Commission of the European Communities v European Central Bank.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:556
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-11/00
Date03 October 2002
Celex Number62000CC0011
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
EUR-Lex - 62000C0011 - FR 62000C0011

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 3 octobre 2002. - Commission des Communautés européennes contre Banque centrale européenne. - Banque centrale européenne (BCE) - Décision 1999/726/CE concernant la prévention de la fraude - Protection des intérêts financiers des Communautés - Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Règlement (CE) nº 1073/1999 - Applicabilité à la BCE - Exceptions d'illégalité - Recevabilité - Indépendance de la BCE - Article 108 CE - Base juridique - Article 280 CE - Consultation de la BCE - Article 105, paragraphe 4, CE - Proportionnalité. - Affaire C-11/00.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-07147


Conclusions de l'avocat général

Introduction

1. Dans cette affaire, la Commission souhaite obtenir l'annulation de la décision 1999/726/CE, du 7 octobre 1999 , par laquelle la Banque Centrale européenne (ci-après la «BCE») a institué un comité antifraude chargé de contrôler les activités de la direction de l'audit interne de la BCE consistant à lutter contre la fraude et les autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de la BCE. La Commission - soutenue par le Conseil, le Parlement et le gouvernement néerlandais - affirme que cette décision est contraire au règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) . La BCE rétorque que la décision attaquée poursuit le même but que le règlement n° 1073/1999 et ne lui est pas contraire, et que le règlement doit être interprété comme étant inapplicable à ses activités. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour de déclarer le règlement inapplicable en vertu de l'article 241 CE pour défaut de base légale, violation des formes substantielles et violation de l'indépendance de la BCE et du principe de proportionnalité.

2. Cette affaire soulève plusieurs questions importantes concernant, en particulier, l'étendue des pouvoirs de la Communauté pour adopter des mesures sur la base de l'article 280 CE en vue de combattre la fraude et les autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté, l'obligation pour les institutions communautaires et les États membres de respecter l'indépendance de la BCE résultant de l'article 108 CE, et l'obligation de consulter la BCE sur les propositions d'actes communautaires relevant de son champ de compétences en vertu de l'article 105 CE. Il convient également de rechercher si la BCE, qui n'a pas contesté un règlement dans le délai prescrit à l'article 230, cinquième alinéa, CE, peut en invoquer l'inapplicabilité en vertu de l'article 241 CE.

Le contexte

3. Chacun sait qu'une part importante des fonds communautaires est perdue chaque année du fait de fraudes et autres irrégularités commises par des personnes physiques et morales. En 2000, la Commission et les autorités compétentes des États membres ont traité 6 915 nouvelles affaires de fraude et autres irrégularités ayant une incidence budgétaire estimée à 2 030 millions d'euros . Les institutions communautaires ont réagi à ce problème en adoptant un certain nombre de mesures législatives destinées spécifiquement à combattre la fraude .

4. Les traités constitutifs ne contenaient pas de base légale spécifique permettant d'agir dans le domaine de la prévention de la fraude et de la protection des intérêts financiers de la Communauté. L'article 209 A du traité CE (devenu, après modification, article 280 CE), qui a été introduit par le traité sur l'Union européenne, obligeait les États membres à prendre les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté que celles qu'ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers , et à coordonner leur action visant à protéger les intérêts financiers de la Communauté contre la fraude, mais ne conféraient à la Communauté aucune nouvelle compétence législative. Cependant, le traité d'Amsterdam a profondément modifié cette disposition, en donnant expressément compétence à la Communauté pour arrêter «les mesures nécessaires dans les domaines de la prévention contre la fraude [...] et de la lutte contre cette fraude».

5. Avant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les Communautés avaient adopté diverses mesures destinées à combattre la fraude commise par les détenteurs de fonds communautaires dans les États membres, sur la base de l'article 308 CE . En substance, ces mesures accordent à la Commission le droit d'effectuer des vérifications sur place et des inspections dans les États membres, et obligent ceux-ci à prévoir des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives dans les affaires impliquant des fraudes transfrontalières .

6. Des efforts ont aussi été entrepris pour réduire le risque de fraude à l'intérieur des institutions communautaires elles-mêmes. Pour la compréhension de la présente affaire, il est utile de rappeler les initiatives prises par la Commission et la BCE.

7. La Commission a d'abord créé une unité spéciale anti-fraude [Unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF)] en 1987. En 1995, cette unité s'est vu confier la responsabilité de toute l'activité antifraude de la Commission, y compris les enquêtes sur les fraudes ou autres irrégularités commises par le personnel de la Commission. Dans le but de renforcer la protection des intérêts financiers de la Communauté et, peut-être, en réponse aux critiques formulées contre l'UCLAF , la Commission a proposé en 1998 de créer un nouveau service antifraude indépendant, qui serait dénommé Anti-fraud Office ou Office de lutte antifraude (OLAF) . Alors que la Commission avait initialement proposé de créer l'OLAF - et de prévoir les dispositions détaillées régissant son fonctionnement - par voie de règlement adopté sur la base de l'article 308 CE, l'OLAF a finalement été institué par une décision de la Commission . Les dispositions générales régissant ses activités, qui incluent les «enquêtes internes» sur la fraude au sein des institutions et organismes communautaires, ont été définies dans le règlement n° 1073/1999, qui est la première mesure à avoir été adoptée sur la base de l'article 280, paragraphe 4, CE . Le règlement prévoit que chaque institution ou agence de la Communauté européenne adoptera une décision définissant plus précisément les règles de procédure à suivre lors des enquêtes internes effectuées par l'OLAF, et un accord interinstitutionnel conclu en 1999 entre le Parlement, le Conseil et la Commission fournit un modèle pour ces décisions .

8. Au sein de la BCE, deux structures administratives partagent la responsabilité de combattre la fraude et les autres irrégularités. La responsabilité principale incombe à la direction de l'audit interne (ci-après «D-IA»). Il ressort des documents fournis à la Cour dans cette affaire que le rôle de la D-IA est en général d'évaluer l'efficacité et le bon fonctionnement des services de la BCE, et de proposer des améliorations . Dans le cadre de ce rôle, la D-IA a pour mission de détecter et de prévenir la fraude. La D-IA partage cette responsabilité, depuis novembre 1999 , avec un comité antifraude. Le comité antifraude - institué par la décision du conseil des gouverneurs que la Commission met en cause dans la présente affaire - est chargé du contrôle régulier du bon déroulement des activités de la D-IA .

Les dispositions communautaires pertinentes

Les dispositions du traité CE

9. L'article 8 CE dispose que:

«Il est institué, selon les procédures prévues par le présent traité, un Système européen de banques centrales, ci-après dénommé SEBC, et une Banque centrale européenne, ci-après dénommée BCE; ils agissent dans les limites des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent traité et les statuts du SEBC et de la BCE, ci-après dénommés statuts du SEBC, qui lui sont annexés.»

10. L'article 105 CE prévoit, pour ce qui nous intéresse ici:

«1. L'objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis à l'article 2. Le SEBC agit conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation efficace des ressources et en respectant les principes fixés à l'article 4.

2. Les missions fondamentales relevant du SEBC consistent à:

- définir et mettre en oeuvre la politique monétaire de la Communauté;

- conduire les opérations de change conformément à l'article 111;

- détenir et gérer les réserves officielles de change des États membres;

- promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement.

[...]

4. La BCE est consultée:

- sur tout acte communautaire proposé dans les domaines relevant de sa compétence;

- par les autorités nationales, sur tout projet de réglementation dans les domaines relevant de sa compétence, mais dans les limites et selon les conditions fixées par le Conseil conformément à la procédure prévue à l'article 107, paragraphe 6.

La BCE peut, dans les domaines relevant de sa compétence, soumettre des avis aux institutions ou organes communautaires appropriés ou aux autorités nationales.

5. Le SEBC contribue à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit et la stabilité du système financier.

6. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, après consultation de la BCE et sur avis conforme du Parlement européen, peut confier à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l'exception des entreprises d'assurances.»

11. L'...

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