Elisa María Mostaza Claro v Centro Móvil Milenium SL.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:265
Date27 April 2006
Celex Number62005CC0168
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-168/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO Tizzano

présentées le 27 avril 2006 (1)

Affaire C-168/05

Elisa María Mostaza Claro

contre

Centro Móvil Milenium SL

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Provincial de Madrid (Espagne)]

«Directive 93/13/CEE – Contrats conclus avec les consommateurs – Clause compromissoire – Nature abusive – Illégalité – Absence de contestation durant la procédure arbitrale – Possibilité de soulever cette exception dans le cadre de la procédure de recours contre la sentence»





1. Par décision du 15 février 2005, l’Audiencia Provincial de Madrid (Espagne) (ci-après l’«Audiencia Provincial») a saisi la Cour, en application de l’article 234 CE, d’une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (2).

2. En particulier, l’Audiencia Provincial souhaite savoir si le système de protection des consommateurs institué par la directive 93/13 implique que les juges nationaux appelés à se prononcer sur un recours dirigé contre une sentence arbitrale peuvent soulever d’office l’illégalité d’une clause compromissoire jugée abusive, notamment lorsque cette exception n’a pas été soulevée durant la procédure arbitrale et qu’elle est proposée pour la première fois par le consommateur dans l’acte introductif du recours.

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. La directive 93/13

3. Le Conseil de l’Union européenne a approuvé la directive 93/13 en vue de «faciliter l’établissement du marché intérieur» et de garantir, dans ce cadre, «une protection plus efficace du consommateur» (septième, huitième et dixième considérants).

4. En vertu de l’article 3, paragraphe 1:

«Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

5. L’article 4, paragraphe 1, dispose:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

6. L’article 6, paragraphe 1, précise:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux […]»

7. L’article 7 prévoit par ailleurs:

«1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.»

8. Enfin, il faut rappeler que la directive 93/13 comporte une annexe contenant une liste indicative de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Parmi celles-ci, le paragraphe 1, sous q), de cette annexe vise les clauses qui ont pour objet ou pour effet:

«de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat».

B – Le droit national

1. La législation espagnole sur les clauses abusives

9. La directive 93/13 a été transposée dans l’ordre juridique espagnol par la loi n° 7, du 13 avril 1993 (3).

10. L’article 8, paragraphe 2, de ladite loi prévoit:

«[…] sont nulles les conditions générales abusives dans les contrats conclus avec un consommateur, telles qu’elles sont définies, en tout état de cause, par l’article 10 bis et la première disposition additionnelle de la loi générale n° 26/1984, du 19 juillet 1984» (4).

11. Les articles 10 et 10 bis de la loi n° 26/1984 définissent la notion de «clause abusive». En outre, le point 26 de la première disposition additionnelle de cette loi précise qu’est jugée abusive «la soumission à un autre arbitrage que l’arbitrage des litiges de consommation, à moins qu’il ne s’agisse d’organes arbitraux institués par des dispositions législatives dans un secteur ou dans un cas spécifique».

2. La législation espagnole en matière d’arbitrage

12. Au moment des faits qui ont donné lieu à cette affaire, les procédures d’arbitrage étaient régies par la loi n° 36, du 5 décembre 1988 (5).

13. Pour ce qui nous importe en l’espèce, il faut rappeler en particulier l’article 23 de cette loi, qui dispose:

«1. L’opposition à l’arbitrage pour défaut de compétence objective des arbitres, inexistence, nullité ou caducité de la convention d’arbitrage doit être formée concomitamment à la présentation par les parties de leurs prétentions initiales respectives.

[…]»

14. Il faut par ailleurs évoquer l’article 45, d’après lequel:

«La sentence ne peut être annulée que dans les cas suivants:

1. Lorsque la convention d’arbitrage est nulle.

2. Lorsque les formes et les principes fondamentaux prévus par la loi n’ont pas été respectés lors de la désignation des arbitres et lors du déroulement de la procédure arbitrale.

3. Lorsque la sentence a été rendue en dehors du délai d’arbitrage.

4. Lorsque les arbitres ont tranché des questions qui n’avaient pas été soumises à leur arbitrage ou qui, bien qu’elles l’aient été, ne pouvaient faire l’objet d’un arbitrage.

5. Lorsque la sentence est contraire à l’ordre public.»

II – Les faits au principal et la procédure devant la Cour

15. Le litige au principal oppose Mme Mostaza Claro et la société Centro Móvil Milenium SL (ci-après «Centro Móvil»).

16. Le 2 mai 2002, Mme Mostaza Claro a conclu avec Centro Móvil un contrat de téléphonie mobile (ci-après le «contrat») qui prévoyait une durée d’abonnement minimale. Le contrat contenait une clause compromissoire qui soumettait tout litige afférent audit contrat à un arbitre désigné par l’Asociación Europea de Arbitraje de Derecho y Equidad (ci-après l’«AEADE»).

17. Considérant que la disposition relative à la durée minimale d’abonnement n’avait pas été respectée, Centro Móvil a engagé une procédure d’arbitrage devant l’AEADE qui a fixé un délai de dix jours à Mme Mostaza Claro pour décider si elle refusait l’arbitrage et pour présenter à l’arbitre ses observations et moyens de preuve à l’appui de sa thèse. Mme Mostaza Claro a exposé quelques arguments pour sa défense dans le délai imparti, mais elle n’a pas excipé de la nullité de la clause compromissoire.

18. L’arbitre ayant jugé que les moyens de défense invoqués n’étaient pas fondés, il a prononcé une sentence le 22 septembre 2003, par laquelle il a accordé des dommages et intérêts à Centro Móvil pour les préjudices subis et a condamné Mme Mostaza Claro aux dépens.

19. Mme Mostaza Claro a formé un recours contre cette sentence devant l’Audiencia Provincial. La requérante a invoqué pour la première fois devant cette juridiction la nature abusive de la clause compromissoire et elle a demandé l’annulation de ladite sentence. Centro Móvil s’est opposée à cette demande en répliquant que, en vertu de l’article 23 de la loi n° 36/1988, la nullité de cette clause devait être soulevée durant la procédure d’arbitrage et qu’elle ne pouvait donc plus être examinée dans la procédure de recours dirigée contre la sentence en question.

20. L’Audiencia Provincial a établi la nature abusive de la clause compromissoire insérée dans le contrat au sens de la loi n° 26/1984 (articles 10 et 10 bis ainsi que première disposition additionnelle). Toutefois, en l’absence de contestation spécifique du consommateur au cours de la procédure d’arbitrage, elle avait des doutes quant à la possibilité de soulever d’office la nullité.

21. L’Audiencia Provincial a dès lors posé la question préjudicielle suivante à la Cour:

«La protection des consommateurs qu’assure la directive 93/13/CEE […] implique-t-elle que la juridiction saisie d’un recours en annulation d’une sentence arbitrale apprécie la nullité de la convention d’arbitrage et annule la sentence au motif que ladite convention d’arbitrage comporte une clause abusive, lorsque le consommateur a invoqué ladite nullité dans le cadre du recours en annulation mais non dans le cadre de la procédure arbitrale?»

22. Centro Móvil, les gouvernements espagnol, allemand, hongrois et finlandais ainsi que la Commission des Communautés européennes ont présenté des observations écrites dans la procédure introduite de la sorte...

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