixée pour l’audience dans la présente procédure de pourvoi et sans attendre l’arrêt de la Cour, la première chambre élargie du Tribunal ait rendu un arrêt (5), dans lequel il se prononce dans un sens diamétralement opposé à celui de l’ordonnance attaquée en l’espèce en accueillant la demande et en se prononçant sur le fond dans une affaire opposant les mêmes parties et portant elle aussi sur la suppression d’une aide du FEDER (6). Je me référerai à certains de ses arguments ci-dessous dans le cadre de l’analyse du troisième moyen invoqué dans le pourvoi (7). Pour compléter le cadre de la controverse juridique, il faut mentionner un arrêt de la cinquième chambre du Tribunal, du 31 mai 2005, dans lequel, partant de circonstances de fait très similaires, il ne s’est même pas prononcé sur la recevabilité du recours en annulation d’une commune (8).

4. Dans le prolongement de la thèse défendue par d’autres avocats généraux, j’ai déjà exprimé (9) en son temps ma préférence pour une interprétation plus généreuse de l’article 230, quatrième alinéa, CE, qui s’écarte des termes dans lesquels elle l’a été de façon répétée par la Cour qui lui a fixé des limites très strictes.

II – Cadre normatif

5. Fondamentalement, le traité CE comporte deux articles en matière de politique régionale: l’article 158 CE oblige la Communauté à renforcer et à poursuivre sa cohésion économique et sociale en visant, en particulier, à réduire les différences entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard de celles qui sont les moins favorisées pour promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de la Communauté, et l’article 159 CE, en vertu duquel la Communauté soutient ces objectifs au travers des fonds structurels et, spécialement, du FEDER.

6. Les règlements (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des Fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (10), et (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du précédent (11) ont été adoptés en vue d’atteindre ces objectifs et de réglementer les fonctions des fonds.

Le règlement n° 2052/88

7. L’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2052/88 énonce le principe de la complémentarité de l’action communautaire dans ce domaine. Il instaure aussi une étroite collaboration entre la Commission, l’État membre concerné, les autorités et les organismes compétents désignés par celui-ci au niveau national, régional, local ou autre, poursuivant tous un but commun.

Le règlement n° 4253/88 dans sa version actualisée

8. Le sixième considérant du règlement qui a amendé le règlement n° 4253/88 a attribué, en application du principe de subsidiarité et sans préjudice des compétences de la Commission en tant que responsable de la gestion des ressources financières communautaires, l’exécution des formes d’intervention aux États membres qui l’exercent au niveau territorial approprié selon les caractéristiques de leur organisation interne.

9. L’article 9, paragraphe 1, consacre le principe de l’«additionnalité» (12), qui est appelé à assurer les répercussions économiques réelles, de sorte que les crédits des fonds structurels ne peuvent se substituer aux dépenses publiques ou assimilables de l’État membre dans l’ensemble des territoires éligibles conformément à l’un des objectifs.

10. D’après l’article 23, paragraphe 1:

«Afin de garantir le succès des actions menées par des promoteurs publics ou privés, les États membres prennent, lors de la mise en oeuvre des actions, les mesures nécessaires pour:

– vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté ont été menées correctement,

– prévenir et poursuivre les irrégularités,

– récupérer les fonds perdus à la suite d’un abus ou d’une négligence. Sauf si l’État membre et/ou l’intermédiaire et/ou le promoteur apportent la preuve que l’abus ou la négligence ne leur est pas imputable, l’État membre est subsidiairement responsable du remboursement des sommes indûment versées.

[…]»

11. En vertu de l’article 24:

«1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission [...]».

III – Antécédents du pourvoi

A – Résumé des faits du litige

12. Par décision du 22 décembre 1993 adressée à la République italienne, la Commission a octroyé, pour la période de programmation 1994/1999, un concours financier du FEDER représentant 50 % des coûts éligibles pour la construction de l’autoroute entre Palerme et Messine, en Sicile, qui constitue un grand projet au sens de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88. Les travaux ont été divisés en dix lots et l’annexe de la décision précisait que la Regione Siciliana était désignée comme l’autorité responsable du projet.

13. Après différentes vicissitudes et une abondante correspondance entre la Commission et les autorités italiennes, dont rend bien compte l’ordonnance attaquée (13), l’institution précitée, ayant constaté qu’il était difficile d’achever la construction entreprise avant la date fixée, le 31 décembre 1997, et que la requérante avait manqué aux engagements qu’elle avait pris, a communiqué à la République italienne, dans une autre décision du 5 septembre 2002 qui est aujourd’hui attaquée, sa volonté de mettre fin à l’aide sur la base des dépenses exécutées au 31 décembre 1997 et relatives aux travaux achevés à la date du 5 septembre 2002.

14. La Commission a indiqué dans cette décision, en premier lieu, le solde non dépensé à désengager, à savoir la différence entre le montant de l’aide financière du FEDER initialement prévu pour le projet et celui correspondant à la totalité des versements effectués par le FEDER et, en deuxième lieu, la somme à récupérer, obtenue en déduisant du résultat la somme des dépenses éligibles à charge du FEDER à la date d’achèvement. La Commission a aussi demandé à la République italienne de communiquer cette décision au bénéficiaire par lettre recommandée.

15. La Regione Siciliana a introduit dans ces circonstances un recours en annulation devant le Tribunal en faisant valoir quatre moyens. Le premier portait sur le défaut de compétence de l’organe ayant signé la décision attaquée, le deuxième, sur l’infraction et/ou l’application erronée des articles 24 et 25 du règlement n° 4253/88, le troisième, sur une contradiction entre le comportement de la Commission et la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime, et le quatrième, sur l’absence de motivation et une appréciation erronée.

B – L’ordonnance attaquée

16. En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal a examiné d’office la qualité pour agir de la Regione Siciliana, en estimant disposer de suffisamment d’informations grâce aux documents figurant dans le dossier, de sorte qu’il n’a pas autorisé les parties à présenter leurs observations oralement.

17. Après avoir vérifié que la Regione Siciliana n’était pas destinataire de l’acte, puisque la Commission l’avait adressé à la République italienne, et reconnu que la décision attaquée concernait individuellement la requérante (14), il s’est limité à examiner s’il la concernait directement au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

18. Le Tribunal a également rappelé la jurisprudence constante dans ce domaine (15), en accordant une attention particulière à certains arrêts concernant le FEDER (16).

19. S’agissant des faits en cause, le Tribunal a centré son argumentation sur deux points essentiels, à savoir...

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