The Queen, on the application of The Incorporated Trustees of the National Council for Ageing (Age Concern England) v Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:518
Docket NumberC-388/07
Celex Number62007CC0388
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date23 September 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. J. Mazák

présentées le 23 septembre 2008 (1)

Affaire C‑388/07

The Incorporated Trustees of the National Council on Ageing (Age Concern England)

contre

Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) (Royaume-Uni)]

«Directive 2000/78/CE – Article 6, paragraphe 1 – Discrimination fondée sur l’âge – Retraite d’office – Législation nationale permettant aux employeurs de licencier les employés âgés de 65 ans et plus pour motif de mise à la retraite – Justification»






I – Introduction

1. Par décision du 24 juillet 2007 (2), la High Court of Justice (Queen’s Bench Division, Administrative Court) (Royaume-Uni) a saisi la Cour de plusieurs questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (3). Par ses questions, la High Court souhaite essentiellement déterminer si cette directive s’oppose à une législation nationale visant à transposer les dispositions de ladite directive relatives à la discrimination fondée sur l’âge qui permet aux employeurs, dans certaines conditions, de mettre à la retraite d’office les travailleurs âgés de 65 ans et plus.

2. Cette problématique s’est présentée dans le cadre d’un recours formé par the Incorporated Trustees of The National Council on Ageing (Age Concern England) (ci-après «Age Concern England») contre le Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform par lequel Age Concern England conteste la légalité de cette législation.

3. La présente affaire, qui, à la suite des affaires Mangold (4), Lindorfer (5), Palacios de la Villa (6) et Bartsch (7), apportera sa pierre à la jurisprudence émergeante sur la discrimination fondée sur l’âge, invite la Cour à clarifier davantage les obligations des États membres concernant l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge prévue à l’article 2 de la directive 2000/78 et, en particulier, le degré de précision avec lequel cette interdiction doit être transposée en droit national.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. La directive 2000/78 a été adoptée sur le fondement de l’article 13 CE. Ses premier, quatorzième et vingt-cinquième considérants sont rédigés comme suit:

«(1) Conformément à l’article 6 du traité sur l’Union européenne, l’Union européenne est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit, principes qui sont communs à tous les États membres et elle respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

[…]

(14) La présente directive ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite.

[…]

(25) L’interdiction des discriminations liées à l’âge constitue un élément essentiel pour atteindre les objectifs établis par les lignes directrices sur l’emploi et encourager la diversité dans l’emploi. Néanmoins, des différences de traitement liées à l’âge peuvent être justifiées dans certaines circonstances et appellent donc des dispositions spécifiques qui peuvent varier selon la situation des États membres. Il est donc essentiel de distinguer entre les différences de traitement qui sont justifiées, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et les discriminations qui doivent être interdites.»

5. L’article 1er de la directive 2000/78 indique que l’objet de la directive est:

«[…] d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.»

6. L’article 2, qui définit le concept de discrimination, dispose:

«1. Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2. Aux fins du paragraphe 1:

a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que:

i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que

ii) dans le cas des personnes d’un handicap donné, l’employeur ou toute personne ou organisation auquel s’applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l’article 5 afin d’éliminer les désavantages qu’entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.

[…]»

7. L’article 6 est consacré à la justification des différences de traitement fondées sur l’âge:

«1. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi;

c) la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.

2. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe.»

B – Le droit national applicable

8. La décision de renvoi indique que, avant le 1er octobre 2006, il n’existait pas, au Royaume-Uni, de disposition législative interdisant les discriminations fondées sur l’âge en matière de recrutement et d’emploi. Les employeurs pouvaient licencier les employés lorsqu’ils atteignaient l’âge normal de départ à la retraite en vigueur dans leur entreprise ou, en l’absence d’un tel âge normal de départ à la retraite, à l’âge de 65 ans. Les articles 109 et 156 de la loi de 1996 sur les droits des travailleurs (Employment Rights Act 1996, ci-après la «loi de 1996») disposaient que les employés ne pouvaient réclamer aucune indemnité de licenciement dans ces circonstances.

9. Le 3 avril 2006, la Royaume-Uni a transposé la directive 2000/78 en adoptant le règlement de 2006 sur l’égalité en matière d’emploi (âge), SI 1031/2006 [(Employment Equality (Age) Regulations 2006, ci-après le «règlement»].

10. L’article 3 du règlement définit, en droit national, les notions de discrimination directe et indirecte fondée sur l’âge. Il dispose:

«(1) Aux fins de présent règlement, une personne (‘A’) exerce une discrimination à l’encontre d’une autre personne (‘B’)

(a) si, en raison de l’âge de B, A applique à B un traitement moins favorable que celui qu’il réserve ou réserverait à d’autres personnes, ou

(b) si A applique à B une disposition, un critère ou une pratique qu’il applique ou appliquerait également à des personnes qui ne font pas partie du même groupe d’âge que B, mais

(i) qui place ou placerait des personnes appartenant au même groupe d’âge que B dans une situation désavantageuse particulière par comparaison avec d’autres personnes et

(ii) qui place B dans cette situation désavantageuse,

et si A ne peut pas démontrer que le traitement ou, le cas échéant, la disposition, le critère ou la pratique sont un moyen proportionné d’atteindre un but légitime.»

11. À titre d’exception, l’article 30 du règlement dispose:

«(1) Le présent article s’applique aux employés au sens de l’article 230 (1) de la loi de 1996, aux personnes au service de la Couronne, aux membres pertinents du personnel de la Chambre des Communes ainsi qu’aux membres pertinents du personnel de la Chambre des Lords.

(2) Aucune disposition des parties 2 et 3 ne permet de déclarer illégal le...

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