European Commission v Czech Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:181
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-241/11
Date21 March 2013
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62011CC0241
62011CC0241

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 21 mars 2013 ( 1 )

Affaire C‑241/11

Commission européenne

contre

République tchèque

«Manquement d’État — Non-transposition de la directive 2003/41/CE — Activités et surveillance des institutions de retraite professionnelle — Non-exécution de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑343/08 — Article 260 TFUE — Somme forfaitaire — Délai d’exécution de l’arrêt de la Cour constatant un manquement»

I – Introduction

1.

Par son recours, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas pris les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 14 janvier 2010, Commission/République tchèque ( 2 ), concernant la non-transposition partielle de la directive 2003/41/CE ( 3 ), relative à des institutions de retraite professionnelle, la République tchèque a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE. La Commission demande, en outre, à la Cour d’imposer à la République tchèque une somme forfaitaire d’un montant de 3364395, 20 euros.

2.

La Cour est ainsi confrontée à un exercice important et communément rencontré tant dans les ordres juridiques nationaux que dans le droit de l’Union, notamment dans le domaine de la concurrence, consistant à mesurer la sanction.

3.

La particularité de la présente affaire réside dans le fait que l’infraction constatée dans l’arrêt de la Cour au titre de l’article 258 TFUE, à savoir l’arrêt Commission/République tchèque, précité, a eu un impact pratique très faible dans l’ordre juridique tchèque, en l’absence d’institutions de retraite professionnelle (ci-après les «IRP») établies sur le territoire national.

4.

Je rappelle, à cet égard, que, dans le domaine des sanctions pécuniaires au sens de l’article 260 TFUE, la Commission a publié une série des communications ( 4 ) visant à uniformiser la pratique d’imposition desdites sanctions, tout en contribuant à l’égalité de traitement des États membres. La Cour n’est toutefois pas liée par les propositions formulées par la Commission dans lesdites communications ( 5 ).

5.

Il ressort, entre autres, desdites communications que, de l’avis de la Commission, toute infraction au droit de l’Union, et en particulier l’inexécution d’un arrêt de la Cour, revêt un caractère grave. Or, une telle approche porte, à mon sens, l’empreinte rhétorique, dès lors qu’elle semble exclure tout examen de la proportionnalité de la sanction et toute individualisation de cette dernière, nonobstant les principes habituellement admis en matière répressive.

6.

Il est vrai que, à la différence des droits nationaux qui classifient souvent les infractions en fonction des peines encourues, le droit de l’Union ne connaît pas une telle distinction. Toutefois, un aspect commun tant aux droits nationaux qu’au droit de l’Union concerne la prise en compte du degré de l’illicéité, entendue comme la transgression d’une norme qui est effectuée avec un certain degré de volonté ou de négligence ( 6 ).

7.

Ainsi, dans le système prévu à l’article 260 TFUE aux fins de l’imposition d’une somme forfaitaire, c’est avant tout la gravité qui permet de déterminer la nature de l’infraction.

8.

Par conséquent, afin de garantir une adéquation entre l’infraction commise et la sanction envisagée, la Cour pourrait opérer une distinction entre les infractions au droit de l’Union en nuançant entre les manquements légers, moyens ou graves. En outre, dès lors que l’illicéité ne dépend pas uniquement du comportement extérieur de l’auteur et des conséquences de l’acte, mais est également liée à des circonstances propres à la personne de l’auteur, en particulier à ses intentions, la mesure de la somme forfaitaire doit tenir compte, d’une part, des circonstances atténuantes, telle la coopération loyale et, d’autre part, des causes aggravantes, telle la récidive d’un État membre concerné.

9.

Au final, la pondération de tous ces éléments s’inscrit dans le cadre de l’exercice du pouvoir de pleine juridiction dont dispose la Cour au titre de l’imposition des sanctions pécuniaires prévues à l’article 260 TFUE.

II – Sur la réglementation pertinente du droit de l’Union

10.

Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la procédure précontentieuse applicable, en vertu de l’article 260 TFUE, en cas d’inexécution d’un arrêt de la Cour a été raccourcie par la suppression de l’exigence d’un avis motivé de la Commission. Ainsi que cela ressort de la rédaction dudit article, la Commission n’est tenue d’envoyer à l’État membre concerné qu’une lettre de mise en demeure avant de saisir la Cour.

11.

La directive 2003/41 dont la non-transposition partielle a fait l’objet du manquement de la République tchèque a pour objet de fixer des règles concernant les activités et la surveillance des IRP. Les IRP sont des établissements ayant pour objet de fournir des prestations de retraite liées à une activité professionnelle en vertu d’un accord ou d’un contrat, individuel ou collectif entre les employeurs et leur personnel ou les organisations représentatives de ce dernier. La directive 2003/41 vise à cet égard à instituer un marché intérieur des régimes de retraite professionnelle à l’échelle européenne. Conformément au principe de subsidiarité, les États membres conservent toutefois l’entière responsabilité de l’organisation de leurs régimes de retraite et de la répartition des rôles entre les trois «piliers» du système de retraite, de sorte qu’il leur incombe, en particulier, dans le cadre du deuxième pilier, de définir le rôle et les fonctions des différents types d’IRP.

12.

En vue de réaliser les objectifs visés, la directive 2003/41 impose aux États membres différentes obligations concernant les IRP établies sur leur territoire, en particulier la séparation juridique entre les entreprises d’affiliation et les IRP (article 8), le respect de conditions de fonctionnement (article 9), leur contrôle (article 13) et la constitution de réserves techniques (articles 15 à 18). Par ailleurs, l’article 20, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que les États membres doivent autoriser les entreprises établies sur leur territoire à recourir aux services d’IRP agréées dans d’autres États membres et qu’ils doivent permettre aux IRP agréées sur leur territoire de fournir leurs services à des entreprises établies sur le territoire d’autres États membres. Les paragraphes 2 à 4 de cet article précisent à cet égard les règles de contrôle des activités transfrontalières des IRP.

13.

Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2003/41, les États membres devaient adopter les dispositions nécessaires pour s’y conformer avant le 23 septembre 2005.

III – L’arrêt C‑343/08, Commission/République tchèque

14.

Par son arrêt Commission/République tchèque, précité, la Cour a jugé que, en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 8, 9, 13, 15 à 18 et 20, paragraphes 2 à 4, de la directive 2003/41, la République tchèque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22, paragraphe 1, de cette directive.

15.

En réponse à l’argumentation de la République tchèque selon laquelle l’absence des IRP dans cet État membre justifiait la non-transposition des dispositions de la directive 2003/41, la Cour a rappelé aux points 37 à 52 de son arrêt que conformément à la jurisprudence, et en l’absence d’un motif géographique de nature à priver la transposition des dispositions en cause de tout objet, il importe que, dans l’hypothèse où la République tchèque déciderait de compléter son système national de pensions de retraite par un régime de retraite professionnelle relevant du deuxième pilier, tous les sujets de droit dans cet État membre, à l’instar des autres sujets de droit dans l’Union européenne, sachent quels sont leurs droits et obligations.

16.

En revanche, aux points 53 à 62 de son arrêt, la Cour a jugé que la transposition des dispositions en cause n’obligeait en rien la République tchèque à modifier son système national de pensions de retraite. En particulier, la directive 2003/41 ne saurait, selon la Cour, être interprétée comme obligeant un État membre qui, en raison de l’absence d’un deuxième pilier, interdit l’établissement d’IRP sur son territoire, de supprimer cette interdiction.

IV – La procédure précontentieuse, le recours devant la Cour dans l’affaire C‑241/11 et les développements intervenus au cours de la présente procédure

17.

Par courrier du 19 février 2010, la Commission a invité la République tchèque à lui communiquer les mesures et le calendrier précis que le gouvernement tchèque entendait adopter afin de se conformer à l’arrêt Commission/République tchèque, précité. En réponse, cet État membre a indiqué que les mesures nécessaires seraient adoptées au plus tard au mois de juin 2012. Par courrier du 17 juin 2010, le ministre des Finances de la République tchèque a informé la Commission que la décision quant au mode de transposition de la directive 2003/41 serait prise par le gouvernement issu des élections législatives des 28 et 29 mai 2010. Ultérieurement, par courrier du 1er octobre 2010, il a annoncé qu’un document de travail concernant la transposition de ladite directive serait soumis prochainement au gouvernement.

18.

Par courrier du 29 octobre 2010, la Commission a adressé à la République tchèque une lettre de mise en demeure par laquelle elle l’a invitée à soumettre ses observations dans un délai de deux mois à compter de la réception dudit courrier. À la...

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